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Bilan des analyses des interactions entre élèves

IV) Analyse des données

IV.2. Analyse des interactions entre élèves

IV.2.3. Bilan des analyses des interactions entre élèves

Nous avons posé l'hypothèse, d'après le postulat de Lionel Audion (2015), que rendre conscientes les opérations intériorisées par les élèves lors d'un travail métalinguistique permettrait d'élargir la métacognition des élèves. Nous avons donc élaboré des fiches ayant pour ambition de placer les apprenants en posture réflexive sur leur langue. L'objectif principal des analyses des interactions entre élèves était de déceler les traces d'une attitude métalinguistique, que le groupe d'élèves parviennent ou non à un résultat « juste ». Après expérimentation, nous pouvons dresser plusieurs constats :

(1) Les élèves adoptent différentes postures énonciatives dans le groupe

Tous les extraits analysés montrent un investissement massif des élèves dans le traitement des problèmes. Tour à tour, les apprenants ont montré une volonté d'imposer, de comprendre ou de questionner leurs pairs.

Dans la plupart des extraits, un élève avec une posture d'autorité a émergé, imposant une méthodologie de travail ou imposant ses réponses au reste du groupe.

Empiriquement, nous n'avons dénombré qu'un seul cas refusant catégoriquement et de manière récurrente de coopérer avec ses pairs (T). Nous n'avons pas de statistiques précises, mais dans chaque groupe, la prise de parole des acteurs était variable. Un schéma apparaissait souvent avec un duo de tête qui menait le travail, un troisième membre qui venait interroger les résultats proposés par ses camarades et un quatrième membre plus en retrait qui se contentait d'intervenir pour noter les réponses ou parfois pour demander une précision. Par exemple, on peut observer dans le groupe C (tableau 5) que, C et L forment un duo de tête et comptabilisent le plus grand nombre d'interventions par rapport aux deux autres membres. C ouvre le débat et L le clôt. D est présent uniquement pour interroger ses camarades, il intervient seulement 3 fois dont 2 pour dire « oui » ou « ouais ». A est en retrait voire même absent de ce débat. Dans le groupe A (tableau 8), la répartition de la parole est plus homogène et elle représente le schéma de répartition de la parole le

plus récurrent. Un « leader » se détache : A. Il ouvre le débat et comptabilise le plus grand nombre d'interventions. C et B interviennent, quantitativement, le même nombre de fois. D est plus en retrait et intervient principalement pour interroger ses camarades ou demander confirmation.

Ces deux exemples ne sont pas exhaustifs, ils témoignent uniquement d'un fait saillant dans la répartition de la parole dans les groupes : un « leader » se dégage, intervenant le plus dans le débat et un élève, plus passif, intervient peu ou pas du tout. Nous ne pouvons malheureusement contrôler leur évolution dans le temps à cause de la construction aléatoire des groupes.

(2) Les élèves traitent le problème en mobilisant des arguments de nature très variée

Les élèves ont souvent traité les problèmes par un raisonnement hypothético-déductif (exemple tableau 7). En s'appuyant sur le corpus d'énoncés, les apprenants ont d'abord pu observer voire identifier des faits de langue (comme dans le tableau 4 où l'identification du groupe nominal émerge de l'observation par un élève des déterminants et par un autre élève du nom) puis ils ont pu déduire des règles grammaticales par co-élaboration (exemple tableau 7). L'addition des intelligences des élèves pourrait donc permettre l'élaboration de règles de fonctionnement de la langue.

Dans d'autres cas, les élèves utilisent différents tests de manipulation pour argumenter leurs réponses : les tests de substitution/commutation, les tests de pronominalisation ou les tests d'effacement par exemple. Dans ces cas, les élèves extériorisent des opérations mentales habituellement inconscientes. La méthodologie de travail exposée par un élève est alors parfois intériorisée par un autre élève du groupe (exemple tableau 5).

La résolution des problèmes n'a pas abouti à chaque fois, mais ces situations témoignent tout de même d'une posture réflexive des élèves sur la langue. Comme dans le tableau 9 par exemple, où les élèves s'interrogent sur la syntaxe de l'adjectif qualificatif « sur un nom commun, l'adjectif se met toujours avant ».

Mais nous avons également observé de nombreux cas où les élèves présentaient leur réponse comme un savoir empirique, sans argumenter (exemple tableau 4). Le raisonnement était soit, imposé au reste du groupe par une posture d'autorité, ou alors, il n'aboutissait pas sans l'intervention de l'enseignant (exemple tableau 9).

(3) Les élèves contextualisent les énoncés pour les ancrer dans le réel

Les élèves ont souvent traduit la consigne « énoncé acceptable » en « ça se dit » ou « ça se dit pas », ce qui reflète une volonté des élèves d'ancrer leur observations dans le réel et la pratique

personnelle et connue qu'ils ont de leur langue. Il faut entendre « ça se dit » comme « j'ai déjà entendu ce genre de tournure » et inversement pour « ça se dit pas ».

(4) Les fiches élaborées placeraient les élèves en attitude réflexive sur leur langue

Les extraits sélectionnés présentent un panel relativement exhaustif des différentes attitudes des élèves devant la tâche qui leur était confiée (à l'exception de la découverte de la règle par sérendipité qui était cependant un cas suffisamment exceptionnel pour être présenté). Il en ressort de façon massive l'observation des apprenants en posture métalinguistique puisqu'ils étaient constamment dans la recherche d'explication de faits de langue (que les explications soient correctes ou erronées).

Les trois champs d'observation de la métacognition développés par Delvolvé en 2006 ont été observés, bien qu'ils n'aient pas pu être quantifié pour chaque élève de la classe. Pendant la réalisation des fiches, nous avons dégagé :

1) Des traces de « métamémoire » : certains élèves sont capables d'identifier ce qu'ils savent et ce qu'ils ne savent pas (exemple tableau 9). Or, « être un bon élève, c'est apprendre à être conscient de sa propre intelligence – au sens de connaissances » (Delvolvé, 2006, p. 2). 2) Des traces de « métarésolution » : plusieurs tableaux montrent que les élèves sont en

situation de résolution de problème. « Il faut que chaque élève comprenne que celui qui trouve très vite la solution c'est celui qui utilise un enchaînement d'opérations mentales efficaces » (Delvolvé, 2006, p. 2). Dans le tableau 5, C nous a montré qu'il avait compris que le test de pronominalisation de L était relativement efficace.

3) Des traces de « confiance en soi » : notre protocole ne nous permet pas d'identifier des traces pour l'ensemble des élèves de la classe, mais significativement, plusieurs élèves prouvent qu'ils ne manquent pas de confiance pour utiliser leurs savoirs et pour les expliquer au reste du groupe (exemple tableau 7) « écoutez-moi ! […] j'attends que vous finissiez parce que je veux vous expliquer ».

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