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LA DEMARCHE METHODOLOGIQUE DE L’ETUDE

II.4. B) L’analyse des entretiens et interprétation.

Les discours recueillis au cours des différents entretiens (annexe IX et X) montrent que les représentations du métier participent au choix professionnel des stagiaires. En croisant les propos, ceux qui sont venus au métier pour la mission qu’ils allaient investir ou pour le contact avec les enfants sont dans une continuité, ils confirment un choix fait antérieurement pour un métier dans le domaine de l’éducation, de l’enseignement ou de l’encadrement. Ils passent ainsi d’une situation précaire à une situation stable.

« Je l’ai préparé donc une année avant, donc ça m’est venu quand j’ai commencé à travailler chez un bailleur social, je voyais qu’il n’y avait pas d’opportunité d’évoluer dans ce domaine. J’avais fait des démarches auprès d’autres agences immobilières et ce n’était vraiment pas évident de trouver quelque chose qui correspondait à ce que j’avais fait, ……en Guadeloupe, donc je me suis tournée vers l’enseignement et …. Voilà ».

30 Imprégnés par ce secteur professionnel dans leur environnement proche, ils se sont préparés à cette formation.

« Il y a beaucoup d’enseignants dans ma famille, ma sœur est professeur des écoles et j’ai entendu parler de la réforme depuis quand elle était à l’IUFM. Je ne savais pas vraiment ce qui m’attendait, si on allait être sur le terrain tout de suite, ou si on aurait eu une formation. Alors j’ai récupéré tous ces cours…et heureusement, car je les utilise.»

Quatre des cinq stagiaires interrogés ont bien choisi les métiers de l’enseignement par le fait qu’ils possèdent un MASTER, la plupart se sont destinés au premier degré par défaut en attendant de réussir au CAPES interne. Ils entendent être formés en pédagogie, acquérir de la méthodologie, développer des facultés d’adaptation, et d’analyse pour progresser.

« Je ne peux pas dire que la formation soit satisfaisante car elle ne répond que rarement à ma pratique quotidienne. Quand je suis en responsabilité, je passe des heures et des heures à préparer mes séquences et mes séances, à revoir ce que j'ai prévu. Je me rends bien compte que cela ne va pas mais ne je ne sais pas comment améliorer, je fais et évidemment c'est une catastrophe. Je me sens mal à l'aise je n’ai pas le recul nécessaire pour retravailler mes séances. C’est vraiment très inconfortable car tout le monde attend beaucoup de nous et vite et on n’est pas formé pour cela.» (entretien NPS)

En espérant que ce sera plus facile ensuite, pour exercer dans le second degré. Leur besoin en formation se résumera à une consolidation des savoirs disciplinaires et une appropriation de savoirs didactiques.

Pour l’instant les compétences qui leur semblent les plus urgentes à développer sont celles qui mettent en jeu leur autorité et celles qui aident à l’ajustement des contenus à transmettre et des démarches d’enseignement. Pour l’heure, le statut de NPS n’a de sens que pour leur tuteur référent et pour eux-mêmes. Les stagiaires interrogés constatent que durant les périodes de stage en responsabilité, on leur impose exactement les mêmes tâches, les mêmes responsabilités qu’un enseignant confirmé de l’équipe d’école, mais ils n’ont pas les mêmes libertés.

Le travail de préparation reste colossal et coûteux en temps. Ce sont les maîtres d’accueil temporaire puis les maîtres formateurs qui sont perçus comme des personnes ressources susceptibles de fournir une aide pour enseigner. Présents dans la classe en pratique accompagnée, tuteur référent et formé s’inscrivent dans un système d’échanges même si les horizons d’attentes ne sont pas les mêmes ; la relation formateur-formé génère chez le tuteur des attentes liées :

- à l’adaptation du formé au fonctionnement de sa classe - à une relation affective nouvelle

- à une avancée professionnelle par l’obtention d’un diplôme - à une reconnaissance au travail

- à une commande institutionnelle

Chacun pouvant influencer la posture du tuteur.

Les stagiaires ont avant tout une attente sociale : la titularisation, qui passe par des exigences de qualité dans l’accompagnement.

Inciter les enseignants stagiaires à se prononcer sur la valeur de la formation c’est donc identifier ce qu’elle leur apporte du point de vue de la construction de compétences professionnelles. Ne faudrait-il pas distinguer un référentiel de fin de formation du référentiel du métier ?

Faire cours et faire apprendre, conduire une classe et individualiser son enseignement, exiger des efforts et donner confiance, susciter l’intérêt, évaluer les aptitudes et percevoir les

31 talents, ces différentes facettes quotidiennes du métier d’enseignant nécessitent une formation approfondie.

Tout dans le métier de professeur, le savoir dispensé, la méthode choisie, l’attention aux élèves, résulte d’un apprentissage rigoureux et progressif.

« Le CPD est venu me voir au cours du 2ème stage en responsabilité, pour me donner une longue série d’objectifs théoriques dans le but de faire de moi le parfait professeur des écoles. Il n’en fallait pas plus pour m’enfoncer et me faire sentir que j’étais incapable. Je ne comprends pas bien leur rôle : Viennent-ils aider ou juger les stagiaires? Transmettre le métier ou les faire réfléchir sur le métier? Aider à enseigner ou aider à apprendre à enseigner ? » (entretien NPS)

Les stagiaires interrogés considèrent les CPD comme des censeurs, qui leur renvoient des images plutôt négatives avec une exigence de résultats dans des délais très courts. « Je voudrais pouvoir répondre à leurs exigences parce que nous sommes face à des élèves, mais je suis encore loin du compte » dit Gaëlle. Un débutant est entre deux identités, il abandonne sa peau d’étudiant en instance d’examen pour se couler dans celle d’un professionnel responsable de ses décisions. Le stress, l’angoisse, diverses peurs, voire des moments de panique prennent une forte importance, qui décroîtra avec l’expérience et la confiance.

Il faut au débutant beaucoup d’énergie, de temps et de concentration pour résoudre des problèmes que le praticien expérimenté règle de façon routinière. Sa gestion du temps (de préparation, de révision, de correction, de travail en classe) n’est pas très sûre, il est donc souvent en déséquilibre, donc fatigué, tendu. Il est en état de surcharge cognitive, accaparé par un trop grand nombre de problèmes. Il « zappe » et connaît dans un premier temps l’angoisse de la dispersion, plutôt que l’ivresse du praticien qui « jongle » avec le maximum de balles (annexe XI). Il se sent généralement assez seul, coupé de ses camarades de promotion.

Il est « entre deux chaises », hésitant entre les modèles reçus durant les temps de regroupement et les recettes plus pragmatiques qui ont cours dans le milieu professionnel. Dans les entretiens d’explicitation (annexe X), quoique difficiles à mener, les stagiaires remettent en cause l’accompagnement. Telle une loterie, ils seraient tombés sur le mauvais tuteur ou le mauvais CPD qui dès leurs premiers essais leur présente un rapport « cassant ».

Malgré leurs efforts, ils ont eu l’impression de ne jamais parvenir à répondre favorablement aux attentes du formateur – accompagnateur : manque de culture générale, manque de réflexion, manque de présence, manque d’autorité, absence de pédagogie différenciée, , supports inadaptés, consignes imprécises…..suffisamment de remarques ayant pour seul effet de diminuer leur motivation. « Je ne suis pas née professeur des écoles. Après une année de PE1, l’obtention du MASTER et la réussite au concours j’espérais apprendre » dit Gaëlle.

On peut penser qu’exercer le métier d’enseignant repose autant sur des qualités personnelles que sur la maîtrise de gestes professionnels. Or ces qualités personnelles, au regard des entretiens d’explicitation, les stagiaires prétendent les avoir déjà. On dit bien que la formation doit « permettre aux stagiaires d’opérer quatre grandes mutations ». Certes, ils accèdent au statut de fonctionnaire du service public d’éducation et prennent en charge la dimension éducative du métier.

Par contre elle ne fait pas d’eux des spécialistes des apprentissages scolaires et ne leur apprend pas à connaître et à comprendre la diversité des contextes et des réalités scolaires. La formation devrait favoriser la réflexion des stagiaires sur ce qu’est l’enseignement, sur les attitudes intellectuelles et mentales qui seront nécessaires, mais encore faudrait-il le leur préciser clairement car, ils entendent par « professionnelle » : l’appropriation de gestes et l’accumulation de recettes.

32 On s’aperçoit dans ces deux témoignages, que ces NPS ne se sont pas appropriés les apports des différents acteurs et même s’ils les ont enregistrés inconsciemment pour l’utiliser le moment venu, il n’est pas sûr qu’ils reconnaissent l’apport de leurs formateurs. Ils pensent que la formation devrait leur permettre d’acquérir activement des savoirs disciplinaires, d’expériences, curriculaires et professionnelles. Tout ceci, à travers des modalités efficientes, des échanges de réflexion ou des situations de communications systématiques et vraies pour éviter les malentendus par rapport aux objectifs des différents aspects de la formation. « La formation était censée faire de nous des enseignants réflexifs, mais le terrain nous fait réfléchir d’une toute autre manière » dit Charles -Henry. Certes ils ont appris les programmes, la rigueur, ils ont appris à faire des fiches, des programmations, à gérer le temps mais ils ont surtout compris l’utilité de la débrouillardise et de l’auto formation.