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Ce travail de diplôme a été effectué dans le but d’expérimenter des méthodes de remise en forme et d’en caractériser les conditions de reproductibilité. Cette partie bilan discussion a pour but d’apporter un regard critique des traitements effectués et des pistes pour leur reproductibilité.

159 Stone et al., 2010 [en ligne]

160 50 lux (sans U.V), 8 h d’exposition par jours, 6 jours par semaines.

5.1. Étude et traitement

L’identification des espèces animales d’origine et le mode de tannage ont mis en évidence que les technologies de fabrication dépendent d’une part de l’accessibilité des matériaux, et d’autre part des propriétés physico-chimiques désirées pour l’objet fini. Les connaissances, souvent empiriques, des populations ayant produit ces chaussures, peuvent utiliser une peau plutôt qu’une autre pour ses propriétés mécaniques, utiliser un type de point de couture pour des questions d’étanchéité, ou encore effectuer des décorations par repousse du cuir en sachant que le mode de tannage les conservera. La caractérisation de l’état de conservation a démontré qu’il existe des corrélations entre le degré de rigidité, le type d’altérations, la température de dénaturation et le pH. La valeur la plus fiable est la température de dénaturation car elle est représentative de l’état physico-chimique des fibres de cuir : la valeur ne peut pas être faussée par d’autres facteurs d’altération et ne dépend pas d’une appréciation subjective.

L’identification du type de déformation et des sensibilités particulières de certains éléments constitutifs ont déterminé le choix de la méthode d’humidification : local avec membrane SympaTex®, ou global en enceinte humide. L’utilisation de solution d’eau saturée de sel alimentaire a montré des résultats satisfaisants pour stabiliser l’humidité relative d’une enceinte humide de 162 dm2 à 75 % d’humidité relative. L’humidification en enceinte humide a permis une remise en forme de la morphologie générale d’objets très déformés. Pour un résultat satisfaisant, il peut être nécessaire de réhumidifier localement certaines zones avec une membrane SympaTex® après un premier séchage.

L’utilisation de structures gonflables a permis une réouverture progressive des plis les plus rabattus ainsi que la remise en forme locale de zones fragilisées mécaniquement par des altérations. Cette méthode est utilisable autant lors d’humidification par membrane SympaTex® qu’en enceinte humide. Les cuirs avec les températures de dénaturation les plus faibles ont semblé réagir plus rapidement et soudainement à l’eau. Une tendance à la friabilité a été constatée pour le mocassin 1 Huron-Wendat le plus altéré (température de dénaturation la plus faible de toutes les chaussures du corpus.). Les cuirs les moins épais et d’aspect les plus poreux ont nécessité moins de temps d’humidification pour atteindre la flexibilité suffisante pour une remise en forme.

La remise en forme des objets correspond aux objectifs de remise en forme préalablement établis, en tant qu’objets stables structurellement et représentatifs de leur état en fonctionnement. Cependant, nous avons été confrontés à des limites de traitement pour le haut de la tige du mocassin 1 Huron-Wendat et l’enfoncement des talons des bottes d’enfant Inuites. Des traitements plus invasifs seraient à envisager pour les remettre en forme, mais l’état général après traitement a tout de même été jugé satisfaisant sans cela.

Après séchage, les chaussures ont retrouvé le même degré de rigidité préalablement observé. Les pesées avant et après traitement montrent des masses identiques. Cela laisse supposer que l’humidité relative d’équilibre n’a pas été modifiée par les traitements.

Le schéma décisionnel a pu être suivi pour la confection des supports de stockage. Les formes creuses donnent un aspect « moins gonflé » que les formes pleines et sont particulièrement adaptées pour les cuirs les plus souples. Les supports ont été confectionnés dans une logique de discrétion pour être conservés en cas d’exposition. Lorsque la partie jambe est creuse, un poids peut être placé à l’intérieur afin de maintenir la chaussure verticalement sans autre système d’accrochage.

De manière générale, les traitements ont permis de donner aux paires de chaussures un aspect plus proche de celui d’utilisation. Les particularismes technologiques et l’esthétique sont également plus facilement appréciables. La remise en forme et la stabilisation de ces huit paires de chaussures rendent désormais envisageables leur exposition et leur étude. Ceci est particulièrement intéressant pour les bottes d’Argentine et les mocassins Huron-Wendats, dont peu de modèles similaires sont conservés dans les collections européennes, et les deux paires de bottes inuites ramenées d’expédition par Paul-Emile Victor, figure française emblématique de l’Arctique.

La stabilité structurelle et l’esthétique du mocassin 1 Huron-Wendats pourraient être améliorées par le remplacement des doublages intérieurs de la partie haute de la tige (Fig.64, gauche). Une réintégration colorée de la lacune de surface de la botte 2 de Hunza permettrait également d’en minimiser l’impact visuel (Fig.64, droite).

Figure 64- Doublages à l’intérieur de la tige du mocassin 1 Huron-Wendat (à gauche) et la lacune superficielle de la botte 2 de Hunza (à droite)

5.2. Reproductibilité

Avant tout traitement de remise en forme, il est nécessaire d’avoir caractérisé les différentes dégradations de l’objet à traiter. Les chaussures sont généralement par paire, mais l’état de préservation peut être très différent ; chaque chaussure doit donc être considérée individuellement. Il convient également de prévoir un temps de traitement pour deux objets.

Du fait qu’un traitement est généralement conditionné par des contraintes d’atelier, de temps, de budget et d’accès à des analyses, nous suggérons de privilégier l’évaluation du degré de rigidité et la mesure de température de dénaturation pour évaluer l’état de dégradation d’un cuir : ces analyses en donnent déjà une idée assez précise. Dans notre cas, les mesure pH et les analyses IRTF ne se sont en effet pas révélées être des données déterminantes pour la caractérisation des altérations dans l’optique d’un traitement de remise en forme.

En cas de coût excessif ou d’inaccessibilité à un DSC, les mesures de température de dénaturation peuvent être effectuées par Micro Hot Table dont analyse est basée sur l’observation microscopique de fibres de cuir lors de leur chauffe en milieu humide. Cette méthode moins coûteuse nécessite une loupe binoculaire et une table chauffante. Elle peut donc être mise en place plus facilement dans un atelier de restauration et nous conseillons d’effectuer systématiquement ces mesures avant chaque traitement d’objet en cuir. Attention : Les mesures de température de dénaturation sont à considérer en fonction du tannage. Il est donc important de l’avoir identifié préalablement.

Avant un traitement humide, il est nécessaire de caractériser la sensibilité à l’eau de tous les matériaux constitutifs, notamment des pigments. En fonction de cette sensibilité et du type de déformation, des traitements locaux avec membrane SympaTex®, ou intégraux en enceinte humide, peuvent être envisagés. Lorsqu’un objet est très déformé et que sa composition le permet, nous préconisons de le traiter préférentiellement en enceinte humide. Cela évite de générer des tensions importantes entre les zones traitées et non traitées.

Il est impératif d’effectuer une veille plusieurs fois par jour lorsqu’un objet est en enceinte humide afin de vérifier l’absence de départ de moisissure et de commencer la remise en forme dès que la flexibilité le permet. Cela génère des « temps-morts » importants au sein d’une journée, à l’intérieur desquels le traitement d’autres objets peut être effectué. Un traitement en enceinte humide demande une logistique plus complexe, mais peut être facilité par une enceinte démontable et réutilisable. D’autre part, l’humidification par solution d’eau saturée de sel alimentaire est aisée à mettre en place, ne demande pas une logistique importante de préparation, est facile d’accès et de coût dérisoire. Il est important de couvrir le bac de la solution saline avec un tulle afin d’éviter tout contact accidentel avec l’objet.

La remise en forme par des structures gonflables demande d’investir dans une pince à thermosouder à température réglable, une pompe à main et un manomètre*. Ces appareils sont réutilisables pour chaque traitement. Également, les structures gonflables peuvent être conservées d’un traitement à un autre.

Les supports de stockage sont longs à confectionner, mais ne doivent pas être négligés car ils sont déterminants dans la conservation de la remise en forme. Pour faciliter la formation des volumes, notamment des formes pleines, un conformateur « fait main » peut être utilisé (Fig.65). Si le cuir en contact avec la forme interne ne craint pas les abrasions légères, les supports internes peuvent ne pas être recouverts à condition que la mousse utilisée soit lisse et souple.

Les conditions de stockage sont importantes à considérer afin de placer les objets après traitement dans des conditions optimales de conservation et éviter qu’il ne se redéforme.