• Aucun résultat trouvé

LE CANNABIS EN MEDECINE

4. BASES PHARMACODYNAMIQUES DES PCB 1UNE ACTION POLYMODALE

Les diverses propriétés pharmacologiques des PCB ne se résument pas uniquement à une action sur les récepteurs CB. Si le THC est responsable de l’effet psychotrope du cannabis par la stimulation des récepteurs CB1(104), son action sur les récepteurs CB2 et sur plusieurs autres cibles lui confère d’autres propriétés pharmacologiques (105). Il en va de même pour l’ensemble des PCB qui agissent effectivement par de nombreux autres mécanismes d’actions, étudiées actuellement presque uniquement sur les modèles animaux actuellement et qui mime le système endocannabinoïde.

Par exemple, certains PCB (ou leurs dérivés synthétiques) peuvent ainsi agir directement sur les récepteurs 5-HT 1A, impliqués dans le trouble anxieux (106,107) et l’ischémie tissulaire (108) ou sur des différent sites enzymatiques comme l’inhibition des lipooxygenases impliquées dans le développement de l’athérosclérose (109) ou de certains cancers (110). Le plus souvent, les propriétés pharmacologiques des PCB sont le résultat de plusieurs mécanismes d’action synergique comme dans l’inflammation ou la nociception par exemple, ce qui rend l’interprétation des résultats complexe. Les PCB peuvent ainsi avoir une action anti-inflammatoire par une activité agoniste inverse sur les récepteurs CB2 (111), par une inhibition de la FAAH (108) augmentant le taux tissulaire d’endocannabinoïde, par une inhibition de cox2 (113) ou par d’autres mécanismes. De même, l’action antalgique peut s’effectuer via les récepteurs opioïdes µ(114), les canaux potentiels à récepteur transitoire (115) (TPR Vanilloides, Ankyrine, Mélastine) ou encore certains canaux avec récepteurs Glycine (α1 et α3)(91,116).

Les actions pharmacologiques des PCB peuvent donc être médiées par de nombreux effecteurs (récepteurs nucléaires, cytoplasmiques, sites enzymatiques), ce qui souligne leur caractère polymodal, potentiellement synergique. Les récepteurs CB ne représentent ainsi qu’une infime partie des effecteurs possibles des PCB, bien qu’ils restent les principaux effecteurs du THC. La meilleure illustration de ces propos repose actuellement sur le CBD : il n’ a que très peu d’affinité avec les récepteurs cannabinoïdes (79) et il agirait par une vingtaine d’autres mécanismes d’actions (102). En résumé, les PCB interagissent avec le système endocannabinoïde de manière plus ou moins directe : action sur les récepteurs CB ou d’autres récepteurs, modulation indirecte des récepteurs, régulation de la synthèse et de la dégradation des endocannabinoïdes.

4.2LA DUALITE THC/CBD : DES EFFETS OPPOSES OU SYNERGIQUES

Les interactions entre les PCB sont complexes et encore très peu étudiées : les données disponibles sont surtout relative à l’interaction THC/ CBD. Diverses études ont signalé une potentialisation, une opposition ou une neutralisation des interactions entre le ∆9-THC et le CBD (80). Les divergences relevées quant à la nature des interactions entre le ∆9-THC et le CBD recensées dans la littérature pourraient s’expliquer par les différences liées aux ratios du THC et du CBD utilisés dans les différentes études, les différences dans la méthode d’administration (traitement préliminaire au CBD par rapport à l’administration concomitante simultanée), les différences au niveau de la durée du traitement (aiguë par rapport à chronique), les différentes espèces animales utilisées, de même que les paramètres tant biologiques que physiologiques faisant l’objet de l’examen (117).

On peut cependant distinguer schématiquement deux types d’interactions : celles d’origine pharmacocinétique semblant limitées (118) et celles d’origine pharmacodynamique (119).Il semble qu’en général, l’administration préliminaire du CBD puisse potentialiser certains effets du THC par un mécanisme pharmacocinétique. Ainsi, il a été suggéré que le CBD puisse limiter la dégradation hépatique du THC et de ses métabolites, par inhibition des enzymes Cytochrome P-450-3A (77) et 2C (118) et par compétition directe avec les enzymes de dégradation du THC, mais cette interaction pharmacocinétique limitée est controversée(120,121)En revanche, il semble que l’administration concomitante simultanée du CBD puisse généralement atténuer certains effets du THC, par un mécanisme pharmacodynamique. Le THC se comporte classiquement comme un agoniste partiel des récepteurs CB1 et CB2. Le CBD, en revanche, est un agoniste inverse de ces récepteurs aux concentrations physiologiques (nanomolaires) en dépit de sa très faible affinité pour les récepteurs CB, probablement par modulation allostérique négative de ces récepteurs (79). L’action du CBD antagonise également indirectement celle du THC par le biais d’autres effecteurs. Par exemple les symptômes psychotiques sont exacerbés par le THC, via CB1 (122) alors qu’ils sont atténués par le CBD à haute dose (micromolaire), probablement via TPRV1(91,123,124). Plus généralement, le THC entraine un effet psychotonique alors que le CBD est responsable d’un effet sédatif. Le CBD peut ainsi réduire l’intensité des effets secondaires (ivresse, anxiété, maux de ventre) du THC (119).

Parallèlement, le CBD peut avoir une action thérapeutique synergique à celle du THC, antalgique et anti-inflammatoire notamment, par un effet d’entourage (inhibition compétitive de la FAAH majorant le taux d’endocannabinoïde) ou par les autres mécanismes évoqués précédemment. Un traitement à base de THC serait ainsi mieux toléré et plus efficace, s’il contient également du CBD, c’est une des raisons pour laquelle les chercheurs s’intéressent désormais au ratio THC/CBD (125). Ce ratio jouerait ainsi un rôle pour déterminer si l’effet global sera potentialisé ou atténué. On pourrait observer l’atténuation des effets induits par le THC par l’intermédiaire du CBD lorsque le ratio du CBD et du THC est d’au moins 8 : 1 (±11.1), tandis que le CBD semble potentialiser certains des effets associés au THC lorsque le ratio du CBD et du THC se situe à environ 2 (±1.4) (126,127).

4.3DUALITE DES RECEPTEURS CB ET DE LEURS AGONISTES PARTIELS

Certains travaux mettent en évidence que la stimulation des récepteurs CB1 aboutit à l’effet opposé de celle des récepteurs CB2 dans diverses pathologies comme par exemple l’athérosclérose (128–130) ou la fibrose hépatique (131–134). Dans ces 2 cas, la stimulation des récepteurs CB1 serait délétère et celle de CB2 protectrice, ce qui suggère le potentiel thérapeutique des agonistes sélectifs des récepteurs CB2, comme le THCV par exemple (135).. Ce dernier se comporte en effet in vivo comme un antagoniste des récepteurs CB1 (136,137) et comme un agoniste partiel des récepteurs CB2 (79) Par définition, l’effet des agonistes partiels des récepteurs CB varie selon leur concentration tissulaire, à l’origine d’un comportement bi phasique, mais aussi selon les besoins locaux (densité de récepteurs libres), ce qui explique en partie la différence d’effets observés entre les études in vivo et in vitro. Le

THC peut en effet à la fois activer mais aussi bloquer les récepteurs CB1 et CB2 in vivo, notamment en cas de baisse de la densité des récepteurs ou de l’efficacité de leur couplage avec les réactions en chaine sous-jacentes (79). Ces éléments suggèrent une action plus ciblée et plus efficace des agonistes partiels sur certains tissus pathologiques, ou l’on peut retrouver une plus forte expression des récepteurs CB que dans les tissus sains, comme dans les carcinomes hépatocellulaires (138) ou les cancers de la prostate (139), en sachant que cette régulation à la hausse des récepteurs CB dans les tissus pathologiques serait protectrice et pourrait prolonger la survie.

4.4CONCLUSION SUR LES PHYTOCANNABINOÏDES

Les bénéfices médicaux du cannabis sont encore trop souvent associés aux THC et à une balance bénéfice/risque défavorable. Le caractère non psychotrope d’un PCB ne préjuge pas pour autant de sa valeur médicale. Ces différents éléments laissent entrevoir toute la richesse et la complexité des phytocannabinoïdes en mettant de côté l’effet psychotrope. En effet, il semblerait que le potentiel thérapeutique du CBD, ou de ses dérivés de synthèse, puisse s’avérer supérieur à celui du THC (93,140) et que l’on ait globalement sous-estimé les propriétés des PCB acides et des autres cannabinoïdes du chanvre, comme le suggère le diagramme suivant, issu d’une méta-analyse publiée en 2009 (102).

Figure 6 : action pharmacologiques des PCB non psychotropes (avec le mécanisme d’action proposé selon l’indication)

5. BASES PHARMACOCINETIQUES DU THC ET DE SES METABOLITES

Seule la pharmacocinétique du THC a été bien étudiée, notamment dans le cadre de l’usage récréatif afin d’établir la durée de l’emprise cannabique. Les 2 métabolites principaux du THC sont le 11-OH THC, métabolite psychoactif dont les niveaux plasmatiques sont parallèles à la durée de l’action observable du cannabis (141) et le 11-nor-9-carboxy-tétrahydrocannabinol (THC-COOH), marqueur

de l’observance régulière d’un traitement par THC (99) Ce dernier se présente à nouveau sous une forme acide, comme le précurseur du THC, et possède des propriétés anti-inflammatoires (26). Le 11-OH THC, métabolite intermédiaire psychoactif, est oxydé rapidement en THC-CO11-OH, métabolite final non psychoactif qui s’accumule dans les liquides biologiques avant d’être éliminé.

5.1ABSORPTION ET DISTRIBUTION

Lorsque le cannabis est inhalé, la biodisponibilité moyenne du THC est de l’ordre de 25 % par combustion (142), plus élevée par vaporisation (143,144). Le pic de concentration plasmatique peut varier de 5 à 500 ng/ml selon la dose inhalée et les individus (médiane de 19 ng/ml ; moyenne de 43 ng/ml ∆9-THC) (145,146). Ce pic est atteint en environ 10 minutes après combustion, un peu plus rapidement par vaporisation (147). Après 30 mn, on ne retrouve plus que 20 % de la concentration plasmatique maximale (148), en rapport à une dégradation rapide et à une forte fixation tissulaire, notamment dans les adipocytes et le cœur (99). La concentration plasmatique maximale en 11 OH-THC, observée à 15 mn après inhalation, et en THC-COOH, observée 2 heures après inhalation, représente respectivement 10 % et 33 % de la molécule parent (141,149).

Figure 7 : concentrations en ∆9-THC (cercles ouverts) et effets physiques et psychiques «ressentis » par le sujet (carrés

pleins) en fonction du temps, après consommation d’un « joint » contenant 9 mg de ∆9-THC (150)

Le retard du pic des effets ressentis par rapport au pic plasmatique pourrait correspondre au temps nécessaire au THC pour franchir la barrière méningée (151). La persistance des effets psychotropes, observée durant environ 2 heures, peut être liée à plusieurs phénomènes : la durée de fixation sur les récepteurs CB, la dégradation en 11-hydroxy-tétrahydrocannabinol (11-OH THC), principal mé-tabolite psychoactif du THC, dont la liaison à l’albumine (152) augmente la pénétration cérébrale par rapport au THC lié à des lipoprotéines (facilitation du passage de la barrière méningée) et dans une moindre mesure la réabsorption entérale ou rénale.

Lorsque le THC est ingéré, sa biodisponibilité est de l’ordre de 10 % mettant en évidence une dégradation intense lors du premier passage hépatique (151,153). La quasi-totalité du THC est en effet hydroxylée au niveau de la muqueuse intestinale, principalement en 11 OH-THC (154), ce qui se traduit dans le compartiment sanguin par une concentration en 11-OH THC supérieure ou égale à celle du D9-THC, contrairement à ce qui est observé lorsque le cannabis est inhalé (155–157). Par rapport à l’inhalation, le pic de concentration plasmatique en THC est diminué et retardé (30 mn à 4 heures) alors que la durée d’action pharmacologique est prolongée dans le temps (99). Le pic de concentration plasmatique en THC peut varier de 1 à 8 ng/ml ∆9-THC (médiane et moyenne de 5 ng/ml ∆9-THC) (145,146). Ces valeurs sont relativement similaires concernant la diffusion oro-muqueuse, mais le pic est plus précoce (158,159).

5.2METABOLISME

Les PCB sont essentiellement métabolisés dans les microsomes hépatiques, où ils subissent une dégradation oxydative complexe, caractérisée par plusieurs étapes: oxydation allylique, époxydation, décarboxylation et conjugaison (151). La vitesse de dégradation du THC (et du 11-nor-9-carboxy ∆9-THC) peut varier selon le pool génétique individuel, notamment selon le polymorphisme des isozymes associées au cytochrome P450. Par exemple les sujets homozygotes pour la variante allélique CYP2C9*3 ont révélé des concentrations plasmatiques de ∆9-THC nettement plus élevées et une diminution considérable de la clairance, par rapport à l’homozygote du CYP2C9*1 ou à l’hétérozygote du*1/*3(160).

5.3ELIMINATION

L’élimination du THC et de ses métabolites s’effectue essentiellement par voie biliaire (60 %) mais aussi par voie rénale et sudorale (99). Cette élimination est multiphasique et l’on peut observer plusieurs pics plasmatiques liés au phénomène de réabsorption entérale ou rénale. Globalement, les concentrations plasmatiques de THC et du 11-OH THC diminuent rapidement alors que la concentration en THC-COOH augmente en parallèle dans un premier temps (161). Deux heures après inhalation de cannabis, les concentrations plasmatiques en THC deviennent inférieures à 5 ng/ml (157) alors que les niveaux de THC-COOH culminent. Dans un deuxième temps, le THC résiduel et ses métabolites, stockés dans les tissus, sont relargués dans le sang lentement (162), un peu plus rapidement en cas de lipolyse intense (jeûne ou stress intense) (163), sans pour autant atteindre des concentrations capables d’entrainer un effet psychotrope. Cela confère néanmoins au THC une demi-vie terminale très longue, d’au minimum 4 jours (99). Chez les consommateurs réguliers intensifs, le THC peut être retrouvé dans le plasma 13 jours après l’arrêt et le métabolite acide peut être encore présent dans les urines 27 jours après arrêt de la consommation probablement en raison de leur stockage excessif dans des réserves graisseuses du corps et de leur libération de celles-ci. (164,165)

6. ETUDES PRECLINIQUES ET POTENTIEL THERAPEUTIQUE DES PCB

Si le Tétrahydrocannabinol (THC) est étudié depuis sa découverte afin de mieux cerner les dommages engendrés par l’usage récréatif de cannabis, le cannabidiol (CBD) pourtant identifié à la même époque, ainsi que les autres cannabinoïdes, intéressent seulement les chercheurs depuis une décennie sur le plan thérapeutique. Aussi, à l’exception du THC et dans une moindre mesure du CBD, les PCB sont encore très peu étudiés sur le plan clinique et la plupart des données proviennent donc actuellement d’études in vitro et expérimentales chez l’animal. Toutefois, ces résultats laissent entrevoir de potentielles indications thérapeutiques examinées dans plusieurs revues (39, 76, 99, 111)telles que l’inflammation, la douleur, les réactions auto-immunes, les vomissements, l’anorexie, l’ostéoporose mais aussi l’obésité, la psychose, l’anxiété, l’épilepsie, les troubles du sommeil, l’ischémie cérébrale et myocardiaque, le diabète de type 1, la fibrose hépatique, les maladies neurodégénératives et le cancer.

Certaines des propriétés des PCB sont communes à l’ensemble des cannabinoïdes, à des degrés divers : c’est le cas notamment de leur pouvoir antioxydant et neuroprotecteur qui suscite des attentes légitimes dans le cadre des maladies neurodégénératives (166), au vu des premiers résultats expérimentaux, comme dans la maladie d’Alzheimer par exemple (167–169) (inhibition de l’acétylcholine estérase par le THC et régression des plaques béta-amyloïdes in vitro) ou dans la maladie de Parkinson (170). C’est également le cas de leur pouvoir antibiotique (CBD bactéricide sur des souches S.A.M.R.) ou antifongique (171–173), analgésique (39,54–57,98,102,174) ou anti-inflammatoire (84,175,176).

Contre toute attente, l’un des intérêts majeurs des cannabinoïdes pourrait résider dans leur potentiel anti-tumoral ciblé (177,178), clairement mis en évidence par une méta-analyse récente (179) qui passe 72 études au crible (annexe 1) et amène l’auteur à conclure: « en plus de leurs actions pro-apoptotique et antiproliférative déjà connues, les cannabinoïdes présentent également des propriétés anti-angiogéniques, antimigratives, antiadhésifs, anti- métastatiques.» L’action anti-cancéreuse des PCB serait médiée par plusieurs récepteurs (CB1, CB2, TRPV2)(180–183) mais aussi par d’autres mécanismes encore insuffisamment étudiés (184). Par ailleurs, l’expression de plusieurs oncogènes (TIMP-1,ID-1, JNK, AKT, MMP-2) semble être régulée par les PCB (179). Ces constatations suggèrent que les cannabinoïdes puissent être de puissants inhibiteurs de la croissance et de la diffusion de certains cancers. Comme ils sont généralement bien tolérés et ne développent pas les effets toxiques d'agents chimio thérapeutiques classiques (protection des cellules saines avoisinant la tumeur), des études précliniques et cliniques sont actuellement en cours pour enquêter sur le potentiel de ces substances comme agents thérapeutiques anticancéreux. Cela pourrait représenter un espoir dans de nombreux cancers : leucémies lymphoïdes(185), les gliomes et les gliobalastomes(178,183,186,187) ainsi que dans divers adénome et adénocarcinomes (poumon sein, foie, vésicule, colon, pancréas, utérus, prostate, testicule, peau) (49,180–182,184,188–190).

En réalité, le champ d’application des PCB et des dérivés de synthèse est en train de s’étendre considérablement : d’autres propriétés plus spécifiques à certains PCB sont actuellement étudiées comme par exemple le potentiel antiproductif du CBD qui agirait comme un neuroleptique atypique (191–193), le potentiel antiépileptique du CBD(194), du THCV(195) et du CBDV, (Cannabidivarine, étudiée par la société GW Pharmaceuticals), le potentiel anti-ischémique du CBD et du CBG (196,197) ou antidiabétique du CBD et du THCV(84,198).

7. ETUDES CLINIQUES ET INDICATIONS MEDICALES DU CANNABIS

Le cannabis est une matière hautement complexe ayant des centaines de constituants chimiques, alors que les cannabinoïdes sont des molécules isolées. L’établissement de comparaisons directes entre le cannabis et les cannabinoïdes devrait forcément tenir compte des différences éventuelles quant aux voies d’administration, à la posologie, ainsi qu’aux diverses propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques de ces différentes substances.

7.1LES INDICATIONS RECONNUES DU CANNABIS, DU THC ET DU CBD

Le niveau de connaissances dans les différents domaines d'utilisations médicales des cannabinoïdes est très hétérogène mais les études commencent néanmoins à s’accumuler. En 2012, plus d’une centaine d’essais cliniques contrôlés effectués dans le cadre de recherches par des institutions gouvernementales ou scientifiques (Comité des Sciences de la Chambre des Lords Britannique, Institut de Médecine des États-Unis par exemple) sont référencés sur le site de l’Internationale Arbeitsgemeinschaft Cannabis als Medizin, association ouverte exclusivement aux médecins et chercheurs. Ces études cliniques portent principalement sur le THC et dans une moindre mesure sur le CBD ou les PCB combinés, notamment dans les études récentes. Une méta-analyse exhaustive destinée aux professionnels de santé du Canada (80) fait notamment le point sur la question en passant au crible milles études (précliniques et cliniques) sur les exocannabinoides (PCB et analogue de synthèse du THC).

En résumé, il existe de fortes preuves de l’efficacité thérapeutique du cannabis et du THC, basées sur de nombreuses études cliniques randomisées en double aveugle, concernant les douleurs chroniques neuropathiques (199–202), avec effet d’épargne possible en opiacés (203,204), notamment dans la S.E.P. (205,206), l’infection V.I.H. (207), le cancer (208), la névralgie brachiale (209) ou les traumatismes médullaires (210,211). L’efficacité du cannabis est également reconnue dans la lutte

contre la spasticité (SEP, traumatisme médullaire) (212–214), les nausées et vomissements induits par le cancer ou la chimiothérapie, notamment les vomissements anticipatoires (215–218), le manque d’appétence (cachexie liée au cancerou à une infection VIH) (219–225). A noter que les effets psychotropes semblent moins gênants dans ces différentes pathologies chroniques car ils peuvent être considérés par certains patients comme bénéfiques sur le plan psychologique. Toutefois, il est nécessaire de relativiser ces résultats : à l’exception de quelques études récentes, la puissance de ces essais est souvent limitée par la taille de l’échantillon, la durée de l’étude et la reconnaissance des effets du cannabis par les usagers récréatifs (simple aveugle de facto), d’autant que les résultats sont souvent modestes, uniquement symptomatiques et comparables aux médicaments déjà disponibles. C’est pourquoi ces traitements sont actuellement généralement préconisés en dernier recours, en association à d’autres thérapeutiques (226).

7.2LES INDICATIONS PROBANTES DU CANNABIS ET DES CANNABINOÏDES

D’autres propriétés du cannabis sont suggérées par des études cliniques anciennes, comme la bronchodilatation (227–229) ou la réduction de la pression oculaire (230–232). Toutefois, celle-ci ne trouvent pas d’application pratique, que cela soit dans l’asthme, à cause de la combustion bronchotoxique (233) ou dans le glaucome à angle ouvert, à cause d’une durée d’action trop courte (3 à 4h), ainsi qu’en raison des effets psychotropes indésirables associées dans les 2 cas. En revanche, on observe une nette efficacité clinique du cannabis dans le syndrome de Gilles de la Tourette, déficience cognitive associée (231, 232), ce qui s’avère prometteur dans le cadre de cette pathologie orpheline.

Concernant les autres indications des cannabinoïdes décrites dans la littérature, il y a beaucoup moins d’études cliniques disponibles et celles-ci comportent les écueils énoncés précédemment. Parmi ces indications hypothétiques qui demanderaient à être tranchées par de vastes et robustes études cliniques, certaines semblent probantes comme les maladies chroniques inflammatoires (maladie inflammatoire chronique de l'intestin, polyarthrite rhumatoïde, fibromyalgie, dermatite) (75,236–240), les troubles du sommeil associée à la douleur chronique (résultats le plus souvent secondaire), (205,210,211,220,223,237) les troubles anxio-dépressifs associés à une pathologie chronique (225,241–243) (THC à dose modérée), la schizophrénie (124,244) (CBD uniquement et à haute dose), ou encore l’état de stress post traumatique (245).

7.3LES INDICATIONS CONTROVERSEES DU CANNABIS ET DES CANNABINOÏDES

Dans d’autres indications, une poignée d’essais cliniques présente des résultats beaucoup plus mitigés, témoignant d’une efficacité limitée ou paradoxale, potentiellement en lien aux effets secondaires et au caractère antagoniste des PCB et du système cannabinoïde : c’est le cas par exemple pour la dépendance/sevrage (alcool, opiacés), l’anorexie mentale, le syndrome du côlon irritable, les troubles neurologiques (épilepsie, migraine, syndrome des jambes sans repos, dystonies) ou encore dans certaines maladies neurodégénératives (maladie de Parkinson, chorée de Huntington, Alzheimer). Pour d’autres pathologies enfin, la recherche n’est actuellement qu’au stade préclinique, notamment dans les néoplasies (1 étude clinique), les troubles métaboliques (fibrose hépatique, pancréatite, syndrome métabolique/obésité, diabète), les troubles cardiovasculaires (athérosclérose, accident vasculaire cérébral, hypertension artérielle, ischémie), ou encore l’ostéoporose. En effet, les recherches sur les propriétés anti-tumorales potentiellement curatives des PCB, ou encore sur les agonistes sélectifs de CB2, comme le THCV, débutent seulement et pourrait peut-être à l’avenir soigner le cancer ou prévenir la fibrose hépatique ou l’athérosclérose vasculaire.