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Depuis de nom breuses années, scientifi­ ques et protecteurs de la natu re s’inquiètent de la disparition ou de la raréfaction de nom breuses espèces a n i­ m ales indigènes.

La simplification irrationnelle du p a y ­ sage, le surp eu p lem en t de certaines régions, le d év eloppem ent an archique des constructions, le béton n ag e de grandes surfaces de terrain et les m o n o ­ cultures de tou te sorte en sont les principaux responsables.

Des espèces jadis c o m m u n es d an s notre pays o n t été rem placées p a r des espèces banales peu sensibles a u x activités hum aines. D ans de n om breux cas, la diversité a fait place à la médiocrité et à un ap p au vrissem ent génétique consi­ dérable.

Ainsi, p arm i les oiseaux, le m oineau et le merle ont évincé rouge-queue et fauvette d an s les jardins «thuyas, gazon, buissons d ’ornem ent». Les co r­ neilles et les grives litornes o n t envahi les cultures «basses-tiges». L’antilimace a tu é le hérisson et le lézard agile qui faisaient p o u rta n t le travail g ratuite­ ment. Le long des rivières bétonnées, les bergeronnettes o n t disparu. Les haies et les buissons sont arrachés car c h aq u e p ouce de terrain com pte. La h u p p e et la belette n ’habitent plus les m u rs col­ m atés du vignoble.

L’h o m m e de la Suisse «propre en ordre» transform e son paysage q u o ti­ dien en désert biologique.

Malgré tout, le V alaisan peut

s’estim er h eureux de vivre d an s un pays encore diversifié et, à bien des égards, épargné. Mis à p a rt la plaine du R hône qui est rationalisée à l’extrêm e, le Vieux

Pays recèle encore bien des richesses floristiques et faunistiques. C ’est notre devoir de préserver ce patrim oine qui confère à notre canton u ne ren o m m ée internationale d an s le m o n d e des scien­ ces naturelles et qui représente un attrait touristique non négligeable.

P o u r t a n t

-Après les derniers trav au x d ’endigue- m e n t du Rhône, a u début du siècle, d ’im m enses surfaces m arécageuses o n t définitivement disparu. Certaines g randes réserves hum ides d ’E urope ne sont q u ’un pâle reflet de ce q u e pouvait être le foisonnem ent de la vie dans la vallée du R h ô n e ju sq u ’au XIXe siècle.

Bien sûr, il est inutile de regretter le tem ps passé car le niveau de vie du citoyen a été considérablem ent a m é ­ lioré. Le labeur du paysan, le limon du R hône et le climat privilégié du Valais ont transform é de vastes surfaces en vergers luxuriants.

Mais les prem ières victimes de ces bouleversem ents furent... les batraciens. J u s q u ’en 1930, des simples d ’esprit, les «tapa-goilles» étaient encore chargés de faire taire les grenouilles en frap p an t l’eau avec un b âton p o u r q u e le b o u r­ geois puisse dorm ir en tou te quiétude! Q u ’en est-il au jo u rd ’hui?

«La g r e n o u ille c ’e s t plus que la g re n o u ille »

C ette phrase de Je a n Rostand, le célè­ bre biologiste, résum e parfaitem ent la valeur d ’un être vivant, si hum ble soit-il. En effet, les batraciens sont à l’origine de découvertes capitales en médecine

l’honneur

et en biologie. Ils rep résentent aussi un enseignem ent p e rm a n e n t d an s la connaissance des grands m écanism es évolutifs: a u cu n a u tre vertébré terrestre, et su rto u t p as l’hom m e, ne p e u t p ré ­ tendre avoir d u ré si longtemps, plus de 30 0 millions d ’années!

Les batraciens sont aussi des maillons essentiels d an s la com plexité des chaî­ nes alimentaires. T out en limitant de façon sensible les ravageurs des cultures en gob an t des m asses d ’insectes, ils vont, à leur tour, devenir la proie de n o m breux prédateurs. Ils constituent égalem ent de précieux indicateurs sur la qualité ou le degré de pollution du milieu.

Mais c’est là un e m anière bien terre à terre de considérer ces êtres vivants: leur seule présence est un e source d ’ém erveillem ent sans cesse renouvelée et celui qui n ’a jam ais enten d u les concerts d ’am phibiens au printem ps ignore tout des plus belles sym phonies de la nuit...

En 1982, la Ligue suisse p o u r la protection de la natu re a édité u ne liste rouge des espèces de batraciens et de reptiles rares ou m enacés d ’extinction. S u r les dix-huit rep résentants d ’a m p h i­ biens qu e co m p te la Suisse, seules q u a tre espèces ne sont pas encore en danger. Deux autres o n t d ’ores et déjà disparu. Depuis 1966, tous les batraciens et les reptiles sont protégés su r tout le territoire de la Confédération. O n s’a p erçu t c e p en d an t bien vite q u e les lois seules ne suffisaient pas à les maintenir.

Si les biotopes sont détruits plus au cun espoir n ’est permis.

^ K 'M W ', « H i l ' Œ E ■ t : J < >.-. Le crap aud com m un effectu e so u v en t de lon gu e migration ju s q u ’au lieu de ponte

D e s solutions...

La plup a rt des gravières creusées lors de la construction de l’au to ro u te devien­ n en t des sites très attractifs p o u r la fau n e en général et les batraciens en particulier. En laissant la végétation s’installer sur l’u n e ou l’a u tre des rives en p en te douce on p eu t contribuer au dévelo p p em en t d ’im portantes colo­ nies d ’am phibiens.

Les h eureux propriétaires de villas ou de jardins peuvent, à frais réduits, construire u n petit biotope favorable au x anim aux: on trouve actuellem ent d an s le co m m erce des feuilles de plasti­ q u e p erm ettan t d ’a m é n a g e r un petit étang. C e point d ’eau, si m odeste soit-il, attirera to u te u n e foule d ’anim au x et sera un lieu riche en observations. Mais attention: il ne faudra pas prélever des anim au x d an s la n a tu re p o u r les im planter su r votre propriété. Ceux-ci sont en effet très sensibles au x modifica­ tions de leurs habitudes et vont im m a n ­ quab lem en t rechercher leur étan g d ’ori­ gine; ils se feront alors écraser sur les routes. Laissez-les s ’installer d

’eux-m ê’eux-m es et, s’ils ne viennent pas, consolez-vous p a r la présence colorée des oiseaux, des libellules et des papil­ lons attirés p a r l’eau.

En Valais, c h aq u e année, les routes à forte circulation p ro v o q u en t des h é c a ­ tom bes de batraciens. En bien des endroits ces m assacres seraient évités en a m é n a g e a n t des passages so u te r­ rains. Des m é thodes efficaces sont m a in te n an t au point p o u r perm ettre a ux anim au x de traverser les routes sans difficulté, lors de leurs migrations obligatoires vers les lieux de ponte. Ces passages sont ég alem ent e m p ru n tés p ar les hérissons et au tres insectivores. Il ne reste q u ’à les réaliser!

D e s conseils...

Au déb u t de cette a n n é e 1986, plusieurs ouvrages im portants su r les batraciens paraissent en Suisse:

- Les Editions Mondo, à Vevey, publient un livre richem ent illustré su r les «Batraciens et Reptiles de chez n o u s» .1 De magnifiques p h otographies en couleurs nous invitent à découvrir ce

m o n d e passio n n an t et mystérieux. Cet o u vrage offre un p a n o ra m a com plet des espèces indigènes et de leur biologie. - Le WWF, q u a n t à lui, édite une brochure didactique sur la connaissance et la protection des A mphibiens de Suisse.2 Des conseils judicieux à l’usage des enseignants et des responsables des trav au x publics y sont développés. Le lecteur y trouvera aussi u n e illustration détaillée et des schém as précis. - Le C entre de coordination p o u r la protection des A mphibiens et des R epti­ les de Suisse,3 à Berne, p rép are une brochure plus technique su r les systè­ mes de protection le long des routes et su r la m anière de les réaliser.

- En Valais, un im portant travail d ’inventaire des espèces et des zones hum ides a été effectué ces dernières années. C ette étude p araîtra d an s le

Bulletin d e la Murithienne, la Société

valaisanne des sciences naturelles.4 La situation actuelle des batraciens de notre can to n est analysée et les milieux hum ides o n t fait l’objet d’un recense­ m e n t quasi exhaustif.

U n e prise d e c o n s c i e n c e

L’h o m m e m oderne constitue p a r ses réalisations, sa destruction de la nature et ses poisons, le seul véritable dan g er p o u r les am phibiens et p o u r to u t le règne anim al et végétal. P rotéger les batraciens signifie, en fait, co m m e toute protection de la nature, protéger l’H o m m e égalem ent.

Mais tou te protection com m en ce p ar la connaissance. Et connaître signifie déjà aimer.

Texte et photos: Jean-M arc Pillet

1 B a tra cien s e t R eptiles d e ch e z nous. Editions M ondo, V evey, 1986.

2 Les B a tra cien s d e S uisse. P a n d a , W W F Suisse, Zurich, 1986.

3 Les A m p h ib ien s e t le trafic. C e n tr e d e c o o rd in a ­ tion p o u r la p ro te c tio n d es a m p h ib ie n s e t reptiles d e Suisse. M u sé u m d ’histoire n atu relle, B erne, 1986. ^B u lletin d e la M urithienne, 102/1 9 8 5 , c a se p o s ­ ta le 175, Sion.

L’étang du Verney, près de M artigny. La région de la Sarvaz en 1913. Photo H. Gams Une gravière rich e en b atracien s

Le temps

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