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6.1

Caractéristiques de la source binaire X

Depuis sa découverte en 1964 par Bowyer et al. (1965), Cygnus X−1 a été l’une des sources de rayons X cosmiques les plus observées en raison de sa grande luminosité dans la bande des rayons X et γ, et aussi à cause de son comportement spectro-temporel complexe et variable à diverses échelles (de moins d’une heure à la journée ou au mois). En dépit de la médiocre résolution angulaire des premiers détecteurs de rayons X cosmiques, Cygnus X−1 fut parmi les premières sources X identifiées avec un astre déjà répertorié dans un autre domaine spectral. Forts d’une première identification menée dans le domaine des

ondes radio, Hjellming et Wade (1971) puis Wade et Hjellming (1972) associèrent Cygnus X−1 à HDE 226868, une étoile supergéante bleue de magnitude 9. Il fut alors rapidement établi que HDE 226868 était membre d’un système binaire, de période orbitale (Chapitre 1.1.2.1) P = 5,6 jours, dont l’autre composante, indétectable dans le visible, était fort probablement un astre effondré de type trou noir, car trop massif pour être une étoile à neutrons. Depuis le milieu des années soixante-dix, Cygnus X−1 se présente donc comme le prototype des systèmes binaires X à trou noir. Les meilleures estimations actuellement disponibles de Ziólkowski (2005), fondées sur de nouvelles analyses spectroscopiques de HDE 226868, impliquent pour la supergéante une masse de 20 ± 5 M⊙ et un type spectral

O9.7 Iab. Le système, dont l’objet compact a une masse de l’ordre de 10 M⊙, est situé à

2,4 ± 0,5 kpc (McClintock et Remillard 2006). La fonction de masse contraint l’inclinaison angulaire du système à être comprise entre 25◦ et 67(Gierliński et al. 1999) ; j’adopte-

rai pour mes calculs la valeur intermédiaire de 45◦. Par ailleurs, l’appartenance de cette

source au rang de microquasars a été confirmée par la détection d’un jet relativiste (Stirling et al. 2001 ; Gallo et al. 2005).

Avec la multiplication des observations menées depuis le milieu des années soixante-dix dans le domaine des rayons X durs et des rayons γ de basse énergie, le trou noir Cygnus X−1 est essentiellement apparu sous deux états spectraux distincts (classifiés Chapitre 1.5). Ob- servé le plus souvent dans le LHS, 90% du temps entre 1996 et 2000 (Gierliński et al. 1999) contre 66% depuis (Wilms et al. 2006), Cygnus X−1 se présente plus rarement dans le HSS. Cependant, la source a également déjà été observée lors d’IS. Depuis quelques années, Cy- gnus X−1 a été plus profondément étudié dans ces deux derniers états Mous (Zdziarski et al. 2002 ; Pottschmidt et al. 2003a ; Gleissner et al. 2004a ; Zdziarski et Gierliński 2004, Cadolle Bel et al. 2006a). La Figure 6.1 illustre les deux principaux types de comportements spectraux de Cygnus X−1 : lorsque le taux de comptage RXTE/ASM (donc dans la bande des X mous) est bas, le flux BASTE (X durs : 20–100 keV) est important, et l’indice spectral est compris entre -1,5 et -2, caractéristique du LHS. En revanche, lorsqu’une augmentation importante du taux de comptage ASM (X mous) se fait voir (d’un facteur ∼ 5 d’après la Figure 6.1 à gauche), le flux BATSE dans les rayons X durs diminue simultanément de façon notable (autour du jour julien tronqué TJD=10250) et l’indice de photons BATSE est alors compris entre -2,5 et -3, attestant d’une claire transition spectrale vers le HSS. Les deux types de spectres sont représentés sur la Figure 6.1 (à droite) en keV cm−2 s−1.

6.2

Pertinence d’observer Cygnus X1

Compte-tenu de tout le matériel scientifique ainsi accumulé depuis trois décennies, il est légitime de s’interroger sur le bien fondé d’une nouvelle observation de Cygnus X−1 avec le satellite INTEGRAL. En tant que prototype des candidats trous noirs, Cygnus X−1 a été observé en radio, en visible et avec tous les instruments à haute énergie, des rayons X mous aux rayons γ avec, entre autres, ASCA (Gierliński et al. 1999), SIGMA (Salotti et al. 1992), RXTE (Dove et al. 1998, Pottschmidt et al. 2003a), BeppoSAX (Frontera

6.2 Pertinence d’observer Cygnus X−1 117 100 80 60 40 20

ASM Count Rate (cts s

-1) 11500 11000 10500 10000 9500 9000 8500

Truncated Julian Day (TJD)

0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 Flux (cm -2 s -1 in 20-100 keV) -4.0 -3.5 -3.0 -2.5 -2.0 -1.5 Spectral Index

BATSE Flux (20-100 keV)

BATSE Spectral Index (20-100 keV)

RXTE ASM Count Rate (2-10 keV)

Fig. 6.1 – Gauche : courbes de lumière CGRO/BATSE (et indice spectral 20–100 keV) et

RXTE/ASM (2–10 keV) de Cygnus X−1, de 1991 à 1999, montrant les changements importants

dans les X mous et durs. Droite : comparaison, pendant ces mêmes années, des spectres LHS (bleu)

et HSS (rouge) de Cygnus X−1 obtenus avec CGRO et BeppoSAX en keV cm−2 s−1 et ajustés

par le modèle de Coppi (1999). Pointillés : modèle uniquement sur les données CGRO ; d’après McConnell et al. 2002).

et al. 2001, Di Salvo et al. 2001) et CGRO (McConnell et al. 2000, 2002) comme l’attestent les courbes de lumière et spectres (accumulés sur plusieurs années) reportés Figures 6.1. La pertinence d’une telle observation tient, d’une part, à des raisons d’ordre purement scien- tifique et, d’autre part, à des raisons propres à la mission INTEGRAL. À n’en pas douter, toute nouvelle observation d’une source si variable est toujours une première, surtout si l’observation est menée dans une bande spectrale, comme celle des rayons X durs et des rayons γ de basse énergie, où les données sont plus rares et présentent une signification statistique loin d’être au niveau de celles des données collectées à plus basse énergie. C’est précisément dans ce domaine qu’a été menée la série d’observations approfondies de Cy- gnus X−1 avec INTEGRAL, représentant une importante partie de mon travail de thèse. De plus, il convient de noter que notre galaxie n’abrite qu’un tout petit nombre de sys- tèmes binaires X à trou noir à émission persistante (bien que généralement très variable) et que Cygnus X−1 est celui dont l’éclat est le plus intense, tant dans la bande des rayons X mous que dans celle des rayons X durs et des rayons γ de basse énergie. Seules quelques rares novae X à trou noir (Chapitre 1.2.3) seraient en mesure de briller d’un éclat plus intense au maximum de leurs brefs états paroxysmiques. Comme la composante à haute énergie de cette source est importante et persistante, Cygnus X−1 demeure donc la cible de choix pour mettre à l’épreuve les modèles qui se proposent d’expliquer les processus émissifs au-delà de quelques centaines de keV à l’œuvre auprès des trous noirs stellaires accrétants (Chapitre 1.7).

L’étude d’une source aussi connue, dont on devrait connaître et comprendre a priori le comportement général, est en réalité loin d’être évidente. Si un modèle de disque d’accré- tion du type de celui proposé par Shakura et Sunyaev (1973) s’imposa rapidement pour rendre compte de l’émission observée dans la bande des rayons X de basse énergie, on

s’interroge encore sur la nature véritable de l’émission observée dans la bande des rayons X durs et des rayons γ de basse énergie. Comme je l’ai déjà mentionné, les modèles de Comp- tonisation peinent à expliquer l’émission de Cygnus X−1 détectée bien au-delà de quelques centaines de keV lors de séries d’observations menées simultanément par BeppoSAX et par CGRO. En effet, en juin 1996, en plus de la composante dominante de corps noir et de la composante dure, une queue à haute énergie s’étendant jusqu’à 10 MeV (Figure 6.1 à droite, en rouge) a été découverte par McConnell et al. (2002). Par chance, j’ai pu observer ce type d’excès - rarement détecté - dans les hautes énergies avec le satellite INTEGRAL. Je l’ai donc analysé et modélisé afin d’en comprendre l’origine. Cette source montre des états spectraux différents corrélés avec des changements brusques et significatifs dans les courbes de lumière et dans les flux, des rayons X mous aux rayons X durs et γ mous (Fi- gure 6.1 à gauche), dont l’interprétation se doit d’être pertinente. Depuis sa découverte, de nombreux modèles ont été avancés sans pouvoir être définitivement départagés et font actuellement l’objet de controverses. C’est ce que je montre par la suite, en utilisant un maximum de données exploitables disponibles, dont je déduirai de précieuses informations. De plus, la série d’observations de Cygnus X−1 conduite lors de la phase de vérification (ou PV-Phase, voir Chapitre 2.3.2) du satellite INTEGRAL et en novembre 2002 deux ans après le lancement, lors d’une nouvelle série d’étalonnages, tient également au fait que cette source est un des seuls astres observables par la mission européenne (peu après son lancement et pendant son vol) apte à briller d’un vif éclat dans les trois gammes spectrales d’énergie (visible, rayons X mous et durs et rayons γ de basse énergie) couvertes par les deux instruments principaux et les deux moniteurs qui composent la charge utile du satel- lite. Cette remarquable propriété fait de Cygnus X−1 la cible idéale pour des opérations de type première lumière et pour les phases d’étalonnage qui s’ensuivirent, la nébuleuse du Crabe n’étant pas visible au temps désiré. La position de Cygnus X−1 sur la voûte céleste, parfaitement connue, a permis d’étalonner les capacités des instruments d’INTEGRAL (les trois télescopes à masque codé en particulier), de former des images et d’estimer avec quelle précision ces instruments fournissent la position des sources détectées dans leur champ de vue. Les matrices de réponse ont par ailleurs été testées et améliorées en partie grâce aux observations de cette source ainsi que détaillées au Chapitre 4.1.1.

6.3

Deux années marquantes sélectionnées

Tout au long de la mission INTEGRAL, la source Cygnus X−1 a été souvent observée et l’est toujours en sa qualité de trou noir. Parmi cette foison de données, je me suis plus particulièrement penchée sur la période entre 2002 et 2004 pendant laquelle la source a changé plusieurs fois d’état spectral. Je présente pour la première fois 1,5×106s accumulées

sur la source, qui fut moins observée par la suite entre 2005 et 2006. L’analyse complète de mes données, les résultats et leurs discussions sont reportés dans l’article que j’ai pu- blié en tant que premier auteur, intitulé « The broad-band X-ray spectrum of Cygnus X−1 measured by INTEGRAL », accepté dans A&A fin 2005. Un deuxième article également

6.3 Deux années marquantes sélectionnées 119

Tab. 6.1 – Échantillon des données de Cygnus X−1 analysées et interprétées dans ma thèse

(l’observation indiquée en première ligne est utilisée, en plus des époques 1–4, pour les Figures 6.3 et 6.4 : elle correspond à toute la période de la phase d’étalonnage au début de la mission).

Épo- Instrument Période d’observation Exposition Type d’observation

que (date jj/mm/aa) (ks)

IBIS 25/11/02–15/12/02 810 staring, 5×5, hexa

1 IBIS/SPI/JEM-X 09/12/02–11/12/02 365/365/31 5×5 2 IBIS/SPI/JEM-X 07/06/03–11/06/03 292/296/275 5×5

3 IBIS/JEM-X 24/03/03–10/09/04 269/35 GPSb

4 IBIS/SPI/JEM-X 22/11/04 8/8/6 étalonnage

Notes :

a) type de déplacements définis Chapitre 2.3.3 ;

b) expositions individuelles séparées de 6◦ le long du déplacement et décalées de 27,5en

longitude galactique.

publié dans A&A dont je suis co-auteur, « Bimodal spectral variability of Cygnus X−1 in an Intermediate State » (Malzac et al. 2006) présente une analyse des variabilités sur une courte période (quatre jours) et ses corrélations avec l’émission radio. Le présent Chapitre résume les résultats importants de mes articles et montre des analyses complémentaires. La discussion générale concernant les nouvelles informations et les contraintes apportées par mes recherches sur l’émission haute énergie de Cygnus X−1 sera développée dans la Partie V (Chapitre 10).

J’ai exploité au maximum les données disponibles qui n’avaient jamais fait l’objet d’études approfondies, depuis les basses énergies (autour de 5 keV) jusqu’aux rayons X durs et γ mous (autour du MeV). Je définis quatre époques d’observations dont les dates, temps d’exposition et modes de déplacement pour chaque instrument sont résumés dans la Table 6.1. Ces époques se découpent ainsi : phases d’étalonnage de novembre à décembre 2002 (ou PV-Phase, Chapitre 2.3.2) et fin de cette période sur laquelle je me suis plus parti- culièrement penchée (période notée 1) ; observations en temps ouvert en juin 2003 (époque 2, PI J. Malzac) ; balayages du plan galactique entre mars 2003 et septembre 2004, décou- pés en 5 groupes distincts (notés 3a à 3e) ; enfin, une dernière phase d’étalonnage qui eut lieu en novembre 2004 (période 4). Ces découpages se justifient par le fait que la source y a changé d’état spectral, ce que je démontrerai ultérieurement. La Figure 6.2 représente l’image du ciel reconstruite IBIS/ISGRI obtenue lors de l’époque 2 où l’on voit que la source Cygnus X−3 était également active. Les périodes de mes observations INTEGRAL définies dans la Table 6.1 sont indiquées sur la Figure 6.3 (à gauche) qui montre la courbe de lumière RXTE/ASM simultanée aux observations INTEGRAL.

Cygnus X−3

Cygnus X−1

Fig. 6.2 – Image du ciel reconstruite IBIS/ISGRI entre 20 et 30 keV de la région autour de Cygnus X−1 pendant l’époque 2. La source y apparaît avec une significativité de 1572 σ alors que celle de Cygnus X−3 atteint la valeur de 313 σ.

6.4

Analyses spécifiques développées

Les procédures d’analyses de données détaillées Chapitres 3 et 5.3 ont été appliquées avec la dernière version disponible des logiciels et les outils décrits Chapitre 4, tout en suivant ma stratégie d’études et mes objectifs décrits Chapitre 5 : observer des transitions spectrales. En plus des sélections usuelles, j’ai considéré dans mes analyses la présence éventuelle de deux autres sources variables lorsque celles-ci étaient actives dans les bandes d’énergie considérées : l’étoile à neutrons Cygnus X−3 et le pulsar accrétant EXOSAT 2030+375. J’ai sélectionné les événements ISGRI d’énergie supérieure à 20 keV et employé les cartes de correction standard du bruit de fond (à 256 canaux) conformément à mes tests personnels (Chapitre 4). La nouvelle méthode d’extraction spectrale (dernier point du 3.1.5.2) fut employée. Pour l’extraction spectrale des données enregistrées par PICsIT, j’ai calculé le flux et l’erreur à la meilleure position trouvée pour la source dans l’image recombinée IBIS/ISGRI. La matrice officielle à 8 canaux fut employée. Enfin, pour SPI, les versions 15 et 2 des matrices de réponse (pour les images et les spectres) furent utilisées lors des époques 1 et 2 contre les versions 17 et 4 pour l’époque 4 (soit après la perte des deux détecteurs). Pour les courtes observations interrompues de l’époque 3, les données SPI étaient inutilisables car une évaluation correcte du bruit de fond, étape déjà délicate

6.5 Courbes de lumière 121

Taux de comptage ASM (cps/s)

MJD 50 100 52800 53200 000000 000 000 000 000 000 111 111 111 111 111 111 111 MJD IBIS/ISGRI (cps/s) 52800 53200 100 200 HR 1,6 1,2 0,8

Fig.6.3 – Gauche : courbe de lumière RXTE/ASM dans la bande 1,5–12 keV du 25 novembre 2002 au 22 novembre 2004 (MJD=JD−2 400 000,5) avec les périodes de mes observations INTEGRAL indiquées. Droite : courbe de lumière simultanée IBIS/ISGRI dans la bande 20–200 keV et HR correspondant entre les bandes 40–100 et 20–30 keV (voir le texte et les Tables 6.1 et 6.2 pour la définition des époques).

en temps normal pour cet instrument (voir Chapitre 3.2.1), était irréalisable.

En ce qui concerne les spectres obtenus, j’ai ajouté, suivant les recommandations des équipes instrumentales, 3% d’erreurs systématiques aux données JEM-X (5–30 keV), IBIS (20 keV–1 MeV) et SPI (22 keV–1 MeV) et j’ai ajusté mes résultats (avec les outils décrits Chapitre 4) avec les modèles décrits Chapitre 1.3. Afin de prendre en compte les incerti- tudes d’étalonnage entre chaque instrument, j’ai mis une constante multiplicative devant chaque jeu de données, la fixant à 1 pour JEM-X et la laissant libre de varier pour IBIS et SPI lors de l’ajustement spectral (modèles décrits ci-après). Dans le cas présent, j’ai toujours fixé la valeur de l’absorption interstellaire NHà 6 × 1021 cm−2 (selon Balucińska-

Church et al. 1995) et j’ai forcé la valeur des photons mous d’énergie kT0 du modèle de

Comptonisation TT94 (Chapitre 1.3.3.1) à être égale à la meilleure valeur ajustée de l’éner- gie interne kTindes photons du disque. Dans le modèle de réflexion (Chapitre 1.3.2.2), j’ai

choisi des abondances solaires pour le fer et l’hélium (Anders et Grevesse 1989). L’utilisa- tion des modèles hybrides (Chapitre 1.3.3.2) sera détaillée le cas échéant.

6.5

Courbes de lumière

Je définis l’indice de dureté communément appelé Hardness Ratio (HR par la suite) comme le rapport des coups reçus par seconde dans deux bandes d’énergie distinctes soit, dans le cas présent, le rapport entre les taux de comptage des bandes 40–100 keV par 20–30 keV. À l’instar des astronomes qui étudient les indices de couleur, j’ai calculé le HR pour chacune des époques : il permet de caractériser une éventuelle évolution des coups

000 000 000 000 000 000 000 000 111 111 111 111 111 111 111 111 MJD HR IBIS/ISGRI (cps/s) 200 100 300 1,5 1,4 52610 1,3 52620 000000000 000 000 000 000 000 111 111 111 111 111 111 111 111 MJD HR IBIS/ISGRI (cps/s) 200 100 150 1,2 1,1 1,0 52798 52800

Fig. 6.4 – Gauche : agrandissement de la courbe de lumière IBIS/ISGRI dans la bande 20–200 keV du 25 novembre au 15 décembre 2002 et HR correspondant entre les bandes 40–100 et 20–30 keV (niveau moyen indiqué par une ligne pointillée). Droite : idem pour l’époque 2.

enregistrés entre les basses et les hautes énergies et donc de savoir si l’état spectral de la source a changé au cours du temps. Estimons d’abord l’erreur effectuée en calculant cet indice. Puisque HR=±h/b, h et b étant les variables qui représentent les coups de la source dans deux bandes distinctes (de préférence haute et basse pour avoir un meilleur contraste), l’erreur faite sur HR est calculée suivant la formule σ2

HR= HR

q (σ2

h+ σb2), où

σh et σb sont les erreurs poissonniennes de h et de b. Les termes croisés s’annulent dans le

cas présent puisque les coups par seconde dans deux bandes d’énergie différentes sont, par définition, indépendants.

Il est indispensable, avant de sommer les poses pour en faire un spectre accumulé sur plusieurs heures/jours (statistiquement plus significatif) de s’assurer que les variabilités spectrales observées par INTEGRAL sont bien dues à la source et non à des facteurs ex- ternes, propres au déplacement du satellite par exemple. L’évolution du HR permet aussi de déceler les éventuelles variations des composantes X dans différentes gammes d’énergies ou un pivotement entre les basses et les hautes énergies et donc de remarquer les chan- gements spectraux de la source. C’est pourquoi je montre pour les époques 1 à 4 sur la Figure 6.3 (à droite) et 6.4 (agrandissement des deux premières périodes) les courbes de lumière et HRs correspondants.

Comme montré Figure 6.3 (à gauche), le taux de comptage moyen ASM enregistré pour Cygnus X−1 dans la bande 1,5–12 keV était de 1,3 Crabes pendant l’époque 2 contre 290 milli-Crabes lors de l’époque 1, soit 4,5 fois plus fort. Les courbes de lumière IBIS/ISGRI dans la bande 20–200 keV et les HRs correspondants des époques 1 à 4 sont présentés Figure 6.3 (à droite) et agrandis pour les périodes 1 et 2 sur la Figure 6.4. De l’époque 1 à 2, alors que le taux de comptage ASM croît, celui d’IBIS/ISGRI diminue de ∼970 à ∼670 milli-Crabes (où 1 Crabe représente 205 coups par seconde dans la bande 20–200 keV) comme le montre la Figure 6.4. Cela indique probablement un changement d’état entre les époques 1 et 2, comme le suggère également la diminution du HR moyen

6.6 Approche spectrale large bande aux hautes énergies 123

IBIS/ISGRI de la même Figure (1,4 pour la première époque contre 1,1 pour la deuxième). Des transitions similaires (avec des changements dans la courbe de lumière ASM et dans le HR IBIS/ISGRI) se produisent pendant l’époque 3 : la Figure 6.3 (à droite, panneau du bas) montre le comportement de ce HR entre 2002 et 2004 (périodes indiquées Table 6.1 et 6.2). J’ai donc découpé l’époque 3 en 5 sous-groupes distincts (notés a à e) de poin- tés proches qui semblent se produire, d’après la Figure 6.3, dans des régimes différents du taux de comptage ASM et de la valeur moyenne du HR IBIS/ISGRI. Les données de chaque époque et sous-groupe ont été sommées (outils décrits Chapitre 4) afin d’obtenir et d’étudier séparément le spectre moyen de la source par époque dans un même état spectral.

6.6

Approche spectrale large bande aux hautes énergies

Tab.6.2 – Meilleur ajustement des données de Cygnus X−1 au cours des diverses périodes avec une constante multiplicative devant le modèle de Comptonisation thermique (TT94) convolué par de la réflexion, avec des composantes éventuelles de disque multicouleurs absorbé et de raie du fer. NH est fixée à 6 × 1021cm−2 et kT0 égalisée à kTin. Les erreurs sont données à 90% du niveau de

confiance (∆χ2 =2,7).

#Époque et Na kT

in ou kTe τ EFe Ω/2πb χ2r

Dates (MJD) kT0 (keV) (keV) (keV) (dl)

1, 52617-620 - 0,20 (fixé) 67+8 −6 1,98 +0,21 −0,23 - 0,25 +0,03 −0,04 1,45 (230) 2, 52797-801 250+89 −59 1,16±0,07 100+29−17 0,98 +0,25 −0,28 7,07 +0,12 −0,11 0,57 +0,09 −0,06 1,69 (236) 3a, 52710-780 - 0,20 (fixé) 68+22 −12 2,08+0,51−0,84 6,48±0,13 0,32+0,05−0,07 1,07 (190) 3b, 52801-825 312+25 −24 1,15±0,03 93±42 0,80 +0,86 −0,40 6,40±0,73 0,58 +0,20 −0,18 0,93 (190) 3c, 52990 361+61 −67 0,99± 0,08 58+54−15 1,60 +0,64 −0,80 6,96±0,19 0,23 +0,17 −0,09 0,99 (190) 3d, 53101-165 - 0,20 (fixé) 56+12 − 7 2,28+0,30−0,41 6,11±0,26 0,27±0,06 0,81 (190) 3e, 53240-260 132±10 1,39±0,77 48+20 − 6 1,85 +0,40 −0,07 6,49±0,38 0,49 +0,37 −0,32 1,56 (190) 4, 53335 232+21 −32 1,16 (fixé) 128+84−63 0,74 +0,88 −0,38 7,78 +0,44 −0,42 0,47 +0,18 −0,14 0,97 (221) Notes :

a) Normalisation du disque N (Chapitre 1.3.1) donnée par N = (Rin/D)2 cos i, où

Rin est le rayon interne en km, D la distance de la source (en unités de 10 kpc) et i

l’inclinaison du disque ;

b) Angle solide de la composante de réflexion.

Les paramètres spectraux obtenus pour les diverses périodes et sous-groupes, en ajus- tant au mieux le même modèle de Comptonisation thermique aux données afin de comparer toutes les données (époques 1 à 4), sont décrits et résumés dans la Table 6.2 où « dl » précise le nombre de degrés de liberté. J’ai aussi essayé les modèles plus complexes hy- brides (Chapitre 1.3.3.2) de Poutanen et al. (1996) et de Coppi (1999) : les résultats ne sont présentés que pour l’époque 2 où les statistiques étaient significativement meilleures, les configurations des instruments plus stables et pendant laquelle la présence d’une contri-

bution non thermique était la plus vraisemblablement prononcée.

6.6.1 L’état Dur

La Figure 6.5 (à gauche) montre le spectre (en coups par seconde et par keV) de la source entre 5 keV et 1 MeV obtenu avec les données enregistrées par JEM-X, SPI, IBIS/ISGRI et PICsIT lors de l’époque 1 (9–11 décembre 2002). Une simple loi de puissance ne s’ajuste pas correctement aux données (Γ = 1,9 ± 0,1 avec un Chi-2 réduit χ2

r=12,9

pour 213 dl). Une coupure (dont l’énergie est autour de 150 keV) dans le modèle améliore clairement l’ajustement (χ2

r=2,12 avec 212 dl) et la description des données disponibles.

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