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B.2 Caractérisation des échantillons de bois massifs fluorés

Chapitre III : Vers un bois massif hydrophobe

III. B.2 Caractérisation des échantillons de bois massifs fluorés

III.B.2.a. Spectroscopie infrarouge

Les spectres infrarouge des échantillons de bois massif (sapin et douglas) avant et après fluoration sont présentés en Figure III-3. Les échantillons sont classés selon leur temps de fluoration. Comme dans le cas des fibres, ces spectres ont été analysés par une déconvolution rigoureuse basée sur les principales bandes de vibration des groupements fonctionnels présentés dans le Tableau II-3.

Quelle que soit l’espèce considérée, l’apparition d’une liaison carbone-fluor, prouvée par les bandes de vibration à 1080, 1160, 1200 et 1280 cm-1 (contributions hachurées sur la

Figure III-3), confirme la fluoration du bois. Ces bandes de vibration, liées aux contributions

fluorées, sont similaires à celles obtenues après la fluoration des fibres végétales. En outre, ce phénomène est combiné avec une diminution notable de la contribution des groupements hydroxyles (bande à 3300 cm-1). Similairement à la fluoration des fibres végétales, le traitement du bois massif consiste en une substitution des groupements –OH par des atomes de fluor. Celle-ci est d’ailleurs effective même pour des temps de traitement relativement courts puisqu’elle est observable sur les spectres infrarouge du sapin et du douglas fluorés pendant 1 min.

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Figure III-3 : Spectres FT-IR du sapin (a) et du douglas ((b) vierges et fluorés

Cette substitution s’avère d’autant plus marquée que la durée de fluoration est importante pour les deux essences. Les aires des contributions des groupements hydroxyles et fluorés ont été calculées grâce à la déconvolution des spectres infrarouge des échantillons de bois massif. Les résultats du sapin et du douglas sont regroupés dans les Tableau III-1 et Tableau III-2, respectivement.

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Tableau III-1 : Evolution des aires des contributions obtenues par déconvolution des spectres infrarouge du sapin

Echantillon des fonctions –OH (%) Aire de la contribution

Pourcentage de diminution de la contribution des fonctions –OH (%)

Aire des contributions des liaisons C-F (%) Sapin 57 % - - Fluor é 1 min 489% 8% 3% 5 min 46% 10% 4% 10 min 44% 13% 6% 20 min 43% 13% 5% 40 min 43% 14% 6% 60 min 36% 21% 7%

Tableau III-2 : Evolution des aires des contributions obtenues par déconvolution des spectres infrarouge du douglas

Echantillon des fonctions –OH (%) Aire de la contribution

Pourcentage de diminution de la contribution des fonctions –OH (%)

Aire des contributions des liaisons C-F (%) Douglas 55% - - Fluor é 1 min 48% 7% 2% 5 min 44% 11% 2% 10 min 42% 13% 6% 20 min 38% 17% 6% 40 min 37% 18% 6% 60 min 31% 24% 7%

Quelle que soit l’essence considérée, une durée croissante de fluoration entraîne une augmentation de la contribution des groupements fluorés et une diminution de celle liée aux groupements –OH d’autant plus importante. En outre, comme dans le cas de la fluoration des poudres, le nombre de groupements hydroxyles retirés par le traitement s’avère plus important que celui de groupements fluorés greffés à la surface des échantillons.

Notons également que le douglas se révèle moins réactif que le sapin vis-à-vis du traitement. Cette différence de réactivité est observable pour des temps de traitements inférieurs ou égaux à 10 min. En effet, la quantité relative des contributions fluorées est plus importante dans le cas du sapin que du douglas pour ces paramètres expérimentaux (cf.

Tableau III-1 et Tableau III-2). Au-delà de 10 min de traitement, la quantité de ces

contributions converge pour les deux essences. Ce phénomène peut s’expliquer par la saturation de la surface de l’échantillon massif pratiquement atteinte après cette durée de traitement.

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Au-delà de 10 min de fluoration, la quantité de groupements fluorés augmente de manière négligeable, malgré des durées de traitement 2 à 6 fois plus importantes. Néanmoins, la contribution des groupements hydroxyles diminue significativement avec le temps de traitement, même au-delà de 10 min de fluoration. Ce phénomène est similaire à celui observé dans le cas du traitement des poudres de bois du Chapitre II. Il s’explique également par la compensation de la quantité d’atomes de fluor greffés, au dépend des groupements –OH, par la perte d’autres atomes de fluor par formation d’espèces volatiles CFx (CF4 et C2F6).

D’après cette hypothèse et les résultats des Tableau III-1 et Tableau III-2, la saturation de la surface serait atteinte après 10 min de fluoration avec un taux de saturation compris entre 6 et 7%. Par ailleurs, une durée de fluoration plus longue engendrerait une dégradation assez avancée des bois massifs traités.

En outre, les groupements hydroxyles favorisent l’absorption de l’eau dans le bois massif à cause de leurs fortes interactions avec les molécules d’eau par des liaisons hydrogène, tandis que les surfaces fluorées sont connues pour leur caractère hydrophobe. Similairement au cas des fibres végétales, cette substitution suggère une affinité plus faible entre le bois massif et l’eau après la fluoration.

III.B.2.b. Spectroscopie RMN du 19F à l’état solide

La confirmation du greffage covalent des atomes de fluor ainsi que l’identification de la nature des groupements fluorés présents à la surface du bois massif traité ont été menées grâce à la RMN du fluor 19F. Les domaines des déplacements chimiques liés aux liaisons impliquant

des atomes de fluor dans un polymère sont présentés en Figure II-9. Ces domaines, identifiés sur les échantillons des fibres fluorées au chapitre 2, sont également ceux attendus dans le cas des bois massifs traités. Les spectres RMN du 19F de ces derniers sont présentés et classés

selon la durée du traitement sur la Figure III-4.

Les groupements fluorés identifiés sur les échantillons de bois traités sont de même nature que ceux détectés sur les poudres fluorées : CHF, CF2 et CF3 dont les centres de symétrie des

massifs se situent à -200, -130 et -80 ppm vs CFCl3, respectivement. L’identification de ces

groupements, similaires à ceux repérés lors de la fluoration des poudres, confirment le greffage covalent des atomes de fluor sur les échantillons massifs. Cependant l’analyse des spectres RMN du 19F à différents temps de fluoration permet d’approfondir la compréhension

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Figure III-4 : Spectres RMN 19F enregistrés à 30 kHz des échantillons de sapin (a) et de douglas (b)

massifs fluorés

En effet, les rapports des aires des bandes CF2/CHF et CF2/CF3 montrent que les bois

massifs contiennent une quantité relative de –CF3 augmentant avec le temps de fluoration. En

outre, un temps de fluoration plus important engendre un plus grand rapport signal/bruit, ce qui souligne une augmentation du taux de fluoration total (à paramètres d’enregistrement identiques). Dans un premier temps (premières minutes de fluoration), seule l’extrême surface du bois massif est fluorée pour former des groupements –CHF et –CF2. Après une dizaine de

minutes, les molécules de fluor diffusent vers l’intérieur du matériau, formant alors des groupements CHF et CF2 dans des couches plus profondes du matériau. Cependant, comme le

fluor moléculaire se trouve en excès en surface, le greffage des atomes de fluor se poursuit sur l’extrême surface du bois massif, générant alors des groupements –CF3 par rupture de liaisons

C-C, voire la formation de CF4 et/ou C2F6. Un tel mécanisme, comparable à celui obtenu lors

de la fluoration des polymères (cf. Figure I-35) et schématisé en Figure III-5, engendre un ratio F/C diminuant avec la profondeur de couche considérée.

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Figure III-5 : Schématisation de la diffusion du fluor et de l'état de surface d’un bois massif lors de sa fluoration

Une fluoration au-delà du seuil de saturation surfacique des fibres, atteint après environ 10 min de fluoration d’après les analyses des spectres infrarouge, engendre une rugosité croissante du bois par décomposition. La compétition fluoration/décomposition s’opère, conduisant à une ablation de matière. Par conséquent, un parfait contrôle de la fluoration est nécessaire, sous peine d’induire des ruptures de chaînes ainsi qu’une dégradation trop importante du matériau. Une réaction non maîtrisée peut alors engendrer une détérioration assez étendue pour endommager la structure et altérer les propriétés du bois massif.

De plus, on notera que la différence de réactivité entre les deux essences testées est peu observable sur leurs spectres RMN du 19F respectifs. Après 5 min de fluoration, l’intensité

relative et l’apparition des bandes issues des groupements –CF3 semblent légèrement plus

marquées dans le cas du sapin que celui du douglas. Pour quantifier ces observations, les rapports CF2/CHF et CF2/CF3 ont été extraits de la déconvolution des spectres RMN. Pour le

sapin fluoré pendant 60 min, les valeurs sont 2,30 et 2,87 respectivement. 1,21 et 5,36 sont calculés pour le douglas traité pendant 60 min. Ces différences, qui souligneraient une différence du ratio F/C entre le sapin et le douglas, sont cependant trop faibles et inhomogènes d’une durée de fluoration à une autre pour refléter la différence de réactivité entre ces deux essences.

Ces premières caractérisations spectroscopiques du bois massif fluoré permettent de conclure quant à la substitution des groupements hydroxyles –OH par le greffage d’atomes de fluor. Comme pour le cas des poudres, cette substitution conduit à une couche fluorée présentant un gradient F/C diminuant de la surface vers le cœur du matériau. De plus, la fluoration semble conduire à un état de surface similaire d’une essence de bois à l’autre, malgré la différence de réactivité de ces dernières vis-à-vis du traitement.

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