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Nous avons vu dans la première section que l’entreprise émettrice fait face à différents types d’asymétries d’information, l’obligeant à recourir aux services des intermédiaires financiers. Dès lors, la sélection d’une banque chef de file et celle d’un syndicat bancaire sont primordiales afin d’assurer le succès d’une opération d’introduction en Bourse. Véritable garde-fou à l’égard des marchés financiers et de leur complexité, la banque chef de file utilise son expertise et ses compétences afin de réaliser l’opération qui lui a été confiée par l’entreprise. Toutefois, une introduction en Bourse est une opération qui ne s’improvise pas. Il s’agit avant tout d’une épreuve dans laquelle la banque chef de file, disposant d’un champ d’action très large, doit respecter ses engagements vis-à-vis de l’émetteur. Dans ce contexte, nous présentons les différentes fonctions et responsabilités de la banque chef de file lors d’une introduction en Bourse. Nous verrons également si la responsabilité de la banque dans les mandats d’introduction en Bourse est uniforme à l’échelle internationale.

Par ailleurs, les entreprises qui décident de s’introduire en Bourse n’ont pas toutes la même connaissance des marchés financiers ni les mêmes relations avec leurs banquiers historiques. Pourtant, la majorité d’entre elles va s’attacher les services d’une banque d’investissement afin de mener à bien l’opération de cotation. Toutefois, le rôle attribué à cette dernière sera différent selon les exigences de l’émetteur. Si la majorité des banques chefs de file va organiser l’opération dans sa globalité, d’autres auront une action plutôt limitée. Nous verrons ainsi les différents rôles de la banque chef de file dans une introduction en Bourse, en insistant sur sa fonction de certification. En effet, les actionnaires ont tendance à survaloriser leur entreprise lorsque les conditions de marché sont favorables et la sélection d’une banque chef de file permet d’atténuer ces comportements déviants. Nous présentons également les différents critères sur lesquels une entreprise émettrice va se baser pour sélectionner la banque chef de file. Nous verrons si le seul critère relationnel est suffisant ou si le classement dans les league tables est tout aussi important. Nous abordons également la problématique de la sélection émetteur/banque chef de file afin de comprendre si le choix de ces intervenants est unilatéral ou mutuel.

La taille des capitaux levés par une entreprise émettrice constitue un facteur essentiel dans la constitution d’un syndicat bancaire. En effet, les entreprises de taille importante ont besoin de levées de fonds conséquentes, qui ne peuvent être supportées par une seule banque chef de file. Ainsi, la constitution d’un syndicat bancaire revêt une grande

importance tant pour l’émetteur que pour le chef de file. Si, pour le premier, un syndicat composé de plusieurs banques permet d’assurer le placement des titres, pour le second, la capacité de placement ainsi que le partage du risque nous semblent être des éléments déterminants. Dans ce contexte, nous présentons les différentes raisons et les facteurs déterminants dans la constitution d’un syndicat bancaire.

Enfin, nous nous focalisons sur le phénomène de réputation de la banque chef de file. Les recherches empiriques sur le sujet, majoritairement anglo-saxonnes, ont montré que la réputation de l’intermédiaire financier est un critère de sélection utilisé par l’émetteur lors de la composition de son syndicat bancaire. Ainsi, nous définissons cette notion de réputation et exposons les différentes mesures utilisées dans la littérature financière. Si les classements des banques publiés dans les revues financières internationales servent communément d’outils de mesure de la réputation pour les émetteurs, nous verrons qu’il existe des mesures plus évoluées. Enfin, nous présentons en dernière partie la littérature financière se rapportant à l’étude de la relation entre la réputation de la banque chef de file et les différentes anomalies des marchés boursiers. Nous verrons si la réputation du chef de file permet de réduire les phénomènes de sous-évaluation initiale et de sous-performance à long terme. Nous nous focalisons également sur la relation entre la réputation de la banque chef de file et le coût de l’opération, particulièrement la rémunération exigée par cette dernière.

1- Les fonctions et responsabilités de la banque chef de file

L’intermédiaire-introducteur ou banque chef de file est un acteur de taille dans la réussite d’une introduction en Bourse. Ses responsabilités sont fortement engagées lorsqu’il met son nom dans la notice d’information. Son rôle de certification de la valeur de l’entreprise et son rôle d’animation du titre après cotation constituent de véritables garde- fous à l’égard des investisseurs.

L’intermédiaire-introducteur joue un rôle prépondérant dans l’opération d’introduction en Bourse puisqu’il va mettre au service de la firme qui désire s’introduire en Bourse ses compétences en ingénierie financière et va être le coordinateur entre les différents conseils spécialisés, en l’occurrence les avocats, les commissaires aux comptes et l’agence de communication financière. Pour qu’un intermédiaire-introducteur prenne en charge la

préparation et la mise en œuvre de l’opération, il lui faut disposer d’un mandat général d’introduction.

Le mandat général d’introduction est la convention de base qui définit le rôle de chacun des intervenants lors d’une opération d’introduction en Bourse. L’entreprise émettrice va attribuer un mandat de droit commun au banquier introducteur, qui sera par la suite appelé à devenir chef de file du syndicat de placement ayant pour objet la préparation et la réalisation de l’introduction en Bourse. L’émetteur s’engage pour sa part à payer à cette banque une commission d’ingénierie financière et à demander aux autorités boursières l’admission sur le marché, conditionnée par le respect de la réglementation en vigueur.

La banque introductrice va fixer le calendrier de l’opération en fonction des conditions de marché, de l’agenda des autorités boursières et du temps nécessaire à la préparation de la société. Elle établira le prospectus d’information officiel et préparera la documentation financière en collaboration avec les sociétés de Bourse. Son rôle est avant tout un rôle de coordination entre les différents conseils de l’entreprise ; elle agit à la façon d’un « chef d’orchestre ».

La banque chef de file a un rôle de certification26. Aucun investisseur ne peut avoir confiance dans un prix d’offre fixé par l’entreprise émettrice elle-même. En effet, ses dirigeants ont tendance à vouloir en exagérer la valeur s’ils se concentrent sur le gain à court terme procuré par la vente de leurs titres. En revanche, la banque cherche à développer son activité et risque de perdre sa réputation27 si elle se trompe fréquemment sur le prix des titres qu’elle émet. Si elle sous-évalue, les entreprises ne la choisissent plus comme conseil, si elle surévalue, les investisseurs se détournent des émissions futures qu’elle conduit. Théoriquement, la réputation agit comme un mécanisme permettant de prévenir des déviations trop importantes.

En dehors de son activité de conseil, la banque peut assurer l’animation du titre après l’introduction en bourse. Cette activité tend à protéger les investisseurs et à rendre l’offre plus attractive. Elle peut être aussi critiquée dans le sens où certains l’assimilent à de la « manipulation des cours ». Le rôle des analystes est également ambigu puisqu’un certain nombre de recherches montrent qu’ils formulent en moyenne les prévisions les plus optimistes et les plus erronées sur les titres nouvellement introduits.

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La fonction de certification consiste pour la banque chef de file à certifier que le prix d’émission proposé correspond à la valeur réelle de l’entreprise désireuse de s’introduire en Bourse.

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1-1 Les responsabilités du banquier chef de file

Les intermédiaires financiers, à l’occasion de l’introduction de sociétés en Bourse, doivent respecter trois formalités dans le cadre de l’application des règles de bonne conduite édictées par l’Autorité des marchés financiers. En premier lieu, il s’agit de respecter l’obligation d’information précontractuelle : l’intermédiaire-introducteur doit s’assurer que les dirigeants de la société émettrice ont reçu, avant la signature du contrat, toute l’information nécessaire sur le déroulement de l’opération d’introduction en Bourse ainsi que sur les obligations légales et réglementaires et a un devoir d’information de ces dirigeants sur tout fait susceptible de perturber le niveau des cours. En second lieu, l’intermédiaire-introducteur se doit de respecter un délai de trois mois entre la date de signature du contrat et la date d’introduction en Bourse afin de permettre aux dirigeants de se préparer à la cotation de leur entreprise. Enfin, la forme du mandat d’émission relève également des responsabilités de la banque chef de file. En effet, cette dernière est obligée de rédiger une convention entre l’émetteur et l’intermédiaire financier définissant la nature et le coût des prestations proposées, à savoir la préparation de l’introduction, sa réalisation et le suivi du titre une fois la société introduite. Cette convention doit aussi préciser les tâches incombant à l’émetteur.

La banque chef de file va orienter la firme émettrice dans le choix du marché de cotation et dans celui de la procédure d’introduction en Bourse mais également dans la détermination du prix de l’offre. Le choix du marché de cotation va dépendre des caractéristiques des entreprises émettrices et des options de cotation choisies par l’émetteur et sa banque chef de file, à savoir un placement national ou international et l’émission d’une ou plusieurs tranches. En parallèle, la banque chef de file va orienter l’émetteur dans le choix de la procédure d’introduction en Bourse28. Ceci va permettre d’assurer la diffusion des titres dans le public et d’aboutir à la première cotation.

Enfin, la banque chef de file va déterminer le prix d’offre. Ainsi cette dernière, pour évaluer l’émetteur, doit exercer ses activités avec diligence29, loyauté, équité, dans le respect de la primauté des intérêts des clients et de l’intégrité du marché. La réussite de l’opération d’introduction en Bourse et le parcours boursier de l’émetteur sont liés à la

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Les procédures d’introduction en Bourse des trois principaux marchés boursiers européens (France, Allemagne et Grande-Bretagne) sont présentées en annexes 1.1, 1.2, 1.3.

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La diffusion de l'information est un paramètre essentiel et nécessaire à la bonne réussite d’une opération d’émission. Ainsi, afin d'atteindre cet objectif, une série d'entretiens préalables entre les dirigeants de l'entreprise, la banque et les avocats en charge de l'opération est organisée, afin de vérifier la cohérence de ces informations. Cette série d'entretiens constitue ce que l'on appelle en franglais la due diligence.

qualité des travaux d’analyse financière diligentés par la banque ainsi qu’à la compétence de son personnel. La plupart des investisseurs jugent l’efficacité de la banque d’investissement à travers la qualité de ses analystes et de leur niveau de spécialisation sur les différents secteurs d’activité.

Suite à ces démarches, la nature du mandat général d’introduction, véritable contrat de représentation, va permettre à la banque chef de file de présenter le dossier aux autorités de marché pour le compte de son client. Ce dossier d’instruction, appelé communément prospectus30, comporte toutes les informations nécessaires aux investisseurs mais aussi aux autorités de marché, à savoir le patrimoine de l’entreprise, sa situation financière, ses résultats et ses perspectives d’activité. Les projets de prospectus sont différents d’un pays à un autre, compte tenu des formalités et des délais imposés par les autorités de marché de ces pays.

La responsabilité de la banque chef de file est souvent engagée puisque le prospectus est toujours signé par cette dernière. La banque, après avoir donné une présentation des diligences, fournit une attestation de sincérité. Cette attestation est également remise par l’entreprise émettrice, ses dirigeants, les commissaires aux comptes et les cabinets d’avocat, particulièrement dans les pays anglo-saxons. Mais au final, la banque chef de file se retrouve souvent en première ligne.

La qualité de l'information diffusée sur un marché financier, notamment lors des opérations financières, est importante pour son bon fonctionnement. L’évolution des marchés financiers marquée par la multiplication, au côté de l’émetteur, de différents acteurs et la recrudescence des scandales financiers obligent les autorités de régulation à se poser des questions sur le rôle et les responsabilités de ces acteurs. L’Autorité des marchés financiers, avec la concertation des professionnels de la place, a mené une réflexion sur ce sujet qui a abouti, entre autres, à l’affirmation dans la réglementation française d’un principe de responsabilité des prestataires de services d’investissement participant à une opération financière.

Au niveau international, la responsabilité du banquier chef de file dans les mandats d’introduction en Bourse est-elle uniforme ?

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Lors d'un placement de titres, l’entreprise émettrice et les banques en charge du placement doivent diffuser une documentation écrite officielle qui prend la forme d'un prospectus donnant la description de l’entreprise (document de référence ou document de base) et une note d’opération (cf. modèle de première page de prospectus en annexe 1.4).

En Europe, la directive n° 2001/34 prévoit la responsabilité de l’émetteur sur l’intégralité du prospectus et celle des commissaires aux comptes sur la revue des comptes annuels. La directive ne mentionne pas, en revanche, les intermédiaires financiers parmi les personnes directement responsables ou signataires d’un prospectus. Pourtant, de nombreux Etats européens ont opté pour des systèmes plus complexes de responsabilité.

Aux Pays-Bas, si l’émetteur est responsable de l’ensemble du prospectus, un intermédiaire financier appelé listing agent certifie le caractère complet et exact du contenu du prospectus. Il doit accomplir un certain nombre de diligences, dont les standards sont déterminés par Euronext Amsterdam. Les intermédiaires financiers sont responsables pour toutes les opérations d’introduction en Bourse ainsi que pour les opérations ultérieures auxquelles ils participent. En outre, la banque chef de file doit, pendant une période de trois ans à compter de l’introduction en Bourse, assister l’émetteur en matière d’information du marché, notamment par l’établissement du prospectus.

En Grande-Bretagne, les émetteurs ont l’obligation de recourir à un intermédiaire appelé sponsor (prestataire de services d’investissement ou conseiller financier) et les émetteurs publics à un listing agent. Le sponsor comme le listing agent engagent leur responsabilité vis-à-vis de la Financial Services Authority (FSA) et non du public. Ils doivent s’assurer que l’émetteur satisfait à toutes les règles relatives à la cotation, que le prospectus est complet et exact et que toutes les informations utiles pour la FSA sont bien incluses dans le prospectus ou ont été mises à sa disposition par écrit. La responsabilité de l’intermédiaire financier, que ce soit le sponsor ou le listing agent, porte sur le contenu de l’ensemble du prospectus, y compris sur les domaines pour lesquels l’intermédiaire financier n’a pas de moyen direct de vérification. Si le sponsor ne satisfait pas à ces obligations, la FSA peut prendre des sanctions, à savoir un blâme ou une révocation de la liste des sponsors agréés par la FSA, qui, si elles sont prises, peuvent être publiées.

Dans d’autres pays comme le Portugal, la Finlande et l’Allemagne, les intermédiaires financiers sont responsables de l’ensemble de l’information contenue dans le prospectus, même si les autorités de régulation n’ont pas mis en place de standards de diligence et qu’il s’agit parfois d’engagements pris à l’égard de l’entreprise de marché et non du régulateur.

Aux Etats-Unis, la Securities Act responsabilise fortement les underwriters en cas d’inexactitude ou d’omission d’une information significative. Une action en justice peut être intentée sur cette base par tout investisseur et dirigée contre l’émetteur, les auditeurs et tous les autres experts mentionnés dans le prospectus, dont l’intermédiaire financier. Le moyen de défense utilisé par les acteurs responsables, à l’exception de l’émetteur, consiste

à démontrer qu’ils ont procédé à des investigations raisonnables ne leur permettant pas de penser que le prospectus contenait une omission ou une inexactitude significative. Le concept de due diligence est né à partir de ce constat, et désigne l’ensemble du processus qui permet à l’intermédiaire financier d’aboutir à un niveau de « confort » suffisamment élevé pour décider de donner suite à une opération qui engagerait sa crédibilité et sa réputation.

En France, les autorités de régulation se sont inspirées du contenu et du fondement des réglementations étrangères en la matière, en particulier britanniques et américaines, sans pour autant insister sur une présomption de responsabilité de nature législative, ou encore sur un système de suivi obligeant l’intermédiaire financier à suivre l’émetteur pendant trois ans à compter de son introduction en Bourse.

Du fait d’une nouvelle réforme entrée en vigueur en 2002 après une vaste réflexion avec les professionnels de la place, tout prestataire de services d’investissement participant à une opération financière portant sur des titres de capital doit effectuer des diligences qui se traduiront par la remise à la commission, avant la délivrance du visa, d’une attestation. Celle-ci est généralement délivrée par la banque chef de file dans le cadre d’un placement par un syndicat bancaire.

Ainsi, si le régulateur a repris de la pratique anglo-saxonne le principe de l’exercice de diligences d’un niveau élevé par les intermédiaires financiers, il leur permet toutefois de bénéficier d’une présomption d’accomplissement de ces diligences dès lors que leur attestation renvoie au code professionnel de la Fédération bancaire française (FBF) et de l’Association française des entreprises d’investissement (AFEI). En termes de méthode, la collecte d’informations et la revue de documents par le chef de file doivent lui permettre de procéder à un examen de cohérence de toutes ces informations, aussi bien entre elles que par rapport à celles qui auraient été rendues publiques par l’émetteur ou un tiers.

Ces diligences doivent conduire la banque chef de file à s’assurer que tous les éléments d’information requis par la réglementation sont correctement reflétés dans la notice d’information. Les diligences couvrent également les prévisions qui peuvent figurer dans cette notice. Le code professionnel précise que les banques chefs de file ne portent pas de jugement sur la probabilité de réalisation des prévisions fournies par l’émetteur.

Les diligences et le contenu de l’attestation varient également en fonction de la situation : lors d’une introduction en Bourse, le chef de file doit fournir une attestation portant sur l’intégralité du prospectus ; à l’issue des trois ans à compter de l’introduction en Bourse, l’attestation porte uniquement sur les modalités de l’offre.

Enfin, la banque verra sa responsabilité engagée si elle ne s’est pas assurée de la situation financière de l’entreprise émettrice. Afin de se couvrir contre ce risque, elle exige de l’émetteur et des actionnaires qu’ils prennent l’engagement de garantir le contenu des informations données au public. Ainsi, l’entreprise émettrice s’engage à certifier que l’information contenue dans les états financiers et remise à la banque chef de file est sincère et reflète fidèlement l’image de la société ; à communiquer tout élément pouvant avoir un effet défavorable sur sa situation juridique et économique, sur son activité et ses résultats ou sur ses perspectives financières ; à indemniser intégralement les banques et sociétés de Bourse en charge du placement en cas de préjudice.

Après avoir présenté les fonctions et les responsabilités de l’intermédiaire financier lors du mandat général d’introduction, il est nécessaire d’examiner son rôle lors des contrats de

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