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Biais liés à la subjectivité des informateurs

Dans le document THÈSE SORBONNE UNIVERSITÉ (Page 67-71)

La sélection des informations et leur perception par les interviewés, engendrent des biais

inhérents aux participants de la recherche21. Il s’agit principalement de biais relatifs au recueil

des données.

Le fait que certains sujets rapportés par les informateurs sont très éloignés dans le temps, a pu

induire des biais de mémorisation, par un récit déformé à partir de souvenirs approximatifs.

De même, le narrateur lors des récits de vie, a recours à un réaménagement de la réalité, dans

le but de maintenir en permanence une cohérence et un sens. Comme le souligne J Poupart

« Le comportement humain ne se comprend et ne s’explique qu’en relation avec les

significations que les individus donnent aux choses et à leurs actions »22. Si cette position

permet de comprendre le comportement d’une personne à travers les représentations d’une

21

Blanchet A, Gotman A. Op. cit.

22

Poupart et al. La recherche qualitative. Enjeux épistémologiques et méthodologiques. Montréal, éd. Gaëtan

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expérience de vie, il ne faut pas oublier que certains informateurs occultent de manière

intentionnelle ou non, des aspects de leur histoire, induisant alors des biais.

II. Réflexions autour du véganisme : entretien avec une

diététicienne.

Pour renforcer la cohérence de nos résultats et enrichir la discussion, nous nous sommes

entretenue avec Madame C Jacquis, diététicienne à mi-temps en libéral et en secteur

hospitalier. Elle est très impliquée dans les alimentations particulières puisque son approche

est centrée sur le comportement alimentaire et son accompagnement. Son expertise nous a

permis de mettre en lumière des réflexions intéressantes autour de l’abord du véganisme en

consultation, d’en identifier les risques nutritionnels et de donner des pistes de compréhension

sur la manière de s’adapter face à un patient végan pour maintenir une alliance thérapeutique.

De cet entretien il ressort :

Accueillir un patient végan en consultation c’est d’abord l’écouter. Cette écoute est une étape

indispensable, elle permet de se centrer sur le patient pour la suite de l’accompagnement de

soins.

« Ne pas être fermé, être à l’écoute de ce qu’apporte le patient […] C’est accompagné le patient pour qu’il soit plus

serein par rapport à son alimentation »

Si cette notion d’écoute est importante elle n’est pas suffisante, mais favorise la

compréhension. Cette démarche permet d’appréhender le sens que donne une personne à ses

actions sociales. Une fois de plus le patient est au centre du processus, le soignant devant se

placer du point de vue du patient pour identifier les raisons de ses choix.

« Je pense que c’est une conviction personnelle. Donc j’accueille le patient comme il vient avec ses convictions […]

Tout simplement de poser la question comment est ce que vous mangez ? Et aussi pourquoi ? Quel sens ça a pour

vous ? Je pense c’est le plus important à demander en tant que médecin »

Un échange réciproque d’informations permet d’évaluer les connaissances nutritionnelles du

patient et de s’enquérir de ses valeurs et préférences. Il s’agit de délaisser le modèle

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paternaliste, où le soignant est le détenteur exclusif du savoir, et d’aspirer à une relation

fondée sur l’échange d’informations et le partage. Ainsi le professionnel passe du statut de

soignant à celui de conseiller .

« Du coup on discute et ils repartent avec quelques conseils si besoin […] Ce sont des personnes qui connaissent à

fond le truc, limite mieux que moi sur certains aliments. Donc en fait c’est aussi un échange »

Le patient n’attend pas uniquement du professionnel une expertise purement technique mais

recherche l’établissement d’une relation de soutien voire de réassurance, dans laquelle le

médecin est placé en personne de confiance .

« En général ce genre de patient ils ont besoin d’être rassurés et de savoir si tous les besoins sont couverts

notamment en vitamines et en minéraux. Ils se posent toujours la question est-ce que c’est bon quoi ? »

L’accompagnement de soins requiert de prendre en considération la globalité de la personne

et ainsi de tenir compte des valeurs et préférences du patient, ce qui permet au soignant de

s’adapter et de mieux interagir avec celui-ci.

« C’est pour ca que moi j’aime bien travailler avec les patients que j’accueille sur le comportement pour moi c’est

son vécu. Et après c’est travailler avec lui sur ce qu’il est prêt à changer ou pas et de l’accompagner dans ce sens

[…] A chaque fois je me recentre sur oui mais et vous, vous aimez ou pas ? »

Ces résultats rejoignent ceux des informateurs. Ils montrent que le manque de ces qualités

relationnelles et communicationnelles est un des principaux facteurs de l’altération de

l’alliance thérapeutique par la non considération des valeurs et préférences du patient.

« En fait elle a cassé le lien parce que dès la première consultation elle a essayé de la convaincre de manger de la

viande … alors que moi je ne fonctionne pas du tout comme ca de toute manière voila si c’est une conviction c’est

sûr que le lien il va se casser »

En l’absence d’apport alimentaire d’origine animale, la principale carence chez les personnes

végétaliennes et véganes est la carence en vitamine B12. Dès lors une supplémentation est

indispensable. Si les autres carences sont rares chez l’adulte pour autant que l’alimentation

végétalienne est équilibrée, elles sont plus fréquentes chez les populations à risque comme les

enfants. Il faut aussi s’assurer que les apports en protéines et en calcium sont suffisants. En

complétant l’alimentation par des protéines végétales, l’apport protidique est couvert. Pour le

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calcium, boire des eaux riches en calcium et manger des oléagineux permet de maintenir un

apport adapté aux besoins.

« Principalement c’est la vitamine B12 parce qu’en général ils ne mangent pas de viande ni de poisson ni d’œuf

donc effectivement la carence principale c’est celle-ci […] Après il y a un médecin qui avait fait une intervention la

dessus qui disait que les populations les plus fragiles c’était les enfants et que chez l’adulte en fait c’était rare quand

il y avait des carences […] Après il faut veiller à ce que l’apport protéique soit suffisant. En général ils complètent

avec des protéines végétales. En général ils connaissent bien donc ils arrivent assez bien à compenser. Le calcium

moi je me pose toujours la question mais au final ils arrivent assez bien à compenser avec d’autres aliments. On

peut arriver à combiner avec des eaux et tout ce qui est oléagineux. Donc finalement on arrive à retrouver un

équilibre »

Ce que nous retenons de cet entretien avec une professionnelle de l’alimentation repose sur la

qualité du cadre et les conseils nutritionnels, l’ensemble en absence de toute forme de

jugement. Nous retrouvons ces qualités du médecin dans nos entretiens : accueil, écoute,

évitement des conflits de valeurs, compréhension du sens (les éléments symboliques du

véganisme) et sécurité alimentaire, qui contribuent au maintien de l’alliance thérapeutique.

III. Discussion autour des résultats

Pour appréhender dans notre discussion la place respective des thèmes que nous avons mis en

évidence nous choisissons de continuer notre discussion à partir des axes qui construisaient

notre question de recherche. A savoir :

- Le parcours de vie et l’exploration du cheminement des personnes jusqu’au véganisme.

- Les représentations du véganisme en relation avec la santé et les valeurs sociales.

- L‘influence du véganisme sur la relation patient-médecin généraliste.

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1) Le parcours de vie et l’exploration du cheminement des personnes jusqu’au

véganisme

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