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Une autre défaillance, spécifique aux capteurs MEMS capacitifs, correspond aux dégâts engendrés par le contact entre les différentes électrodes en vis-à-vis. Ce phénomène, appelé « pull-in », peut se produire dans deux cas de figure différents :

- un cas de figure appelé « pull-in statique », correspondant à l’application d’une tension de polarisation trop forte entre les deux électrodes.

- un cas de figure appelé « pull-in dynamique » qui correspond à l’attraction irréversible de l’élément mobile vers l’électrode qui lui fait face à grande amplitude d’oscillation. Lorsque l’élément mobile est un résonateur, on parlera de « pull-in résonant ».

Les phénomènes de pull-in statique et dynamique ont été largement étudiés dans la littérature [1] [43]. La présentation de ces deux cas de figure fait l’objet des prochains paragraphes. Dans certains cas extrêmes, le contact entre les électrodes peut engendrer la destruction de la partie mobile. On parle alors parfois de « snap-in ».

III.B.d.i. Pull-in statique

La force électrostatique exercée entre deux électrodes soumises à une différence de potentiel est toujours attractive. Au-delà d’une tension limite, cette attraction devient trop forte pour que la raideur de l’élément mobile suffise à l’empêcher de s’écraser sur l’électrode qui lui fait face. Des considérations énergétiques permettent de déterminer cette tension limite (ainsi que la position correspondante du résonateur). Par exemple pour un résonateur plan soumis à une tension de polarisation 𝑉𝑏, l’énergie totale du système {ressort + capacité + source de tension} s’écrit :

𝔼𝑡𝑜𝑡 =𝑘𝐺2𝑥2

2

𝜖𝑆𝑉𝑏2

2𝐺(1 − 𝑥) . (111)

Une position 𝑥𝑠 peut alors être stable si et seulement si :

{ 𝑑𝔼𝑡𝑜𝑡 𝑑𝑥 (𝑥𝑠) = 0 𝑑2𝔼𝑡𝑜𝑡 𝑑𝑥2 (𝑥𝑠) > 0 (112) ce qui donne : { 𝑘𝑥𝑠𝜖𝑆𝑉𝑏2 2𝐺3(1 − 𝑥𝑠)2 = 0 𝑘 − 𝜖𝑆𝑉𝑏 2 𝐺3(1 − 𝑥𝑠)3 < 0 . (113)

59 Le déplacement limite 𝑥𝑝𝑖 et la tension de polarisation limite 𝑉𝑝𝑖 générant l’apparition du phénomène de pull-in statique pour un résonateur capacitif s’écrivent donc :

{ 𝑥𝑝𝑖 =1 3 𝑉𝑝𝑖 = √8𝑘𝐺3 27𝜖𝑆 = 𝑉𝑏 4 27𝜂 . (114)

La limite de pull-in statique trouvée ici permet d’exprimer la condition à remplir pour pouvoir négliger la composante statique du déplacement d’un résonateur à capacités planes :

𝜂 ≪ 4

27≃ 0,15 . (115)

Le phénomène de pull-in est illustré en termes énergétiques sur la Fig. 18 pour un résonateur à capacités planes ayant même raideur, gap et surface que le résonateur décrit en section II.E. Sur ce graphique, on représente le profil de 𝔼𝑡𝑜𝑡 pour différentes tensions de polarisation. Pour une tension 𝑉𝑏 = 𝑉𝑝𝑖 = 142V, le profil d’énergie ne présente plus de minimum local, ce qui explique l’apparition de l’instabilité. Le point d’inflexion du cas limite se trouve bien à un tiers du gap.

Fig. 18 Illustration du phénomène de pull-in statique pour différentes tension de polarisation linéairement réparties entre 10V et 142V (du bleu au rouge). La ligne pointillée correspond à un déplacement d’un tiers du

gap.

Une fois le pull-in statique atteint, l’élément mobile ne peut théoriquement plus être libéré, sauf en annulant la tension de polarisation [44]. L’électrode mobile peut alors être détériorée, voire complètement détruite, dans des cas extrêmes, par le choc avec l’électrode fixe.

La relation de pull-in (114) est parfois citée dans la littérature comme un inconvénient fort des résonateurs capacitifs, dont le déplacement ne pourrait théoriquement pas dépasser un tiers du gap entre les électrodes. Cependant, il est important de noter qu’elle n’est valable que dans le cas d’un résonateur plan soumis à une tension constante.

Notre résonateur est encastré aux deux extrémités et la relation (114) n’est rigoureusement pas valable (la tension de pull-in statique est encore plus élevée pour un résonateur bi-encastré).

60 Cependant, l’ordre de grandeur de la tension 𝑉𝑝𝑖 est largement supérieur à la tension de polarisation utilisée dans les capteurs résonants et les systèmes embarqués. Ainsi, l’instabilité la plus problématique dans les capteurs résonants n’est pas le pull-in statique mais le pull-in résonant décrit qualitativement en III.B.d.ii.

III.B.d.ii. Pull-in dynamique

Afin de diminuer l’impact du bruit sur le fonctionnement des capteurs, il est intéressant d’accroître la tension d’actionnement de sorte à accroître l’amplitude du mouvement du résonateur. Cependant, lorsque l’amplitude d’oscillations s’accroît, le risque de voir le résonateur atteindre une amplitude instable qui génèrerait son attraction irréversible vers l’électrode qui lui fait face s’accroît également. Dans le cas d’oscillations non-entretenues (en l’absence de tension d’actionnement), l’énergie totale du système {masse + ressort + capacité + source de tension} s’écrit cette fois :

𝔼𝑡𝑜𝑡 =1 2𝑚𝐺2( 𝑑𝑥 𝑑𝑡) 2 +𝑘𝐺2𝑥2 2 𝜖𝑆𝑉𝑏2 2𝐺(1 − 𝑥) . (116) On peut représenter le pull-in dynamique dans l’espace des phases, où il se matérialise sous la forme d’orbites ouvertes à proximité de 𝑥 = 1. La Fig. 19 représente les trajectoires parcourues par le système à différentes énergies pour 𝑉𝑏 = 30V. Des amplitudes nettement supérieures à 𝑥 = 1/3 (limite du pull-in statique) sont accessibles.

Fig. 19 Illustration du phénomène de pull-in dynamique dans l’espace des phases : trajectoires de phase pour différents niveaux d’énergie.

Bien qu’il permette une compréhension qualitative du problème, ce raisonnement reste simpliste car il ne prend pas en compte la tension d’actionnement, indispensable pour compenser les pertes énergétiques. Il correspond en fait au cas théorique d’un actionnement par un peigne de Dirac parfait. Dans un cadre plus large, un certain nombre d’études ont déterminé la condition de pull-in résonant d’un résonateur MEMS capacitif soumis à divers actionnements [13] [25]. Ces études se sont intéressées au cas de figure le plus courant, où l’actionnement est réalisé en quadrature avec la détection du mouvement du MEMS [1]. Il a été prouvé que l’amplitude mécanique maximale atteignable dans ce cas est supérieure à un tiers du gap (limite définie par le pull-in statique) mais que sa valeur exacte dépend de la forme de l’onde d’actionnement

61 envisagée. Des considérations plus générales sur ce phénomène, valables quel que soit le déphasage introduit par l’électronique, seront présentés dans le chapitre IV.