• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : SYNTHESE BIBLIOGRAPHIQUE

2.1. Biosynthèse de la sélénocystéine et incorporation dans les protéines

Le mécanisme de biosynthèse des sélénoprotéines est longtemps demeuré énigmatique, jusqu’en 1986 où

il fut découvert qu’à la position correspondant au résidu sélénocystéyl, dans l’ARNm des gènes de la

glutathion peroxydase bovine et de la formiate déshydrogénase eubactérienne, se trouvait un codon UGA

(62, 63). Cette découverte est alors très surprenante car UGA était seulement connu comme codon stop

qui provoque l’arrêt de la traduction. Depuis, le mécanisme par lequel le codon UGA code l’incorporation

ciblée de la sélénocystéine a été élucidé chez les procaryotes (64, 65) et est en voie d’élucidation chez les

eucaryotes (61, 66). Il implique une machinerie complexe avec de nombreux acteurs moléculaires

présentés dans les paragraphes suivants.

Le modèle de biosynthèse de la sélénocystéine décrit ici est issu des études effectuées sur la bactérie E.

coli par Bock et al (65). La sélénocystéine ne se présente pas comme un acide aminé libre. La première

étape de la biosynthèse est le chargement de l’ARNt

Sec

(produit du gène selC) par l’acide aminé sérine,

réaction catalysée par une séryl-ARNt synthétase classique. Le résidu séryl est ensuite converti en

sélénocystéyl par l’enzyme sélénocystéine synthase, produit du gène selA (67). Le sélénium provient du

sélénophosphate produit par la sélénophosphate synthétase (produit du gène selD) à partir de séléniure

d’hydrogène HSe

-

et d’ATP (Figure 5) (68-70).

Dans les domaines eukarya et archaea, seules une partie de ces acteurs ont été identifiés et la voie de

biosynthèse de la sélénocystéine apparaît plus complexe (61). Il y aurait intervention de deux

sélénophosphate synthétases SPS1 et SPS2 (71), (72), et d’une phosphoséryl ARNt

Sec

kinase qui

phosphorylerait le résidu séryl de l’ARNt

Sec

(Ser- ARNt

Sec

) en phosphoséryl-ARNt

Sec

avant sa conversion

en sélénocystéyl-ARNt

Sec

(Sec- ARNt

Sec

) (73).

-Figure 5 : Biosynthèse et incorporation de la sélénocystéine chez les bactéries (3, 74).

La sélénocystéine est synthétisée à partir de la sérine directement sur un ARN de transfert spécifique de la

sélénocystéine, nommé ARNt

Sec

(62, 63). Cet ARN de transfert chargé du résidu sélénocystéyl est noté

sélénocystéyl-ARNt

Sec

. Il porte l’anticodon complémentaire du codon stop UGA (75). (ARNt : Acide

ribonucléique de transfert, ATP : Adénosine triphosphate, AMP : Adénosine monophosphate, ARNtSec:

Acide ribonucléique de transfert spécifique du résidu sélénocystéyl, SelB : facteur d’élongation).

Chez les bactéries, l’insertion fonctionnelle et ciblée de la sélénocystéine en face du codon UGA durant la

traduction nécessite la formation de sélénocystéyl-ARNt

Sec

, la présence de la protéine SelB (produit du

gène selB) aussi appelé facteur d’élongation spécifique de la sélénocystéine et une séquence sur l’ARNm

appelée élément SECIS pour SElenoCysteine Insertion Sequence. L’élément SECIS est une structure

secondaire en « tige-boucle » située directement après le codon UGA (en 3’) dans la région codante de

l’ARNm. Alors que cette structure est conservée, sa séquence ne l’est pas forcément entre les différentes

bactéries. Il possède une double fonction en liant le facteur d’élongation SelB et en codant pour les résidus

d’acides aminés de la protéine situés après le résidu sélénocystéyl. Le facteur d’élongation SelB se lie à la

fois au sélénocystéyl-ARNt

Sec

, à une molécule de GTP et à la séquence SECIS pour former un complexe

d’insertion SelB-GTP-sélénocystéyl-ARNt

Sec

. Lorsque le ribosome arrive au niveau du codon UGA, le

complexe d’insertion ajoute le résidu sélénocystéyl au polypeptide en cours d’élongation (76) (Figure 6).

L’ARNt est ensuite libéré ce qui induit la dissociation du complexe SelB-SECIS. L’élément SECIS est

enfin déplié pour sa lecture par le ribosome qui termine la synthèse protéique au codon stop.

5’

3’

5’ 3’

5’ 3’

polypeptide ribosome SeC SelB GTP

SECIS SECIS ARNm ARNtSeC

U G A U G A

N N N

Stop

N N N

Stop

Figure 6 : Eléments conduisant à l’insertion de la sélénocystéine dans les sélénoprotéines.

L’ARN

t

spécifique de la sélénocystéine (ARN

tSec

) forme un complexe avec le facteur d’élongation SelB,

du GTP et la séquence SECIS située directement en aval du codon UGA. Cet ensemble dirige le résidu

sélénocystéyl en face du codon UGA pour son insertion dans la chaîne polypeptidique. (ARNm : Acide

ribonucléique messager, SECIS : Selenocysteine insertion sequence, GTP : guanosine triphosphate,

ARN

tSec

: ARN de transfert spécifique de la sélénocystéine, NNN : triplet de 3 nucléotides).

Chez les organismes eucaryotes et les archaebactéries, les mécanismes d’incorporation de la

sélénocystéine présentent un degré de complexité supérieur. Contrairement à l’élément SECIS bactérien

situé immédiatement en aval du codon UGA, l’élément SECIS des mammifères est localisé dans la région

3’ non codante de l’ARNm loin du codon sélénocystéine UGA (65), (3), (61), (77, 78). L’élément SECIS

des archaebactéries est également dans la région non codante mais il est structurellement différent de celui

des mammifères (79, 80). Récemment, la présence d’un nouveau type d’élément SECIS a été détectée

dans des algues (80). L’éloignement de l’élément SECIS du codon UGA permet à un seul élément SECIS

de diriger le décodage de plusieurs codons UGA sur un même ARNm pour l’incorporation de plusieurs

résidus sélénocystéyls comme l’illustre par exemple la sélénoprotéine P avec ces dix résidus

sélénocystéyls (81). En résumé, l’élément SECIS dirige l’incorporation de résidus sélénocystéyls dans la

protéine mais il diffère, entre les organismes eucaryotes et procaryotes (regroupant bactéries et

archaebactéries), aussi bien en séquence, qu’en structure ou localisation sur l’ARN messager. Les

fonctions de la protéine SelB sont assurées, chez les archaebactéries et les mammifères, par deux éléments

distincts : La protéine SBP2 (SECIS-binding protein-2) pour la liaison à l’élément SECIS et le facteur

d’élongation eEFSec ou mSelB (82-84). Le mécanisme d’incorporation de la sélénocystéine n’a toutefois

pas pu être reconstitué in vitro à partir d’extraits cellulaires eucaryotes ce qui suppose l’intervention

d’autres composants encore non identifiés dans ce mécanisme (85, 86).

Chez les eucaryotes, il semblerait que la protéine SBP2 soit le facteur limitant de la biosynthèse. En effet,

le taux d’expression d’une sélénoprotéine le plus important jamais observé est celui de la glutathion

peroxydase 4 dans les spermatides où la protéine SBP2 est fortement exprimée (87) ; alors qu’elle est

quasiment indécelable dans les autres tissus (88, 89). La surexpression de SBP2 dans le testicule suggère

son rôle essentiel dans la biosynthèse de fortes quantités de sélénoenzymes dans cet organe.