mieux, malgré les découvertes imaginaires d'un grand électri¬
M. Bergonié fait remarquer avec une grande justesse, dans
le Journal de médecine de Bordeaux du 24janvier 4897, que
l'œil n'estsensible, au contraire de la plaque
photographique,
qu'à l'intensité lumineuse, et non à ladurée. On
pourradonc
observer les mouvements, que le sujet garde ou non l'immo¬
bilité, avantage considérable et qui
tendrait, dit
ceprofesseur,
à faire préférer la radioscopie à la
radiographie. Les tissus,
en effet, paraissent être transformés en une sorte
de gélatine
transparente, et au sein de cette masse on peut
observer les
mouvements des os, des articulations et de certains organes restés moins transparents ou opaques.
Les premièresobservations sérieuses sur
l'application de la
radioscopie à la médecine interne ont été faites parGrumach
etDu Bois-Raymond comme nous le disions tout
à l'heure.
Lorsqu'on éclaire la région cervicale
latéralement,
etqu'on
place de l'autre côtél'écran fluorescent,onvoit nettementl'œso¬
phage, l'os hyoïde et le larynx. En
examinant la
cagethora-cique, on voit nettement, comme nous
l'avons
puconstater
chez un sujet sain, l'éclairage ayant lieupar
derrière, d'abord
la raie sombre de la colonne vertébrale d'où partent les côtes
sous forme d'ombres horizontales, puis très nettement la cla¬
vicule et l'articulation de l'épaule, pour peu qu'on y dirige
l'écran.
A lapartieinférieure, onvoit une
ligne
peuépaisse, sombre,
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agitée de mouvements d'abaissement et d'élévation, elle se con¬
fond avec l'ombre du foie, à droite, ce dernier l'accompagnant
dans ses oscillations; l'amplitude est à peu près de 5 à 0 centi¬
mètres. Vers le centre, est une ombre oblongue, agitée de
mouvements rapides, de pulsations, c'est le cœur. Dans quel¬
ques cas très favorables, M. le professeur Bergonié a pu
distinguer la contraction de l'oreillette, et celle du ventri¬
cule^); M. Bouchard a vu nettement les contours de l'esto¬
mac après l'avoir dilaté avec des poudres effervescentes.
Voici les quatre premières observations de Grumach :
1° Dans un cas d'artériosclérose généralisée : abaissement du dia¬
phragme etdiminution de l'amplitude du mouvement. La silhouette de l'aorteest large et sombre, et sur les raies correspondant aux artères coronaires, il y a des raies très foncées représentant les plaques cal¬
caires siégeant dans lesparois; ces striationstrès foncéessereproduisent d'ailleurs surles artères radiales etcubitales.
2° Un sujetayant eu des hémoptysiesun an et demi avant, étant exa¬
minéà l'écran fluorescent, présenta des foyers calcifiés dans lepoumon droit, qui se traduisirent surl'écran par des taches noires.
3e et 4e cas. — C'étaient des lésions valvulaires du cœur de deux
individus; l'ombre del'aorte ascendante étaittrès large et très foncée,
comme dans le cas del'artério-sclérose précédente, chez l'un; chez l'au¬
tre, au contraire, elleétait beaucoup plus pâle et de moitié plusétroite, d'où la conclusion faite que, dans le premier cas, l'artério-sclérose avait joué, dans les lésions du cœur, un rôle important dans la pathogéniede la lésion valvulaire,tandis quechez l'autre la cause était tout autre.
M. Strauss présenta, le 29juin 1896, à la séance de l'Aca¬
démiedeMédecine interne deBerlin,l'observationd'unmalade atteint d'un cancer du médiastin, chez lequel on soupçonnait
un cancer de l'estomac avec une tumeurmétastatique dans la
cavité thoracique. L'écran fluorescent montra une ombreayant
à peu près les dimensions de celle que projetterait le poing
d'un adulte. Cette ombre était en contact, à gauche, avec la
raie sombre de la colonne vertébrale, et vraisemblablement produite par une tumeur cancéreuse métastatique développée
(J) Journal de médecinedeBordeaux, janvier1897.
dans unganglion bronchique au niveau de l'estomac. Laradio¬
graphie donna de moins bons résultats, car l'ombre se confon¬
dait aveccelle du foie et de la colonne vertébrale.
A peine ces expériences venaient-elles d'être entreprises,
que concurremment M. le professeur Bouchard à Paris, M. le professeur Bergonié à Bordeaux, s'occupaient d'en connaître
et d'en développer l'importance médicale.
M. Bouchard, dans un compte rendu à l'Académie des Sciences(séance du 14 décembre 4896),remarqua, enétudiant,
en tluoroscopie, l'état despoumons chez un pleurétique, quela
teinte claire des poumons sur l'écran reparaissait après l'ab¬
sorption du liquide pleurétique, sauf chez un malade examiné.
En effet, chez ce dernier, il y avait une opacité persistante du sommet, alors que, vers le milieude cet organe, la teinte claire
s'accusait de plus en plus à mesure que cet épanchement se résorbait. 11 en conclut qu'il y avait une condensation du tissu pulmonaire à ce niveau et porta le diagnostic de tuberculose.
A l'examen clinique, on reconnut la parfaite véracité de ce diagnostic : la tuberculose avait été masquée par la pleurésie.
De plus,ceprofesseurreconnutainsietprouva que, cheztous
les tuberculeux, l'ombre radioscopique des cavernes pulmo¬
naires présenteune intensitéen rapport avecla profondeurdes lésions formées, dans un cas où deux cavernes étaient indi¬
quées sur l'écranpar une tache claire sur un fond pulmonaire
sombre. Cependant, cet éminent professeur ajoute que cette observation n'est pas absolue, attendu que, dans certains
cas où l'auscultation indiquait nettement la présence d'une caverne, la tluoroscopie n'indiqua absolument rien. Chez un malade où la toux et l'expectoration présentaient tous les signes de la tuberculose, mais où les bacilles ne pouvaient
être trouvés dans les crachats rejetés, la tluoroscopie montra dans les sommets une plus grande opacité aux rayons X, et, quelques jours après, des bacilles trouvés dans les crachats du malade démontrèrent la parfaite véracité du diagnosticfait
par ce professeur. M. Bouchard ajoute que la radioscopie
arrive à donner le même diagnostic que l'auscultation. Quand
l'air pulmonaire est réduit par suite de l'envahissement du
liquide épanché ou de germes morbides, l'ombre radiosco-pique se produit en même temps que se constate par l'aus¬
cultation la matité ou la submatité.
M. le professeur Bouchard fit même de cette façon le diag¬
nostic d'une pleurésie unilatérale chez un malade qu'il n'avait jamais vu. L'examen clinique du malade confirma son diag¬
nostic.
M. le professeur Bergonié, à Bordeaux, faisait pendant ce
temps des expériences semblables; il avait déjà remarqué, en
se servant d'une vessie pleine d'eau et en l'interposant sur
l'écran, que l'ombre donnée était assez forte et plus grande
que celle du poumon derrière lequel n'était point la vessie. Il
eut alors l'idée d'essayer de se servir du fluoroscope (*) pour
pouvoir diagnostiquer les lésions pulmonaires; et, afin de
donner à ses expériences une précision plus rigoureusement scientifique, ce professeur seservit de fils de plomb appliqués
sur la peau avec unpeu de collodion, pourvérifier exactement si la zone d'opacité correspondait bien dans les poumons avec les zones de matité données parla percussion.
Surun tuberculeuxqui avait les deux poumons envahis, il
trouva que les images fluoroscopiques présentaient des taches irrégulières sombres sur unfond bien moins lumineux que la
normale. A l'auscultation, on avait trouvé la présence de nom¬
breuses cavernes.
M. Bergonié répéta ensuite l'expérience sur deux malades
atteints depleurésie unilatérale etpréalablement auscultéspar M. Gassaët, agrégé à la Faculté de Bordeaux. Il trouva une différence énorme entre les deux poumons. Chez un des malades, l'un des poumons était transparent, l'autre présentait
une ligne peu nette d'opacité, correspondant d'ailleurs à celle
trouvée par la percussion; les seins étant très développés pro¬
duisaientune ombrepouvantinduire en erreur. Chez lesecond,
P) Ne pasconfondre avecl'appareil construit par un électricien américain oU
avec le cryptoscope. Cette expression s'applique uniquement à la méthode lluoro-scopique.
— 33
-la matité était très nette, et l'opacité correspondaitexactement
à la limite que formaient les fils de plomb placés lors de l'aus¬
cultation. Le cœur était un peu rejeté du côté du poumon sain, l'amplitude des mouvementsrespiratoires était diminuée.
Enfin, chez un malade envoyé par le Dr Péry et atteint d'un kyste hydatique, les résultats furent très nets et très probants.
Il y avait, du côté gauche, une zone opaque siégeant du
bord
externe à la colonnevertébrale, etausommetunemince bande
claire qui, ponctionnée auparavant, n'avait donné naissance
à aucun liquide. L'opacité de l'ombre vue en arrière, le tube
étant alors placé par-devant, présentait des bords très nets, beaucoup plus tranchés que dans l'éclairage fait par derrière
pour l'examen du thorax fait précédemment en avant. Cela prouvait que le kyste était beaucoup plus voisin de la région postérieure du thorax que dela région antérieure. La percus¬
sion faite auparavantavecbeaucoup de soin donnaitles mêmes
résultats quela radioscopie. M. le professeur Bergonié ajoute
que, dans ses expériences, les résultats fournis par la percus¬
sion et la radioscopie ont toujours été absolument et rigou¬
reusement semblables(*).
M. le professeur Bergonié répéta plusieurs fois ces expé¬
riences sur d'autres sujets; il nous a été donné d'assister à
une des dernières expériences qu'il fit sur deux malades du
service duprofesseur Arnozan. Chez le premier, qui était une
femme, il y avait une pleurésie purulente déjà ponctionnée;
on avait sorti à peu près 1,700 grammes de liquide. L'autre, qui était un homme, avait un hydrothorax.
La nommée Lucie B..., âgée de trente-sept ans, est atteinte d'une pleurésiepurulente. L'état général est mauvais; on craintqu'il n'existe
une perforation intestinale. La malade est amenée dans le laboratoire
du professeur Bergonié. On la fait étendresur une table d'opération, le
thorax légèrement élevé, le corps étendu. Le tube, un focus allemand,
est recouvert de son enveloppe noire et placé derrière le coussinet de crin, de 10 centimètresd'épaisseur, qui soutient la malade. La distance
du tube au coussinet est de 10 centimètres environ. La malade a été
0) Communication àl'AcadémiedesSciences du 28 décembre 1896.
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préalablement auscultée en avant du thorax, et des fils de plomb ont marqué les zones de matilé.
L'appareil fonctionnant, on voit sur l'écran que la zone d'opacité correspond à lazonede matité: 1 centimètreen dedansenviron. On voit du côté droit une zone de demi-opacité correspondant àla zone de
sub-matité, dont les limites sontles mêmes. Au-dessous, la zone de matité, complète, correspond à la zone opaque. De plus, le poumon gauche n'est pas absolument transparent; il présente des taches sombres irré¬
gulières,duescertainementàune modificationdu tissu pulmonaire, sous l'influence de la tuberculose.
Le tube est alors placé en avant, à peu près à 15 ou 16 centimètres du thorax de la malade, qui n'a point changé de position; l'écran est
placé derrière l'oreiller de crin. La transparence est parfaite à droiteet à gauche. La lignede matité correspond exactement à la ligneopaque,
comme le prouvent les fils de plomh témoins. Il semble exister
au-dessous une ligne légèrement ombrée qui suit les mouvements du
diaphragmeet se relève aveclui; mais il est cependant difficile de cons¬
tater si cette ligne est horizontale. Au-dessus de l'omoplate, existe une zone bien claire; au-dessous, la zone est plus foncée; on perçoit cepen¬
dant l'ombre des côtes. La coïncidence de la percussion, et les limites de l'ombre et de latransparencesont absolument parfaites.
Le diagnostic porté cliniquement de pleurésie purulente se trouvait donc pleinementvérifié.
Ledeuxièmecas estcelui du nommé L..., âgé decinquante-huit ans, atteint de pleurésie unilatérale gauche. Le malade est assis, et le tube est placé à 10 centimètresenviron de son dos. La bobine est alors mise
en mouvement. Sur le malade, préalablement percuté, on a limité, par des fils de plomb retenus par du collodion, les zones de matité et de résonance.
En haut de l'épaule, le poumon droit est absolument transparent; du reste, la percussion n'y a rien accusé. Pour le gauche, le sommet est seul transparent; la zone d'opacité, complète, correspond exactement à la lignemate; dans la ligne submate, on voit une zone sombre s'élever et s'abaisser, en suivant les mouvements du diaphragme, sur une lar¬
geur de 4 centimètres environ. Lepoint terminusde l'élévation de cette
ligne correspond exactementà laligne submate.
M. le Dr Carrière ausculte alors le malade, et trouve que, suivant l'inspirationou l'expiration, laligne de submatitéest abaisséeou élevée de 4 centimètres. Ce phénomène coïncide donc hien avec ce qu'avait
accusé l'écran de Roentgen.
Avec le tubeplacéen avant et l'écran en arrière, même résultat que
précédemment; ilsemblerait seulement que, ducôtégauche, la zone de
demi-opacitéserait unpeu plusélevée.
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Les résultats si concluantsdeces expériences, surlesquelles