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2. Étude des huit paires de chaussures

2.2. Constat d’état

2.2.2. Analyses instrumentales (Température de dénaturation, pH, IRTF)

thermiques et chimiques ont été menées :

La détermination de température de dénaturation des fibres de collagène, par étude des thermogrammes DSC (Differential Scanning Calorimetry), afin d’en connaître leur stabilité physico-chimique. Trois mesures ont été effectuées par prélèvements, une moyenne est présentée dans le tableau ci-dessous. Toutes les mesures sont disponibles en annexe (cf. : Mesures de la température de dénaturation par DSC p.117).

La mesure de pH d’extrait aqueux pour évaluer la quantité d’acide dans un cuir et estimer si la quantité d’acide fort est néfaste à la conservation. Une mesure par prélèvement a été effectuée (cf. : Mesure du pH p.121)

L’étude des spectres IRTF-ATR (Spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier en mode

Réflectance Totale Atténuée) pour déterminer les phénomènes d’hydrolyse acide, de dénaturation et d’oxydation du collagène d’après les bandes d’absorption Amide I et Amide II en comparaison de celles du collagène frais. Les prélèvements ont été analysés un minimum de deux fois ; une fois de chaque côté du prélèvement (cf. : IRTF-ATR p.115).

Les résultats sont répertoriés dans le tableau 9 ci-dessous accompagné des degrés de rigidité établis précédemment. Le paragraphe 2.2.3 croise les différentes données d’observation et d’analyses. Davantage d’explications sur les analyses instrumentales telles que les principes, les équipements, les conditions opératoires sont en annexes (cf. : Protocoles d’analyses p.113-126). La prise d’échantillon est documentée en annexe (cf. : Prise d’échantillons p.113). Lorsque l’état de dégradation des deux paires de chaussures semblait identique, un seul prélèvement a été effectué sur une chaussure. Les mocassins Huron-Wendats d’aspect très différents ont été tous les deux prélevés comme deux objets distincts : d’où la séparation de la température de dénaturation et du pH par mocassin. Dans le cas des chaussures du Bénin, un prélèvement principal a été effectué sur la chaussure 2, et un plus petit prélèvement a été effectué sur la chaussure 2 dans la fracture de la semelle. Le but était de comparer les températures de dénaturation du cuir a priori bien conservé et d’une zone altérée.

o Température de dénaturation (cf. : Mesures de la température de dénaturation par DSC p.117) La température de dénaturation des fibres de collagènes est à considérer en fonction du type de tannage. Comme nous l’avons mentionné, le type de tannage induit plus ou moins de pontages entre le tanin et les fibres de collagène et laisse une plus ou moins grande fraction de fonctions réactives au sein du cuir91. Certains tannages, comme l'utilisation de graisses ou de la fumée, peuvent être très hétérogènes en fonction du type d’acides gras utilisé et de la mise en œuvre92. De plus, l’oxydation des graisses induit l’oxydation du collagène et cela se traduit par une sensibilité à l’eau des radicaux libres (cf. : Processus d’altérations chimique impliquant la dénaturation du collagène p.127). Ces propriétés confèrent une température de dénaturation proche de celle d’une peau brute.

La qualité d’un tannage à l’alun dépend de la pureté de l’alun utilisé, c’est pourquoi les températures de dénaturation sont très variables. De plus, les caractères ioniques des carboxylates d’aluminium confèrent une instabilité et notamment une facilité à l’hydrolyse93.

Le tannage végétal est plus stable du fait d’interactions hydrophobes entre les régions les moins hydrophiles des molécules de tanin et du collagène. De plus, d’autres molécules tannantes viennent se polymériser sur des molécules déjà fixées, induisant un enchevêtrement serré94. La température de dénaturation est donc davantage élevée par le blocage de l’eau que par les liaisons entre le tanin et le collagène95.

La littérature donne les écarts types suivants de température de dénaturation à considérer pour des matériaux neufs 96 (Tableau 10) :

91 Kite et Thomson, 2006, p. 22

92 Chahine, 2013, p. 86

93 Chahine, 2013, p.133

94 Chahine,2013, p.101

95 Principalement des liaisons hydrogène faibles

96 Chahine, 2013, p.42 ; Kite et Thomson, 2006, p.52

Les deux paires de bottes inuites, les chaussures du Bénin et les bottes de Hunza ont des valeurs de température de dénaturation comprises dans l’écart type de référence de leur tannage. La mesure de température de dénaturation des chaussures du Bénin n’indique aucune différence remarquable entre la zone de cuir fracturée de la semelle et les trois autres mesures du cuir non altéré. Le collagène de ces quatre paires présente donc un état supposé similaire de celui d’origine.

Les bottes Tchouktches présentent une température de dénaturation comprise dans l’écart type inférieur à celle supposée d’origine. Une dénaturation est donc à considérer.

Les températures de dénaturation des bottes d’Argentine, des bottes Tlingits et les mocassins Huron-Wendats, sont inférieures de plus de 1.5 écart type en fonction de leurs tannages. La dénaturation du collagène est donc fortement avancée. Notons que les trois mesures de températures de dénaturations du mocassin 2 Huron-Wendats sont très disparates (cf. : Mesures de la température de dénaturation par DSC p.117) indiquant une hétérogénéité de la dénaturation du collagène ; la moyenne des températures n’en est pas représentative.

o Le pH (cf. : Mesure du pH p.121)

Il est considéré que le pH de l’extrait aqueux d’un cuir ne contient pas de quantité dommageable d’acides forts s’il est égal ou supérieur à 4.597. Dans le cas des chaussures étudiées, la mesure du pH n’indique donc pas la présence d’acide fort susceptible de générer des phénomènes d’hydrolyse acide. Le pH n’est cependant pas la seule mesure à considérer lors de l’évaluation de l’état de dégradation d’un cuir. En effet, une oxydation couplée avec une acidification peut être à l’origine de la formation d’ammoniac qui, combiné avec des acides forts, peut aboutir à la formation de sulfate d’ammonium et augmente le pH98.

Les deux paires de bottes Inuites ont les pH les plus élevés (5.94 et 5.99) et elles sont les plus récentes du corpus (première moitié du XXe). Cela indique que l’acidification est au début de son processus et/ou qu’éventuellement la technologie de fabrication génère des cuirs moins acides.

Le pH du mocassin 1 (4.96) Huron-Wendat d’aspect plus altéré a une valeur légèrement plus haute que celle du mocassin 2 (4.73) ; le pH ne semble donc pas entrer en compte dans le processus d’altération du mocassin 1.

Les valeurs de pH les plus faibles (4.49 à 4.76) sont celle des bottes Tlingits, les mocassins Huron-Wendats, et les bottes d’Argentine. Les causes ne peuvent pas en être définies avec certitude, cependant, nous pouvons noter que ces chaussures font partie des plus anciennes du corpus, et que les bottes Tlingits et les mocassins Huron-Wendats ont une quantité importante de corps gras.

97 Kite et Thomson, 2006, p.62

o Étude des spectres IRTF (cf. : IRTF-ATR p.115)

La détermination de phénomènes d’oxydation, de dénaturation et d’hydrolyse acide par étude des spectres IRTF-ATR99 est compromise lorsque des bandes d’absorption des Amide I et des Amide II se superposent à celles d’autres éléments comme l’alun, les corps gras ou le tannage végétal. Ainsi, les bandes Amides ont été étudiées pour les objets présentant des spectres où seul le collagène a été détecté : les bottes Tchouktches et les deux paires de bottes Inuites. D’après les spectres, les deux paires de bottes Inuites ne présenteraient aucun phénomène d’oxydation, de dénaturation et d’hydrolyse acide, ce qui correspond notamment aux températures de dénaturation élevées, effectuées par DSC. L’étude des spectres des bottes Tchouktches indique un phénomène d’hydrolyse acide, et l’absence de dénaturation et d’oxydation du collagène. Cela ne correspond pas aux températures de dénaturation définie par DSC inférieures d’un écart type du cuir supposé d’origine, ni à la valeur du pH élevée mesurée.

Dans le cadre de ce travail, cette étude de spectre IRTF ne pourrait donc pas être considérée seule. En effet les mesures de température de dénaturation par DSC sont plus fiables, car elles prennent en considération l’ensemble du matériau (peau, tannage, etc.), alors que les spectres IRTF se focalisent sur les bandes Amides issues du collagène éventuellement perturbées par d’autres éléments en présence.