• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 4: DISCUSSION

3. D ES BIAIS DANS LE DEROULEMENT DE L ’ ETUDE

3.1 Le risque d’un parti pris de l’enquêteur.

Compte tenu du travail préliminaire sur le sujet et de l’étude préalable de la loi, il existait un risque d’une perte d’objectivité de la part de l’enquêteur au cours de la

réalisation des entretiens. Cet intérêt notable pour le sujet étudié et le risque d’induire un biais au cours de l’étude avait été identifié avant la réalisation de celle-ci.

Malgré cela, la présence d’un enquêteur extérieur habitué à mener des études qualitatives n’a pu être envisagée en raison de la complexité du sujet et du délai limité pour réaliser l’étude.

3.2 Un sujet délicat pour certains participants.

L’enquêteur a pu constater que les réponses de certains des médecins interviewés semblaient « contenues », correspondant à des réponses stéréotypées. Cela pouvait en partie s’expliquer par le caractère relativement sensible ou complexe du sujet. En effet, cette impression était plus marquée lorsque les médecins interviewés avaient préalablement évoqué des réserves avant leur inclusion. Comme l’explique M. Grawitz dans son ouvrage « méthodes des sciences sociales » (23), cela peut s’expliquer par le fait que les participants à l’enquête n’avaient pas suscité l’entretien. Des mécanismes de défense implicite connus des études qualitatives par entretiens directs ont pu ainsi influencer certaines réponses. Un de ces mécanismes est appelé « rationalisation » : l’interviewé, confronté à des questions déstabilisantes et imprévues donne alors une explication à laquelle il croit, mais qui ne correspond pas à la réalité. Autant que possible, l’analyse et l’interprétation des résultats ont cherché à écarter ce type de réponses, lorsqu’elles ont été identifiées.

Par ailleurs, quelques rares interviews ont nécessité un véritable recadrage pour éviter d’aborder le sujet de l’euthanasie active, non concernée par l’étude (celle-ci ne portant que sur la limitation ou l’arrêt de traitement en fin de vie). La confusion n’avait pas lieu d’être, grâce aux précisions fournies par l’enquêteur avant l’entretien. Et pourtant, certains médecins semblaient vouloir affirmer leur position, comme un engagement personnel, sur ce sujet particulièrement clivant.

Mais la réalité du caractère sensible du sujet est apparue évidente à l’enquêteur avec les commentaires faits par certains médecins une fois le micro coupé. Certaines remarques étaient parfois très acerbes vis-à-vis du cadre législatif existant. Les médecins généralistes jugent avec beaucoup de méfiance la loi encadrant leur pratique, en général, lorsqu’on la leur rapporte. Tout particulièrement lorsqu’il s’agit de la fin de vie de leur patient, pour les plus investis d’entre eux, leur jugement est très largement péjoratif. Un médecin s’est même exprimé à ce sujet pendant son entretien, après que quelques précisions lui aient été apportées : « D’accord. Donc c’est une loi qui n’a aucun sens. Encore une *…+ On n’a pas besoin qu’il y ait une loi qui vienne nous dire ce qu’on doit faire. »

Une discordance entre deux réponses a été identifiée lors du report écrit de l’entretien numéro 9 concernant les directives anticipées. L’origine de l’incompréhension par le médecin a été expliquée par des difficultés liées à la langue, ce dernier étant d’origine polonaise.

3.3 Un sujet difficile à aborder de manière explicite sans influencer les réponses.

L’enquêteur, au cours d’une partie des entretiens, a constaté que certaines réponses apparaissaient théoriques, éloignées d’expériences réellement vécues. Ce sentiment amène à se questionner sur la présence d’un exemple concret à l’esprit de l’interviewé avant le début de l’entretien. Combien ont véritablement appliqué de manière consciente une limitation ou un arrêt de thérapeutiques ?

Dans le même ordre d’idée, on peut s’interroger également sur la grande variabilité de l’estimation du nombre de patients suivis par an en moyenne en fin de vie. Cette écart type s’étendant de 2 à 15, soit plus d’un par mois, est sans corrélation avec le profil du médecin et son lieu d’exercice. Cette disparité fait poser la question suivante : comment est perçue par chaque médecin le passage d’une phase curative d’un patient atteint d’une maladie grave à une phase terminale palliative ?

Face à ce constat, il est apparu nécessaire de proposer aux participants un exemple concret (cf. annexe)

Cependant, puisque la structure du canevas décrivait la procédure collégiale selon ses différentes phases, des précisions sont données seulement lorsque la personne interviewée semble ne plus être dans le sujet abordé. Par exemple lorsqu’une réponse de ce type est faite : « le patient nous dit quand il refuse un soin ! ». Ou encore lorsque le médecin se pose la question de « suspendre tous les traitements ? ». A nouveau,

lorsqu’un médecin évoque « le cas où [il] décidai[t] de réaliser une euthanasie active… ».

En limitant volontairement les informations données pour ne pas influencer les réponses, l’entretien est parfois difficile à mener, et ce à cause de la méconnaissance des médecins sur les limites du sujet abordé.

Un bon exemple des difficultés de compréhension par les médecins concernait les traitements pouvant être suspendus ou non entrepris, dans une situation de fin de vie. Certaines réponses ont montré que, parfois, les personnes interrogées pensaient à des traitements comme les antihypertenseurs, les statines, etc. L’enquêteur se voyait dans l’obligation de préciser que le sujet d’étude ne concernait que les traitements dont la limitation ou la suspension est susceptible de mettre en danger la vie du patient. Ce type de précision entrainait alors des remarques pour les participants qui souhaitaient des explications. Il était parfois malaisé de répondre sans aborder explicitement les notions étudiées…

3.4 Deux sites d’action distincts : le domicile, et les structures médicalisées (maison de retraite, EHPAD, EHPA et HAD)

Une distinction entre le domicile et les structures médicalisées est apparue à l’issue de la l’analyse des 6 premiers entretiens, et non lors de la recherche documentaire initiale.

Cette différentiation si elle avait été réalisée dès les premières inclusions aurait pu aider à discriminer d’autres éléments de recherche supplémentaires, dès le départ : prise en charge différente en fonction du lieu de vie, collégialité plus facile à obtenir dans une structure médicalisée, etc.

Une fois mise en évidence, cette distinction a pu être traitée ultérieurement au cours des entretiens suivants, et ces thèmes ont pu être ajoutés dans l’analyse des données. En effet, l’étude qualitative, de par sa nature, permet d’adapter au cours du temps le canevas qui n’est qu’une aide à la conduite des entretiens. Il a été facile d’ajouter donc ces notions dans la partie « résultats ».

P

ARTIE

2 :I

NTERPRETATION ET COMMENTAIRES

1. L

ES RAISONS IDENTIFIEES DU RECOURS LIMITE A LA PROCEDURE COLLEGIALE A

Documents relatifs