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CHAPITRE I : Introduction à la sécurité biologique et présentation des bioMEMS

I.2. Les BioMEMS : Solution idoine à la problématique de bio-défense

I.2.2. Les bioMEMS : solution idoine à la problématique de bio-défense

I.2.2.2. BioMEMS statiques

Les bioMEMS conçus pour être utilisés en mode statique sont basés essentiellement sur des structures de types levier. Historiquement, l’intérêt de ces structures mécaniques, un rectangle suspendu de type plongeoir, fut démontré dans le cadre de l’imagerie de surface par microscopie à force atomique (AFM) [142]. Dans cette technique, un levier suspendu supportant une pointe liée à l’extrémité de sa face inférieure parcourt une surface donnée. Les interactions entre l’extrémité de la pointe et les reliefs de la surface provoquent la déflection du levier. Dans le cas des bioMEMS statiques, la déflection des leviers intervient pour compenser l’apparition d’une différence de contrainte d’une des deux faces par rapport à l’autre. Cette différence de contrainte est générée par les forces surfaciques induites lors de l’adsorption des analytes formant un film mince à la surface [143].

Figure 1.14 : Principe du fonctionnement d’un BioMEMS statique (ici un micro-levier), le greffage des analytes à la surface via les biorécepteurs induit une différence de contrainte surfacique entre les faces supérieures et inférieures, contrainte qui est

relaxée par la déflexion ∆z du levier

Depuis plus d’un siècle, le cadre théorique permettant de comprendre ce phénomène a été établi et l’équation de Stoney synthétise la relation entre la déflexion du levier ∆z à la différence de contraintes surfaciques ∆

σ

entre les deux faces (supérieures et inférieures) [144].

σ

ν

=

4(1

2

)

2 Et L z (1.2)

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Dans cette équation, E et ν représentent respectivement le module d’Young et le coefficient de Poisson du levier et L et t, sa longueur et son épaisseur.

On constate que si la longueur du levier augmente ou bien si l’épaisseur de celui-ci diminue, une même différence de stress entre les deux faces se traduira par une déflexion plus importante et donc une sensibilité plus grande [145].

L’instauration de la différence de contrainte surfacique liée à un greffage biologique ne peut intervenir que pour une adsorption sélective sur l’une des deux faces, ainsi on devine la nécessité d’une fonctionnalisation différenciée sur chacune des deux faces. De nombreuses configurations sont évoquées dans la littérature. A titre d’exemple, l’équipe de Majumdar greffe des anticorps biotinylés via une liaison biotine/streptavidine sur la face supérieure d’un levier de dimensions micrométriques (épaisseur 500 nm, largeur 40 µm et longueur 200 µm) et utilise deux types de chimie de passivation différentes pour la face arrière, à savoir une passivation par adsorption de d’albumine sérique de bovin (BSA) et par greffage covalent de PEG-silanisés [146]. Majumdar et al observent que la détection d’antigènes par les anticorps est largement optimisée dans le deuxième cas (celui connu pour limiter au mieux les interactions non-spécifiques), ils rapportent alors une sensibilité de détection d’antigènes sériques spécifiques de la prostate (PSA) à une concentration de 1ng/mL.

Afin de rendre compte de la déflexion du levier, les systèmes de biodétection basés sur des bioMEMS statiques ont tout d’abord fait intervenir, comme pour le microscope à force atomique, un système de détection externe basé sur la réflexion d’un faisceau laser sur la surface du levier. Cette technique (dénommée Optical Beam Deflection, OBD) permet de pouvoir adresser facilement plusieurs leviers séquentiellement afin d’effectuer plusieurs essais de biodétection en parallèle. La figure 1.15 présente le principe d’une détection optique de la déflexion d’un levier. Cependant, elle souffre de limitations liées notamment à la difficulté de focaliser un faisceau sur des leviers lorsque ceux-ci sont immergés dans un milieu fluidique pour le suivi d’interactions en temps réel. Même si cette limitation a été dépassée pour de nombreuses études [147], cela a nécessité des éléments d’alignement supplémentaires aux systèmes optiques externes déjà nécessaires à cette technique. Cette nécessaire instrumentation externe s’oppose à la nécessité de miniaturisation des moyens de transduction qui sous-tend notre réflexion pour des bioMEMS portables, robustes et économiques. Ainsi, de nombreuses techniques permettant de rendre compte de la déflexion de levier sans instrumentation externe ont été investiguées.

Figure 1.15 : Schéma descriptif du principe de la mesure de la déformation d’un levier par déflexion d’un faisceau optique (Optical Beam Deflection, OBD)

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Il convient de recenser les efforts fournis pour le développement de plusieurs techniques intégrées de mesure de déflexion de leviers. Les techniques basées sur la piézoélectricité mesurent les charges générées par la déflexion du levier au sein d’un matériau piézoélectrique déposé sur sa face supérieure [148]. La méthode capacitive traduit quant à elle la variation de la capacité formée par le substrat et le levier lorsque ce dernier est défléchi [149]. Enfin la méthode dite de transistors intégrés consiste à construire un transistor MOS (Metal Oxyde Semiconductor) à effet de champ à l’encastrement d’un levier silicium en disposant le canal du transistor parallèlement au levier de sorte que la déflexion de celui-ci induise une contrainte subie par le canal, modifiant alors le courant de drain du transistor [150].

Au sein des techniques de mesure embarquée de la déflexion du levier, celle des jauges piézorésistives doit retenir notre attention en ceci que les promesses qu’elle laisse entrevoir incitent de plus en plus d’équipes à les intégrer. Dans cette technique, la contrainte induite au sein du matériau par la déflexion du levier fait varier la résistance d’une jauge piézorésistive. Les piézorésistances sont souvent montées en pont de Wheatstone pour réaliser des mesures différentielles permettant d’éliminer au mieux les sources de bruits électriques et thermomécaniques [151]. Cette technique a été employée avec succès pour des opérations dans l’air [152] mais également dans le liquide pour la détection de biomolécules en profitant notamment de l’essor récent de leviers en polymères. En effet, l’équipe d’Anja Boisen rapporte l’intégration de jauges piézorésistives au sein de leviers en résine SU-8 [153]. L’optimisation de la précision de la mesure de déflexion est obtenue lorsqu’un deuxième levier de même dimension est utilisé pour effectuer des mesures de déflexion différentielles. La détection de l’adsorption de molécules de Mercaptohexanol par ces mêmes leviers est rapportée. Les leviers en polymères permettent d’espérer des sensibilités à la contrainte de l’ordre de 10 fois supérieures que pour ceux en silicium. Le cadre théorique de la réponse à la sur-contrainte induite par la couche biologique déposée n’est toutefois pas complètement transposable et un effort a été fourni afin de rendre compte fidèlement de leur comportement [154].

Figure 1.16 : Principe de la mesure différentielle de la déformation de leviers par des jauges piézorésistives intégrées montées en pont de Wheatstone. La courbe en bas à gauche montre que le plus faible niveau de bruit est atteint lorsque la mesure différentielle est effectuée entre deux jauges appartenant à deux leviers suspendus. La courbe de droite

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Bien qu’offrant d’encourageantes promesses en termes de sensibilité de la détection [147], miniaturisation et intégration à des procédés de fabrication CMOS [155] ou bien encore en terme d’optimisation de la réduction des sources de bruits [156], les BioMEMS statiques possèdent certaines limitations inhérentes au principe de transduction retenu. Tout d’abord, la déformation du levier étant résultante de changements d’état de contrainte surfacique, il est très ardu de réaliser la calibration de ces leviers micrométriques afin d’obtenir des informations quantitatives sur la réaction biologique. Enfin, et cela est lié à l’assertion précédente, le dépôt des espèces biologiques en un film homogène sur toute la surface du capteur est une condition préalable nécessaire à la génération de contraintes surfaciques induites. Or, cette condition n’est pas vérifiée pour des éléments biologiques de larges volumes (pour des cellules par exemple). Elle n’est plus vérifiée non plus lorsqu’il s’agit de la détection de l’adsorption de très petites quantités de molécules. Cette considération limite l’usage des BioMEMS statiques pour des applications de très haute sensibilité (type détection de molécules uniques). C’est pour s’affranchir de ce type de restrictions que la communauté scientifique s’est tournée vers les BioMEMS fonctionnant selon un mode dynamique. En effet, ces derniers, de part le principe de transduction mis en jeu, possèdent la même universalité de détection que les techniques basées sur l’usage de microbalance à quartz.

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