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III. COMPLICATIONS DU BCG

2.4. Bécégite disséminée

La bécégite disséminée est rare, sa prévalence étant inferieure à 5 cas par million de sujets vaccinés [52]. La bécégite disséminée [45] est une infection qui atteint plusieurs systèmes d’organes. Le germe est présent au niveau d’au moins 2 sites anatomiques à distance de la région de vaccination, ou au moins au niveau du sang ou de la moelle osseuse. Ces sites doivent appartenir à des systèmes d’organes différents ; par exemple, la présence du BCG au niveau des

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crachats et du liquide pleural constitue un seul site. La bécégite disséminée se manifeste toujours par une atteinte systémique (fièvre, amaigrissement, anémie), avec souvent des adénopathies et une hépato-splénomégalie. Elle survient au cours de la première année de vie, toujours sur un terrain d’immunodépression. Le retard diagnostique est fréquent et le taux de décès atteint 80%, même sous traitement. La bécégite peut également survenir dans le cadre d’une double infection à M. tuberculosis et M. bovis [45] : par exemple, bécégite régionale, associée à une infection pulmonaire par M. tuberculosis.

Elle peut se présenter sous différentes formes : lymphadénite généralisée, atteinte rticulaire ou osseuse, localisation pulmonaire, hépatique, méningée, miliaire disséminée [53].

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IV. EPIDEMIOLOGIE

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Les complications du BCG sont bien connues dans toutes les régions qui administrent systématiquement le vaccin, de sorte que certaines complications sont considérées comme faisant partie du processus normal. L'incidence rapportée de ces complications est de 0,1 à 17% [54].

Les bécégites locales ont lieu avant l'âge de 6 mois. Généralement, elles surviennent chez environ 1 personne sur 1 000 recevant le BCG, mais le risque est plus élevé chez les plus jeunes, probablement en raison d'une altération de l'immunité au début de la vie. D'autres facteurs, tels que la dose et les souches de vaccin, la technique d'administration et le déficit immunitaire ou le VIH ont également une incidence sur la fréquence des complications.

Les complications systémiques du vaccin BCG sont extrêmement rares dans les pays développés. Ils peuvent se présenter sous forme d’une ostéite ou une bécégite disséminée. L'incidence d'ostéite / ostéomyélite a été rapportée entre 1 et 700 par million d'enfants vaccinés et dépend de la souche vaccinale utilisée. Le pronostic de l'ostéite / ostéomyélite à BCG est généralement bon, sans séquelle. L'incidence de la bécégite disséminée est estimée à environ 2 à 3,4 par million d'enfants vaccinés. Les complications systémiques surviennent généralement dans les 6 mois suivant la vaccination et touchent le plus souvent les enfants présentant un déficit immunitaire primaire (déficit immunitaire combiné sévère, maladie granulomateuse chronique, ou une susceptibilité mendélienne aux infections mycobactériennes) [55].

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V. ETIOLOGIES

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1. DEFICITS IMMUNITAIRES

Les déficits immunitaires sont souvent silencieux durant la période néonatale. Ceci conduit à la vaccination inappropriée de sujets immunodéprimés. Toutefois, ces bécégites constituent souvent un mode de révélation de l’immunodépression. Elles ont une évolution trainante avec un potentiel de dissémination élevé. Les enfants infectés par le VIH ont un risque très élevé de développer une bécégite disséminée (9920 pour 1 million). Ils peuvent également développer des bécégites locales ou régionales [56, 57]. Les bécégites surviennent souvent à un stade d’immunodépression sévère chez des enfants ne recevant pas de traitement antirétroviral ou traités tardivement. Elles peuvent survenir aussi bien chez les patients symptomatiques qu’asymptomatiques. Ce sont des complications graves sur ce terrain; elles occasionnent la progression de la maladie et sont grevées d’une mortalité élevée.

Dans l’étude de Hesseling et al, 17 cas (68%) d’infection à VIH ont été rapportés sur les 25 enfants ayant présenté une bécégite [45]. La particularité chez ces patients est la survenue du syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire du au BCG dans les 3 mois suivant la mise en route d’une thérapie antirétrovirale fortement active [45].

Dans la revue de littérature de Nourouzi et al. à propos de 19 études réalisées entre 1980 et 2010 sur 158 enfants ayant présenté des complications du vaccin BCG, 120 cas avaient un déficit immunitaire primitif (DIP) [58]. Les 3 types de DIP liés au nombre le plus important de bécégites étaient :

- Syndrome de susceptibilité mendélienne aux infections mycobactériennes (MSMD).

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- Granulomatose septique chronique (GSC).

La particularité des patients atteints du syndrome de susceptibilité mendélienne aux infections mycobactériennes (MSMD), est la susceptibilité presque exclusive aux mycobactéries et aux infections à salmonelles non typhoïdiques [59]. Les défauts moléculaires identifiés affectent la boucle d’activation existant entre l’IL-12 et l’IFN-γ. Les cellules phagocytaires et dendritiques infectées par une mycobactérie sécrètent de l’IL-12. Cette dernière se fixe alors sur son récepteur (composé de 2 sous-unités : IL12β1 et IL12β2), à la surface des lymphocytes T et des cellules NK (natural-killer), et induit la production d’INF-γ. L’INF-γ sécrété par ces cellules se fixe à son tour sur son récepteur (composé de 2 chaînes INFR1 et INFR2), à la surfaces des macrophages. Au niveau du macrophage, STAT1 est phosphorylée, en réponse à la fixation de l’INF-g sur son récepteur, et induit la production de cytokines telle que IL-12. IL-12 et INF-γ sont responsables d’une boucle d’activation entre macrophage et lymphocyte T/cellule NK permettant l’amplification de la réponse immune antimycobactérienne (et la formation du granulome épithélio-gigantocellulaire).Connu depuis les années 1950, ce syndrome a largement été caractérisé depuis 1996. Cette année-là, différentes mutations de 5 gènes autosomiques ont été identifiées, responsables de 10 maladies génétiquement distinctes [60 ,61]. A l’heure actuelle, on connait 6 gènes (INFγR1, INFγR2, IL12p40, IL12Rβ, STAT, NEMO), participant tous à l’immunité antimycobactérienne dont les mutations sont en cause dans le MSMD.

L’hétérogénéité allélique surajoutée aux mutations touchant ces gènes, conduit à distinguer à ce jour au moins 13 maladies génétiques, différant par leur mode de transmission ou par l’expression ou l’état fonctionnel de la molécule mutée [62,63].

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Figure 15 : Schéma de la boucle IL-12 – IFN-γ au cours d'une infection mycobactérienne [60]

Le phénotype clinique de ces maladies est très hétérogène : allant de l’infection locale, récidivante ou non, à une atteinte sévère, disséminée, potentiellement létale [60, 62, 64].

Le traitement antimycobactérien repose dans tous les cas sur une association d’antibiotiques adaptés à la mycobactérie identifiée. Cependant, la durée du traitement, la nécessité de thérapeutiques alternatives (IFN-γ recombinant, allogreffe de cellules souches hématopoïétiques), ainsi que le pronostic des différentes maladies varient énormément en fonction de l’expression ou de l’état fonctionnel de la molécule mutée. Ce défaut moléculaire contre-indique de façon absolue la réalisation du BCG [64 - 66].

Les mutations touchant le gène IL12Rβ1, codant pour la chaîne β1 du récepteur de l’IL12, sontles anomalies les plus fréquentes du MSMD [62, 65, 66, 67, 68]. Ce déficit moléculaire est diagnostiqué chez près de 40 % des sujets

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présentant ce syndrome [67]. Alors qu’il a été décrit pour la première fois en 1998 chez 4 sujets, plus de 141 malades affectés ont été depuis recensés dans le monde [62,69]. Le phénotype cellulaire de ces malades est homogène ; il est caractérisé par un défaut complet de réponse à l’IL12 et à l’IL23 secondaire à un défaut complet d’expression de la chaîneβ1 du récepteur del’IL12/23 à la surface des lymphocytes T et des cellules NK [64 - 66].

Le phénotype clinique est lui très hétérogène : seule la moitié des porteurs du défaut complet développent une maladie : la pénétrance est donc incomplète [62, 65, 66, 68, 69]. Même si on trouve dans la littérature des cas d’infections sévères à des mycobactéries ou au BCG, dans la plupart des cas les infections sont atténuées, de bon pronostic et non récidivantes [62, 65, 68, 69]. Elles apparaissent généralement dans l’enfance [61, 64, 67] et le taux de mortalité serait entre 15 et 30 % [62, 66, 69]. Des infections à salmonelle ont été rapportées chez près de la moitié des malades présentant le défaut moléculaire [63, 66, 68, 69]. Sur le plan histologique, on observe la formation de granulomes matures, bien différenciés, de type tuberculoïde [61, 62, 65]. Les malades sont majoritairement traités par antibiotiques seuls ou éventuellement par IFN-γ recombinant (ils possèdent les récepteurs à l’IFN-γ) [61, 62, 64, 65, 70].

Ce phénotype clinique diffère de celui des malades ayant un défaut de la voie de signalisation de l’INF-γ : les défauts complets du récepteur de l’IFN-γ prédisposent à des infections mycobactériennes précoces, disséminées, récidivantes et d’évolution le plus souvent fatale avant l’âge de 10 ans [13, 62,65]. Sur le plan histologique, on observe l’absence de formation de granulome ou la formation de granulomes de type lépromatoide [61, 62, 65]. Le traitement par INF-γ recombinant est inefficace chez ces malades (absence totale des récepteurs INF-γ à la surface des cellules). Le seul traitement

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actuellement efficace est l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques [61, 62, 64, 65, 70].

Le 2ème type de DIP associé aux bécégites est le déficit immunitaire combiné sévère (SCID), le diagnostic de ces déficits est orienté par la présence ou non de lymphocytes B et de cellules NK et c’est ainsi que l’on distingue 4 grands groupes : T- B- (NK+ et NK-) et T-B+ (NK+ et NK-).Le plus fréquent est le déficit en chaîne γ commune du récepteur des interleukines, affection récessive liée à l’X et pour lequel un traitement par thérapie génique a été expérimenté. On peut citer aussi les déficits en recombinase (RAG1 et 2), en Artémis et en adénosine désaminase (ADA), qui sont des affections autosomiques récessives. La dysgénésie réticulaire est une affection très sévère associant un déficit immunitaire à une atteinte myéloïde (pancytopénie de début post-natal) et une surdité. L’anomalie génétique à l’origine de cette affection a été caractérisée récemment [71].

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Un autre type de DIP qui prédispose aux bécégites est la granulomatose septique chronique, la GSC est un déficit immunitaire primitif résultant d’un défaut génétique de la capacité oxydative des phagocytes donnant lieu à des infections bactériennes fréquentes et graves par Staphylococcus aureus,

Aspergillus, Salmonella, Candida, mycobactéries et Serratia.

Généralement diagnostiquée dans l’enfance, sa prévalence est de 1/200 000 à 1/250 000 naissances [73]. Dans plus des deux tiers des cas, la transmission est autosomique liée à l’X mais il existe également des formes autosomiques récessives et exceptionnellement autosomiques dominantes. Les manifestations cliniques de la GSC découlent principalement du dysfonctionnement d’une enzyme de la membrane des granulocytes, la NADPH- oxydase ; on parle ainsi d’enzymopathie héréditaire. Cette enzyme est un complexe protéique qui se compose d’un élément membranaire, le cytochrome b558 formé lui-même de deux sous-unités p.22phox et gp91phox (ou Nox2), et de facteurs cytosoliques p.47phox, p.67phox et p.40phox.La symptomatologie débute précocement, en général au cours de la première année de vie dans la forme sévère liée à l’X avec déficit total en cytochrome b558, alors que dans les formes modérées, forme liée à l’X avec déficit partiel en cytochrome b558 et certaines formes autosomales récessives, l’âge de début est plus tardif. Les enfants atteints ont une susceptibilité accrue aux infections par des bactéries, souvent à catalase positive, et à la formation de granulome d’origine fongique sévère et d’évolution prolongée [74, 75]. Les sites de prédilection sont les poumons (80 %), la peau (60–70 %), les ganglions lymphatiques (75 %), le foie et le tube digestif (32 %). Les infections ostéo-articulaires sont rapportées dans moins de 20 % des cas et touchent préférentiellement les petits os des mains.

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Le diagnostic est confirmé par le test au nitrobleu de tétrazolium (NBT) ou test au ihydrorhodamine (DHR). Les bécégites les plus fréquemment rencontrées sont les adénites à BCG. Plus rarement les patients développent des bécégites disséminées de meilleur pronostic par rapport à celles des déficits cellulaires.

D’autres types de DIP ont été plus rarement associes à des bécégites tels que le syndrome d’hyper- IgM lié à l’X, le syndrome d’hyper-IgE et le syndrome de Di George.

Aucun cas de bécégite sur déficit d’expression des molécules HLA de classe II n’a été rapporté à ce jour.

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