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Chapitre II : Réalisation des reproductions assistées en 2015 à partir du stock captif

II.5 Bilan de la saison de reproduction 2015

Les différents circuits fermés dédiés aux reproductions étaient pleinement opérationnels cette saison. L’entrée des géniteurs présélectionnés n’a pas eu d’effet notable sur la qualité de l’eau. Cela est lié au maintien en activité des filtres biologiques durant l’intersaison. Le raccordement en autonomie des filtres a permis un fonctionnement y compris en période de travaux importants (changement de la toiture du bâtiment en 2014).

Les biométries réalisées à l’occasion des transferts ont montré des pertes de poids significatives pour une majorité de poissons, les mâles paraissant plus touchés encore que les femelles. Cela intervient alors qu’une stagnation des croissances avait déjà été observée l’année précédente.

Deux poissons ont montré un état de santé déficient en cours de saison : une femelle Francine et un mâle Justin. La précocité et le choix des traitements administrés à Francine ont permis de la sauver. Cela constitue une véritable satisfaction, compte tenu de la forte réduction des effectifs ces dernières années. Par contre l’absence de symptômes extérieurs visibles, n’a pas permis d’intervenir sur le mâle Justin qui est mort.

30 Les reproductions assistées demandent la réalisation de nombreuses opérations (manipulations, changements d’hébergement et d’environnement, biopsies, anesthésies, traitements hormonaux et thermiques, chirurgie..) stressantes pour les poissons.

Dans le contexte de forte dégradation de l’état de santé des animaux ces deux dernières années, le risque de voir se développer des pathologies durant les reproductions est donc important.

La prévention du risque doit conduire à être plus restrictif encore sur l’utilisation des animaux, tenant compte de l’historique de leur état de santé, engraissement annuel et valeur génétique. Il convient d’écarter tout animal ayant subi une perte de poids conséquente, indépendamment de tout autre critère (bonne apparence extérieure…).

Des traitements préventifs peuvent également être mis en place pour renforcer l’état de santé des animaux avant participation aux reproductions (traitements immunostimulants, utilisation de vitamine C).

Quatre des 5 femelles présélectionnées ont montré un fort retard de maturation, sortant du cadre général de ce qui a été observé ces dernières années (30 % de l’effectif). Seule la femelle Francine, considérée comme ayant un comportement « plastique » a maturé dans la période classique. Il n’a toutefois pas été possible de la faire ovuler dans les délais voulus. Cela peut être lié à une stimulation hormonale trop précoce. Un manque de sensibilité aux traitements a pu également intervenir en raison de la pathologie dont elle était atteinte. Chez les mâles, dans les deux séquences de reproduction, des semences de mauvaise qualité ont été obtenues. Une tendance générale à la baisse de qualité des semences est observée ces dernières années, mais pas de cette intensité. Cela est très probablement à mettre en relation avec la perte de poids des animaux avant reproduction.

De nombreux facteurs interviennent pour un bon développement de la gamétogénèse : niveau d’engraissement, période de constitution des réserves, état de santé des animaux, qualité des paramètres environnementaux ...

Chez les femelles esturgeon, l’accumulation des réserves pour la formation d’ovocytes en vitellogénèse demande généralement deux ans (cycle plutôt biennal de reproduction). L’effort pour l’alimentation doit donc se faire« dans la durée ». Les mâles peuvent paraitre potentiellement moins pénalisés par une alimentation réduite à court ou moyen terme. Il n’en ait rien, car l’utilisation annuelle des mâles pour les reproductions (compte tenu de leur faible effectif) conduit à réduire de facto leur période d’alimentation de deux à 3 mois. Une alimentation insuffisante conduit à une fragilité des animaux, une qualité médiocre des gamètes (production de petits ovocytes, réduction des nombre, variabilité des développements…) et un décalage de la période de maturation pour les femelles.

Bromley et al. (2000) constate chez le turbot qu’un déficit d’alimentation 4 à 8 mois avant la période de reproduction a des effets très négatifs sur la qualité des ovocytes.

Tous les poissons ne sont pas forcément affectés de la même façon. Les plus adaptés aux conditions d’élevage, généralement dominants, continuent à s’alimenter convenablement, au détriment des autres poissons.

Il est donc important de nourrir les géniteurs au niveau requis (Rochard, 2011) et garantir leur bon état de santé pour espérer renouer avec le succès en matière de reproduction. De l’aliment (crevette) a été distribué aux poissons à partir de début juin dans les bassins de reproduction. L’alimentation dans les structures de reproduction est toutefois difficile à réaliser et ne peut être optimisée. Comme cela a été dit, les poissons y sont soumis à de nombreux stress limitant les quantités ingérées. De plus ils doivent disposer des réserves nécessaires, avant entrée en période de reproduction. Il est donc important qu’ils aient

31 achevé leur pleine croissance dans les bassins de grossissement avant transfert en structure de reproduction.

La gestion de l’élevage générant le moins de stress doit être recherchée, que ce soit en période de grossissement ou de reproduction. Il est préférable que le déplacement des animaux pour les reproductions s’effectue après atteinte par les femelles du stade 4 de la vitellogénèse. Ainsi les biopsies peuvent être limitées en nombre et sont réellement informatives.

La saison 2015 a donc été marquée par l’impossibilité de faire ovuler les femelles.

Ceci implique que les femelles doivent résorber leurs ovocytes durant les mois à venir. Ce « travail physiologique et métabolique » semble délicat à gérer pour les femelles depuis quelques années.

Ceci amène une question importante sur la gestion de ces poissons. Doit-on essayer à tout prix de les leur faire évacuer les ovocytes ? Doit-on accompagner la femelle durant sa résorption et l’atrésie ? Doit-on maintenir la femelle dans des conditions qui puissent l’amener à maturer pour la saison suivante ? Doit-on envisager de réaliser des reproductions décalées ?

La gestion particulière de quelques géniteurs est possible dans Sturio 1, dans le cadre d’une stabulation à température basse pour amener le poisson jusqu’à la saison suivante. Ce type de stratégie est développée dans les élevages russes.

Cet aspect de la gestion des géniteurs post-reproduction est crucial dans le cas d’un stock à effectif réduit comme le nôtre. Le traitement de ces questions nécessite le recours à des compétences extérieures spécialistes de la reproduction des poissons, et idéalement des esturgeons.

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