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B. E TUDE DU MODE D ’ ACTION DES BMP S DANS LA RÉGULATION DE

II. BMP4 est capable d'antagoniser l'induction du développement des

Il est clairement établi que le morphogène SHH, produit dans des régions proches des domaines oligodendrogéniques dont la chorde et la floor plate, est nécessaire et suffisant pour la spécification des oligodendrocytes, in vitro et in vivo, dans l'ensemble du SNC (Poncet et al., 1996 ; Orentas et al., 1999 ; Alberta et al., 2001 ; Davies et Miller, 2001 ; Nery et al., 2001 ; Soula et al., 2001 ; Spassky et al., 2001). Dans certaines conditions, le tube neural dorsal est capable de générer des oligodendrocytes et SHH est également requise pour ce processus (Sussman et al., 2000 ; Alberta et al., 2001 ; Spassky

et al., 2001). En apparente contradiction avec ces données, bien que les oligodendrocytes

ne se développent pas chez les souris mutantes pour le gène SHH, in vivo, des cellules dissociées du cerveau de ces individus peuvent donner naissance à des oligodendrocytes en culture (Nery et al., 2001). Il est toutefois possible que des molécules apparentées à SHH telles que IHH (Indian Hedgehog) et DHH (Desert Hedgehog) puissent s'y substituer fonctionnellement, comme le suggère le fait que des régions n'exprimant pas SHH in situ aient la capacité à générer des précurseurs oligodendrocytaires in vitro et que ce phénomène soit inhibé en présence de cyclopamine. La détection des transcrits de SHH et IHH dans ces cultures supporte cette notion (Tekki-Kessaris et al., 2001). Il apparaît par ailleurs que le FGF peut induire la formation d'oligodendrocytes dans des cultures de cellules issues du tube neural dorsal et ce, de manière indépendante de la signalisation Hh (Chandran et al., 1998, 2003). Cependant, rien n'indique si ce scénario existe in vivo.

Partant de l'idée que la signalisation SHH est requise pour l'induction des oligodendrocytes, au moins in vivo, l'inhibition de ce processus par nos greffes de cellules exprimant BMP2 suggère que les BMPs sont capables de contrecarrer l'effet inducteur de SHH produite par la floor plate. L'absence de cellules du lignage oligodendrocytaire dans

116 les explants de neuroépithélium ventral, prélevés et soumis à BMP4 et SHH juste avant l'initiation de la détermination des précurseurs, confirme ce point et montre que cet antagonisme s'exerce au moment de la spécification des oligodendrocytes. Nos observations sont en accord avec des données indiquant que les BMPs inhibent le développement des oligodendrocytes médié par SHH dans des cultures de cellules issues du cerveau ou de la moelle épinière de rat (Zhu et al., 1999b ; Miller et al., 2004).

Plus tôt au cours du développement du SNC, les BMPs sont également capables d'antagoniser les effets de SHH. Par exemple, l'addition simultanée de BMP4 ou BMP7 et de SHH dans des cultures d'explants de plaque neurale entraîne le développement de neurones plus dorsaux que ceux produits sous l'effet de SHH seule (Liem et al., 2000). Au contraire, l'inhibition de la signalisation BMP aboutit à une conversion de l'identité des cellules neuronales de la moelle épinière vers un destin plus ventral in vitro et in vivo (Liem et al., 2000 ; Patten et Placzek, 2002). Il semble même, qu'au moins lors des étapes précoces du développement du SNC, l'inhibition de la signalisation BMP soit requise pour permettre la genèse des populations cellulaires ventrales. Ainsi, chez les souris mutantes pour le gène Noggin, normalement exprimé dans la chorde, la floor plate et plusieurs classes de neurones ventraux sont absentes dans la région caudale de la moelle épinière, malgré une expression normale de SHH dans la chorde. Ce phénotype est accompagné de l'expression anormale de BMP4 dans la chorde et la région ventrale du tube neural caudal (McMahon et al., 1998). D'autre part, le fait qu'in vivo, SHH ne puisse mimer l'effet de la chorde dans l'induction du développement d'une floor plate ectopique, seulement si elle est coexprimée avec Chordin, soutient l'idée de la nécessité d'inhiber la signalisation BMP afin de permettre aux cellules neurales de répondre à SHH de manière appropriée (Patten et Placzek, 2002). Le développement de précurseurs oligodendrocytaires surnuméraires dans nos greffes de cellules sécrétant Noggin laisse penser que la réduction de l'activité BMP crée également un environnement favorisant l'effet inducteur de SHH à des stades plus tardifs. Ces observations expliquent vraisemblablement pourquoi des greffes de cellules exprimant SHH contre la région dorsale du tube neural, réalisées chez le poulet, au laboratoire, ne suffisent pas à promouvoir le développement ectopique des oligodendrocytes in vivo (Poncet et al., non publié), au contraire des greffes de chorde (Orentas et al., 1996 ; Poncet et al., 1996). Cependant des résultats récents, obtenus chez le xénope, indiquent que l'implantation d'une bille imprégnée de SHH contre la moelle épinière dorsale aboutit à la genèse d'oligodendrocytes dorsaux (Miller et al., 2004). Cette différence dépend peut-être du modèle animal utilisé, de la technique de microchirurgie

employée avec, par exemple, une perturbation de l'environnement de la moelle épinière dorsale et de la signalisation susceptible d'en provenir ou, plus simplement, de la dose de SHH présente localement. Quoi qu'il en soit, nos résultats indiquent que les activités antagonistes des BMPs et de SHH, à l’œuvre lors de l'établissement de la floor plate et des populations neuronales ventrales de la moelle épinière, s'exercent au moins jusqu'au moment de la détermination des oligodendrocytes et suggèrent qu'elles régulent également la spécification des cellules gliales dans cette région du SNC. L'interaction entre les systèmes de signalisation BMP et SHH semble donc être une caractéristique générale de la moelle épinière, permettant la mise en place correcte des populations neurales qui la composent. Nous proposons que la position à laquelle les précurseurs oligodendrocytaires doivent être spécifiés, selon l'axe dorso-ventral de la moelle épinière, dépend de l'intégration des activités SHH et BMP.

Les mécanismes de l'antagonisme entre les BMPs et SHH sont encore inconnus. Des données indiquent que des signaux dorsalisants du tube neural seraient capables d'inhiber l'expression de SHH dans le SNC. Ainsi, la greffe de cellules produisant BMP7 contre la région latéro-ventrale du cerveau postérieur aboutit à une diminution considérable du niveau d'expression de SHH dans la floor plate (Arkell et Beddington, 1997). D'autre part, des explants de moelle épinière dorsale, qui n'expriment pas SHH au moment de leur prélèvement, sont capables de générer des oligodendrocytes après une longue période de culture, un processus dépendant de l'activité de SHH qui s'y trouve alors exprimée (Sussman et al., 2000). Les auteurs proposent que la dilution des signaux dorsaux initialement présents dans ces explants permet l'expression de SHH. Enfin, l'implantation d'une bille imprégnée de Chordin contre la partie ventrale de la gouttière neurale entraîne une extension du domaine d'expression de SHH en direction dorsale (Patten et Placzek, 2002). De manière analogue, l'expression de Noggin au voisinage de la moelle épinière pourrait permettre l'extension dorsale de celle de SHH, ce qui aurait pour conséquence l'émergence de précurseurs oligodendrocytaires plus dorsaux. Cependant, l'observation que le profil d'expression de SHH n'est pas modifié en présence d'un greffon de cellules sécrétant BMP2 rend cette hypothèse improbable. Elle indique, au contraire, que l'inhibition de la spécification des oligodendrocytes médiée par les BMPs ne résulte pas de la régulation de l'expression de SHH.

Le fait que, dans notre système de culture de neuroépithélium ventral, les BMPs inhibent l'induction du développement des oligodendrocytes par SHH montre que ces protéines peuvent agir sur les cellules cibles malgré la présence de SHH. En absence

118 d'éléments permettant de supposer une interaction directe entre les BMPs et SHH, il est possible que ces molécules s'antagonisent au niveau intracellulaire. A l'appui de cette hypothèse, les BMPs altèrent la réponse des cellules neurales à SHH, en aval de sa présentation et probablement, à une étape proximale de la voie de transduction du signal comme le suggère la répression de l'induction de l'expression de HNF3β et de Ptc, dont les gènes sont considérés comme étant des gènes de réponse immédiate à SHH (Liem et al., 2000). Il a par ailleurs été rapporté que les facteurs de transcription Smad et Gli, effecteurs des signalisations BMP et SHH, respectivement, pouvaient s'associer in vitro (Liu et al., 1998). Il est donc tentant d'imaginer que les voies de transduction de SHH et des BMPs convergent au niveau transcriptionnel dans les cellules neurales de la moelle épinière. Alternativement, les BMPs pourraient modifier la compétence des cellules neuroépithéliales à répondre à SHH, par exemple, en les orientant irréversiblement dans une voie de différenciation (qui reste à déterminer) sans interférer avec la voie de signalisation Hh.

III. Les BMPs inhibent la spécification des oligodendrocytes via la