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La balance commerciale française : qu’en est-il de la compétitivité française et de sa

1.2 La compétitivité des nations

1.2.2 La balance commerciale française : qu’en est-il de la compétitivité française et de sa

Cette sous-partie est la synthèse de plusieurs articles :

C. Emlinger, S. Jean, et V. Vicard, L’étonnante atonie des exportations françaises, 2019 Rapport du CAE, A la recherche des parts de marché perdues, 2015 Diverses notes DG-Trésor 2017-2019

1.2.2.1 La balance des courants française Pré-Covid

• Le solde courant de la France, qui synthétise l’ensemble des flux monétaires courants avec l’étranger et traduit la capacité ou le besoin de financement du pays, se situe à un niveau proche de l’équilibre (-0,8 % du PIB) en 2019

Le solde de la balance courante (échanges de biens, de services, de revenus et de transferts courants avec le reste du monde) de la France s’est dégradé continûment et significativement entre 1999 et 2011, passant de 3,4 % à - 1,0 % du PIB (75 milliards pour la balance des biens), pour se redresser légèrement depuis, sans tendance régulière, avec un déficit moyen de 0,7 % du PIB au cours des années 2015 à 2017. L’excédent courant allemand, a augmenté au cours de la même période, pour atteindre 8,1 % du PIB en 2017. C’est avant tout avec l’Allemagne et la Chine que la France a un déficit extérieur.

En ce qui concerne les échanges de biens et services, les parts de marché de la France dans le reste du monde ont reculé entre 1995 et 2015 (surtout pendant la première décennie) passant de 5,2 % à 3,5 % alors que celles de l’Allemagne et de l’Espagne sont stabilisées respectivement à 8 % et 2 %. Dans le même temps, les exportations françaises rapportées au PIB ont stagné de 29 % en 2000 à 31 % en 2019, alors qu’elles progressaient nettement dans les autres grands pays européens.

Le solde courant français est néanmoins soutenu par un important excédent du solde des revenus primaires (51md en 2019). Celui-ci est notamment tiré par le solde des revenus d’investissements directs à l’étranger (IDE), qui a fortement augmenté depuis le milieu des années 2000, apportant ainsi des revenus d’IDE élevés (3,3 % du PIB), un niveau supérieur à la plupart des pays développés.

Post-Covid

La crise du COVID-19 a eu un impact très négatif : le déficit courant atteint près de 47 milliards d’euros, soit un peu plus de 2 % du PIB. En 2020, la crise a eu un moindre effet sur la balance commerciale des biens qu’en 2011 : le déficit étant de -65 milliards. Cependant, la pénurie de touristes, et l’infléchissement des secteurs français de pointe en termes d’exportations, n’a pu que compenser très faiblement les difficultés à l’export.

En 2021, ce déficit s’est résorbé partiellement du fait de la reprise des activités touristiques. En juillet 2021, le déficit courant représente 3,5 milliards et devrait continuer de se stabiliser avec la reprise.

1.2.2.2 Des parts de marchés perdus

Le poids de la France dans le commerce mondial de biens est ainsi passé de 5,8 % en 1990 à 3,5 % en 2017 avant de stabiliser, notamment en raison de l’accroissement du poids des économies émergentes. Ainsi, la

part de marché de la Chine pour les biens est ainsi passée de 1 % en 1980 à 13 % en 2017. Au total, entre 1995 et 2013, la part de marché de la France a reculé de 42 % pour les biens et services, alors que la baisse n’a été que de 10 % tout au plus pour l’Allemagne sur la période. La France a été exposée à un concurrence accrue, particulièrement marquée dans le secteur automobile (qui représente 16 % des exportations intra Union européenne de la France).

Le marché européen est le principal débouché des exportations françaises, et cette zone connaît une forte croissance commerciale, bien que moindre que l’Asie. La France n’a pris qu’une part modérée à ce dynamisme : ses exportations en Europe n’ont cru que de 26 % en valeur, et sa part de marché a reculé de 12 % en 2000 à 9 % en 2018.

1.2.2.3 Expliquer les pertes de parts de marché

Le rapport du CAE (A la recherche des parts de marché perdues,2015) souligne que ni le taux de change de l’euro, le positionnement géographique de la France, la positionnement sectoriel, la politique fiscale et de logement ne sont des facteurs suffisants pour expliquer le manque de compétitivité française, même s’ils peuvent jouer sur les prix des entreprises. Les pertes de parts de marché sont dues à l’insuffisance de la « compétitivité pure ». Enfin, le faible nombre d’entreprises exportatrices françaises reflète surtout la structure du tissu productif, avec un faible nombre d’entreprises de taille intermédiaire par rapport à l’Allemagne, plutôt qu’un problème réel. En revanche, la DG Trésor (2019) note le moindre dynamisme des marchés internationaux sur lesquels la France est insérée, ce qui peut expliquer les plus grandes pertes de marché.

La valeur des biens et services produits par les entreprises peut être décomposée en : les coûts de production (coûts salariaux et coût des consommations intermédiaires), les différentes taxes sur la production, nettes des subventions et la marge du producteur.

*Les coûts de productionù

Les pertes de parts de marché de la France au sein de l’UE s’expliquent en partie par une détérioration de sa compétitivité coût dans les années 2000. Entre 2000 et 2008, l’évolution des coûts salariaux unitaires a été de 3 points supérieurs en France par rapport à la zone euro dans son ensemble de 18 points supérieurs à celle de l’Allemagne.

La France a réalisé ces dernières années des gains significatifs de compétitivité grâce aux mesures de réduction du coût du travail (CICE, Pacte de responsabilité et de solidarité) : entre fin 2013 et fin 2018, la compétitivité-coût de la France s’est ainsi améliorée de 5 % par rapport aux autres de pays de l’OCDE et de 2 % par rapport aux autres pays de la zone euro. La France a ainsi résorbé en grande partie l’écart de coût du travail industriel avec l’Allemagne, sans pour autant effacer la différence avec le coût des services. La différence de coûts dans les services s’explique par une plus faible concurrence dans les activités juridiques et comptables, en raison des nombreuses barrières à l’entrée en France. L’Allemagne a réussi, en dérégulant le secteur à partir des années 2000, a compressé les marges de ce secteur de 4 points entre 2000 et 2007. Par ailleurs, malgré la réduction du coût du travail dans l’industrie, l’Allemagne n’a pas convergé vers des coûts similaires à la France, en dépit d’un plus grand dynamisme salarial. Cette absence de convergence des prix relatifs peut expliquer en partie l’absence de regain de dynamisme. En pratique, le coût des consommations intermédiaires représente 3/4 de la valeur de la production de l’industrie manufacturière, de fait, il importe bien plus dans la production que le coût unitaire du travail. Le coût unitaire des consommations intermédiaires (CUCI) s’est accru de 2,8 % par an en moyenne entre 2000 et 2007 en France, contre 0,9 % en Allemagne. Cette dynamique provenait d’une DIPP allemande profitant des faibles coûts des pays de l’Europe de l’Est. Cet écart tend à se résorber néanmoins depuis 2010 (DG Trésor, 2020).

Les taxes

La France se singularise également par des impôts de production élevés par rapport à ses principaux parte-naires (Cotisation sociale de solidarité sur les sociétés – C3S) . La partie acquittée par les entreprises représente 5,7 % de la valeur ajoutée contre 0,6 % en Allemagne, 2,7 % au Royaume-Uni, et 3,2 % en Italie. . Cette taxe dés-incite la production sur le territoire français, ce qui conduit les entreprises à utiliser

des intrants importés non taxés, à délocaliser ou encore à s’intégrer verticalement au détriment de la pro-ductivité permise par une diminution du niveau de la taxe.

Les marges

En France, les entreprises ont pu regagner des marges (+4,2 pts de pourcentage de valeur ajoutée entre 2010 et 2015 contre –2,4 pts de point de pourcentage entre 2000 et 2007).

Les investissements directs à l’étranger

Les entreprises françaises ont multiplié les sites de production à l’étranger (délocalisations). À l’inverse, les entreprises allemandes ont essayé d’optimiser la chaîne de production en délocalisant à l’étranger des activités à faible VA et orienter sa compétitivité et son orientation vers l’export. Les entreprises allemandes ont ainsi réussi à se maintenir sur leur territoire les activités de chaîne forte valeur ajoutée dans des domaines où l’expertise allemande est forte.

Les plus forts IDE français conduisent à réduire mécaniquement le taux d’exportation. Mais, précisément, elles engendrent des revenus d’investissement nets importants, qui atteignaient 43 milliards d’euros en 2017, soit 1,9% du PIB français (contre respectivement 1,5 % du PIB en Allemagne et autour de 0,5 % en Espagne et en Italie). Ces revenus compensent partiellement le déficit des échanges de biens et services, permettant à la balance courante de la France d’approcher l’équilibre.

1.2.2.4 La spécialisation française

Pour S. Guillou et L. Nesta (2014), la France a un problème de spécialisation fine : la France est bien posi-tionnée sur certains biens de haute technologie (comme l’aéronautique), mais reste encore peu compétitivité sur les biens de moyenne technologie.

1.2.2.5 La question de la compétitivité hors-prix

Le rapport du CAE (2015) met en évidence le manque compétitivité hors-prix français. Les trois secteurs français les plus compétitifs sur la dimension hors prix sont l’aéronautique, la maroquinerie et le vin. En Allemagne, ce sont les pièces détachées automobile, les métaux non-ferreux et les produits plastiques. Ces trois premiers secteurs représentent 15 % des exportations allemandes, contre seulement 7 % des exportations françaises. Par ailleurs, l’Allemagne est n° 1 de l’OCDE sur ces trois secteurs, tandis que la France est n° 2 sur la maroquinerie et n° 3 sur le vin. Lorsqu’on descend dans la liste, l’Allemagne reste n° 1 pour ses dix premiers secteurs, tandis que la France descend au 8e rang de l’OCDE pour son dixième secteur (produits plastiques). L’Allemagne se situe donc clairement devant la France en termes de compétitivité hors prix.

1.2.2.6 Une interdépendance entre compétitivité-prix et hors prix

D’après le Rapport Gallois (Pacte pour la compétitivité de l’industrie française, 2012), la hausse de la con-currence internationale a obligé les entreprises à réduire leurs marges pour baisser les prix sans affecter les salaires, mais la baisse des marges réduit les investissements et la possible transition vers une compétitivité hors prix, et faire subir dès lors une concurrence accrue par les prix aux entreprises. Si ce cercle vicieux a joué, il faut aussi prendre en compte la répartition de la valeur ajoutée dans les entreprises, où les dividendes des actionnaires ont fortement augmenté.

La création du CICE a joué positivement sur les marges, et contribué à la réduction du coût du travail, bien que l’impact ait été modéré sur le coût des consommations intermédiaires (cf. au-dessus).

1.2.2.7 Le cas de l’industrie automobile

K. Head , P. Martin et T. Mayer,Les défis du secteur automobile : compétitivité, tensions commerciales et relocalisation, 2020

La perte de compétitivité de l’industrie automobile française est avant tout liée à un manque de productivité et de compétitivité des coûts de production des entreprises automobiles produisant en France. Ce ne sont pas tant les coûts du travail, que les coûts des consommations intermédiaires et des impôts sur la production qui pèsent sur les entreprises françaises.

Les relocalisations d’activité, dans l’industrie automobile, peuvent être une stratégie pertinente si elles sont le fruit d’une stratégie de réduction des coûts sur le territoire national (CUCI, fiscalité) ou bien une aug-mentation importante de la productivité. Les auteurs soulignent des études sur l’impact de la robotisation : A. Krenz et al. (2021) estiment qu’une augmentation d’un robot pour 1 000 travailleurs est associée à une augmentation de 2,5 à 3,5 % de l’activité de relocalisation (c’est-à-dire qu’on relocalise plus les activités, mesurées par un indicateur construit par les auteurs) dans un secteur.

Pour les auteurs, la relocalisation doit également s’accompagner de la création de clusters pour favoriser les économies d’échelle externe.

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