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CHAPITRE 1. LA MESURE ET LES TENDANCES DE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS

4. C ONCLUSION

4.1. Bilan et perspectives

L’artificialisation est un terme qui a vu son apparition dans les années 1990 notamment pour illustrer la part prise par les activités humaines sur les espaces agricoles et naturels. La transformation de ces espaces détournés de leurs finalités premières a explosé aux abords des centres urbains par contagion et par nécessité de surfaces d’installation (habitat, infrastructures de transports, activités d’extraction, etc.). Ce processus se trouve intimement lié à la croissance des centres urbains et à leur corollaire de transformation des paysages et des activités initiales. Cette transformation a bien entendu des conséquences importantes sur le milieu physique et les ressources naturelles, mais aussi sur les modes de vie des habitants et leur mobilité.

En ce sens les définitions de l’urbain prennent généralement en compte dans les statistiques d’énumération nationale ces divers éléments : l’espace, la population et ses déplacements. Les centres urbains correspondent plus souvent à des définitions administratives sur lesquelles sont basés des modèles statistiques (recensement, PIB et autres indices humains) qu’à une réalité univoque éclairante. Mesurer les transformations et les représenter à une échelle pertinente pour divers objectifs et échelles renvoie à la définition de ce qui est mesuré et des méthodes utilisées pour le faire. A ceci est associée une échelle spatiale, favorisant la comparaison par exemple à l’échelle européenne, ou le suivi du phénomène par une collectivité à une échelle spatiale plus fine.

Etant donné la multiplicité des définitions et des objectifs il est très difficile d’identifier une méthode capable de répondre uniformément. Les éléments considérés ne peuvent pas être les mêmes (aires urbaines d’un côté et surfaces transformées de l’autre en fonction des projets et des zones bâties). La formalisation des besoins et des attendus doit être précisée en amont de manière à définir la démarche la plus appropriée.

Ces définitions multiples ont un impact sur la représentation de ces aires : d’un point de vue morphologique, les formes bâties mais aussi les réseaux et les zones recouvertes peuvent être considérées comme la matrice de référence. Or, les corridors écologiques, les parcs urbains, les jardins font aussi partie de cette matrice initiale en connexion avec les franges extérieures ; ceci se rajoute donc à la matrice initiale (grise) par une inclusion des zones de végétation (matrice verte).Cependant, des espaces de sols nus existent aussi en ville (chantiers, cimetières, friches…) et ces sols plus ou moins imperméables selon leurs caractéristiques géophysique et mécaniques, participent eux aussi (matrice brune) de la matrice totale urbaine. Les approches développées pour mesurer l’artificialisation peuvent donc favoriser des vues complémentaires :

1) par soustraction, c’est à dire par l’extraction des éléments urbains d’étude, ou la détermination de ce qui n’est pas urbain (forêt, agrosystèmes etc.) selon des typologies généralistes ;

2) par combinaison, en considérant des matrices urbaines complémentaires -grise (bâtie), verte (végétation) éventuellement brune (sols nus), selon des typologies plus adaptées à une situation locale. Il s’en suit l’utilisation de méthodes favorisant plutôt la cartographie de zones par délinéation selon des catégories aboutissant à des nomenclatures plus ou moins officielles, généralisables ou non. On peut se référer à la couverture européenne de Corine Land Cover selon le niveau de détails attendus. D’autres utilisent des outils de télédétection fournissant des couvertures spatiales exhaustive à un moment donné ou selon des millésimes annuels fournissant des résultats issus de traitement d’image aéroportée (résolution centimétrique) ou satellite, avec des échelles spatiales de restitution cohérentes avec la résolution spatiale de la mesure prise. Les satellites actuels ont des résolutions infra métriques qui correspondent bien à l’identification d’éléments urbains. Enfin d’autres sources peuvent être mobilisées (cadastre, cartographie des blocs urbains, etc.) pour extraire un ensemble d’éléments participant à l’espace urbain.

Dans la mesure et la quantification des surfaces artificialisées, la définition de la chose mesurée est donc une question essentielle car déterminante de l’unité de mesure, des modalités d’agrégation des éléments mesurés, des approches privilégiées et de l’échelle de représentation et de calcul.

La « tache urbaine » s’avère être une composante majeure de la couverture du sol (landcover) et un indicateur de l’utilisation de celui-ci (landuse). Elle peut se décliner globalement, une tache uniforme : « bâti continu », ou selon des espaces identifiés selon le type de bâti (continu, discontinu, lâche), d’infrastructure ou d’espace de végétation par exemple. La finalité du bâti peut être fournie ou non (résidentiel, industriel ou commercial etc.).

Les nomenclatures permettant de qualifier ces éléments doivent être définis au préalable.

La mesure de « l’artificialisation » peut se décliner aussi de manière statique comme un état de transformation, ou de manière dynamique en relevant l’évolution des surfaces recouvertes ou transformées de manière artificielle sous l’influence d’activités humaines comme un indicateur du processus. On voit bien poindre ici une distinction importante entre « l’artificialisation » et « l’imperméabilisation » des sols. Soit il s’agit de cibler un processus de transformation des surfaces, soit de prendre en compte un état perturbant plus ou moins les processus des écosystèmes naturels, agricoles ou forestiers. On remarque que selon l’échelle d’observation et l’objectif de l’analyse réalisée les deux termes peuvent parfois être confondus.

Cependant ces résultats ne peuvent servir aux mêmes objectifs : dans le premier cas, c’est-à-dire la mesure statique, il s’agit de quantifier le changement, voire d’établir une série d’états à comparer afin d’en déduire des tendances, des rythmes, des types de croissance ; ces informations pouvant ensuite être intégrées dans des modèles de prospective territoriale. Dans le second cas, c’est-à-dire la mesure dynamique, il s’agit plus de déterminer la croissance d’une altération des surfaces « naturelles ou agricoles » et de considérer les impacts qu’une telle croissance peut avoir sur les écosystèmes et les processus naturels, et donc fournir des éléments à une réflexion environnementale de gestion des ressources.

Quoiqu’ il en soit, et selon les objectifs de la mesure, les échelles spatiales et temporelles entrent en ligne de compte dans ces approches. L’exhaustivité de la mesure, la profondeur historique recherchée, vont peser sur les choix des informations à mobiliser, tout comme le coût de l’acquisition de l’information et les traitements nécessaires.

La mise à disposition d’informations géographiques de sources diverses permet peu ou prou de fournir des moyens de mesure. Cependant il est à noter que le choix des données tient à la fois tant à la qualité de l’information recherchée et son interopérabilité, son éventuelle gratuité, sa facilité d’accessibilité et de traitement, qu’à la profondeur temporelle des informations.

Méthodes

La détection des zones urbaines est souvent menée de manière implicite, sans formalisation propre de ces dernières par des approches simples (classification supervisée ou non, intégration d’indices etc.) suivant des nomenclatures standard d'occupation ou d'usage du sol qui varient cependant selon la résolution spatiale des images en entrée (bâti, routes, eau, végétation, cultures etc.) ou par des approches d’extraction de la tâche urbaine et de son emprise. Depuis le début des années 1970, de nombreux travaux de recherche se sont focalisés sur l’extraction des surfaces dites « imperméables », le plus souvent à partir d’images à moyenne et haute résolution spatiale de type Landsat ou Spot. La plupart des travaux portant sur la mesure de l’urbanisation, de l’imperméabilisation des sols, ou des changements d’occupation du sol par Télédétection ont été réalisés à l’aide de séries d’images Landsat. Le choix des données satellites Landsat MSS/TM/ETM+/OLI tient tant à l’histoire de ces premiers satellites, qu’à leur gratuité, leur facilité d’accessibilité, et à la profondeur temporelle d’accès avec une archive ouverte couvrant les 45 dernières années sur la quasi-totalité du globe.

Les premiers travaux réalisés se sont déterminés à partir de l’offre disponible et donc des caractéristiques des images (résolution spatiale, radiométique, spectrale).Le lancement de satellites de plus en plus performants a permis d’améliorer ces caractéristiques et de décupler l’offre. Les capacités des capteurs à très haute Résolution Spatiale permettent d’observer non seulement les masses au sol mais aussi les interactions entre divers espaces (bâtis denses et discontinus ; centre et franges urbaines ; corridors urbains et végétation périphériques, etc.).

A l'instar des images aériennes, certaines des données satellites actuelles offrent, en plus d'un niveau de détail géométrique supérieur, une capacité à obtenir l'information d'altitude pour les bâtiments et donc la possibilité à mesurer la densification des zones urbaines. Un grand nombre d’auteurs préconisent une utilisation conjointe d’images différentes ou de séries temporelles d’images (associant des capteurs actifs et /ou passifs voire des données cartographiques ou des photographies aériennes) pour valider et améliorer les résultats.

Cette capacité de profondeur historique est un atout certain pour la mesure de l’artificialisation, malgré les contraintes liées aux spécificités des capteurs.

Des approches complémentaires aux études « classiques » par pixels ont permis de préciser les objets détectés par les formes induites. Ces approches orientées-objets sont intéressantes pour la délinéation des éléments caractérisés par une même gamme d’attributs spectraux mais aussi morphologiques. Des approches multi-échelles permettant d’enrichir les résultats à partir de données de résolutions spatiales différentes contribuent ainsi à une identification de plus en plus précise et à des échelles cohérentes avec des interrogations urbanistiques.

D’autres informations sont aussi utilisées : celles issues d’enquêtes de terrain, d’interprétation de photographies aériennes, de données de références (Registre Parcellaire Graphique, référentiel à grande échelle IGN, marché foncier des Safer). Là encore, la multiplicité des sources et des méthodes de quantification des zones artificialisées ne permettent pas d’obtenir des résultats similaires. Les méthodes et données mobilisées pour mesurer l’artificialisation du territoire varient selon l’échelle de

mise en œuvre (nationale, régionale, locale), l’échelle de restitution (du niveau parcellaire à national) et les objectifs visés (suivi exclusif de l’artificialisation, carte d’occupation du sol, statistiques agrégées).

La diversité des méthodes utilisées créée un manque d’uniformité qui limite la capacité de faire des comparaisons entre études. Il y a donc une nécessité à réaliser une étude robuste des possibilités offertes à l’heure actuelle, établie selon un protocole précis qui permette de comparer les données existantes, leur performance selon des critères préétablis, leur accessibilité pour une réplicabilité de la mesure à l’échelle du territoire national (voire au-delà) et leur mise à jour régulière.

 Poursuivre les développements scientifiques pour réduire l’imprécision de la mesure, tout en veillant au transfert de la méthode pour la production de données permettant une estimation fiable de l’artificialisation (type CLC mais plus fin sur le plan de la résolution spatiale et temporelle).

Modélisation

L’analyse des changements sont bien souvent une étape préalable à l’exploration de l’urbanisation future, suivant des horizons temporels variables, à l’aide de modèles de simulation spatiale. Si le nombre d’études prospectives des changements d’occupation du sol utilisant des modèles de simulation a explosé au cours des 10 dernières années, la plupart utilisent des données historiques d’occupation du sol pour les calibrer et les valider. La validation des résultats est réalisée en général ex ante pour définir les écarts au modèle permettant ensuite de fournir des scénarios de simulation prospectifs. Pour ce faire ces modèles peuvent intégrer des données complémentaires telles que de futurs réseaux de transport ou traduisant des stratégies de planification future

 La modélisation spatiale est un outil puissant pour identifier les facteurs explicatifs de l’artificialisation et leur localisation : si le foncier (taille, prix, disponibilité) joue un rôle fondamental, un niveau d’information plus grossier (avec des données plus facilement accessibles) suffit néanmoins pour comprendre dans un premier temps les dynamiques et les principaux déterminants. Au final, le type de scénario (et les données requises) considéré contraint le type de modèle à utiliser, et réciproquement.