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Avis du groupe de travail :

4. Orientation vers une équipe de transplantation

4.5 Avis du groupe de travail :

Quand orienter ?

Le groupe de travail confirme qu’une orientation préemptive des patients candidats à la transplantation est la situation la plus favorable en termes de résultats post-transplantation pour les patients chez qui la transplantation est indiquée. Les délais de réalisation des bilans de prétransplantation, puis l’attente sur liste avant transplantation, nécessitent d’anticiper le moment où le besoin de suppléance deviendra indispensable, même s’il n’est pas possible de manière totalement fiable d’anticiper ce moment. À défaut, de manière pragmatique, un seuil de DFG < 20 ml/min/1,73 m2 ou une situation clinique faisant envisager un DFG ≤ 15 dans les 12 mois semblent des critères utiles pour décider de débuter le bilan prétransplantation et d’orienter le patient vers une équipe de transplantation, sauf dans les cas où le patient présente des critères de

‘non orientation’ ou d’‘orientation à discuter’ (cf. ci-dessous).

Le groupe de travail estime que l’orientation des patients déjà dialysés est également un enjeu important et doit s’appliquer à tous les patients dialysés et pas seulement aux patients dialysés en urgence. Une orientation dans les 3 mois après le début de la dialyse est souhaitable, ce délai permet le plus souvent que l’état de santé du patient soit stabilisé.

Le terme « durée de la dialyse » est ambigu car il peut soit se rapporter à la durée quotidienne/hebdomadaire des séances de dialyse, soit à l’ancienneté du traitement par dialyse (durée écoulée depuis la première dialyse). Afin de lever cette ambiguïté dans les recommandations, le terme « ancienneté de la dialyse » sera préféré à « durée de la dialyse », lorsqu’il s’agit de la durée écoulée depuis la première dialyse.

Qui ne pas orienter ou orienter après avis de l’équipe de transplantation ?

Une estimation de l’espérance de vie serait le meilleur outil pour aider à l’orientation des patients.

Toutefois, aucun des outils identifiés dans la littérature n’a été validé prospectivement pour évaluer leur utilité en vue de l’orientation des patients et de l’inscription sur liste d’attente de greffe rénale.

Les critères sur lesquels les néphrologues référents pourraient, sans crainte de faire courir une perte de chances aux patients, décider de ne pas orienter le patient sans prendre avis auprès d’une équipe de greffe sont débattus. Cette question se pose notamment pour les patients déjà dialysés de plus de 70 ans (50 % des patients dialysés, soit environ 20 000 patients) qui présentent fréquemment plusieurs facteurs de risque associés.

En effet, l’analyse de la littérature ne permet pas de définir un profil type de patient pour lequel une

‘non inscription’ systématique serait justifiée, même si elle confirme que l’association des facteurs de risque augmentent significativement le risque de décès ou de perte de greffon. Le groupe de travail insiste sur les rares contre-indications isolées formelles à la transplantation rénale.

Toutefois, il reconnaît que l’espérance de vie est un facteur important devant être pris en compte,

que celle-ci soit limitée par un âge très avancé, une comorbidité sévère ou, le plus fréquemment, par l’association de comorbidités.

Les scores cliniques de Dusseux et de Grams sont discutés. Ils sont validés à partir de cohortes tirées de registres, mais n’ont pas été évalués de manière prospective dans leur utilisation clinique afin de connaître leur sensibilité en termes d’inscription ou leur spécificité pouvant fonder une non orientation. Le score de Dusseux permet d’identifier les patients dialysés de plus de 70 ans qui ont une probabilité d’être en vie >70 %, 3 ans après le début de la dialyse ; il pourrait donc être l’un des éléments identifiant les patients ayant une espérance de vie suffisamment longue pour espérer recevoir une greffe (délai médian d’attente de greffe après inscription : 21 mois en 2011) ; il ne permet pas d’établir la probabilité de survie post-greffe. Le score de Grams propose un modèle prédictif de survie post-greffe à 3 ans pour les patients de plus de 65 ans ; son intérêt réside dans l’identification des situations cliniques où la greffe ne pourrait apporter un bénéfice de longue durée. En l’attente de la confirmation de leur intérêt pratique, le groupe de travail ne souhaite pas les recommander spécifiquement, mais reconnaît que ce type de score pourrait aider la décision d’orienter ou non un patient vers une équipe de greffe. L’intérêt de ce type de score a été démontré dans la greffe hépatique permettant de définir un seuil de nocivité (Score MELD).

Pour les patients ayant une MRC de stade 5 ou de stade 4 susceptible d’évoluer vers le stade 5 dans les 12 à 18 mois, le groupe de travail considère que la non orientation du patient vers une équipe de transplantation est justifiée si il existe l’une des rares contre-indications à la transplanta-tion (cf. § 6.1) ou les situatransplanta-tions suivantes proposées au groupe de lecture (R22), qui ont recueilli un large consensus :

 refus du patient, après avoir vérifié que ce refus ne repose pas sur une mauvaise information ou sur une mauvaise compréhension de l’information ; le groupe de lecture propose de retirer la connotation morale du terme « mauvais » ;

 cancer évolutif, non en rémission. En effet, le groupe ERBP recommande que « le cas des patients présentant un cancer passé ou présent soit discuté avec un cancérologue au cas par cas. Les paramètres suivants devraient être pris en compte pour déterminer le délai d’attente avant l’inscription sur liste d’attente : a) le risque de progression ou de récurrence du cancer selon sa nature, son stade et son grade histologique ; b) l’âge du patient ; c) la présence de comorbidités pouvant affecter la survie du patient (non gradé) » (91). Le groupe de lecture propose que l’avis du cancérologue soit pris avant de décider d’une ‘non orientation’ ;

 comorbidités cardio-vasculaires ou respiratoires sévères rendant incompatibles l’anesthésie générale nécessitée par l’acte chirurgical de transplantation ; le groupe de lecture propose de préciser les pathologies respiratoires sévères : insuffisance respiratoire chronique sévère PaO2 < 60 mm Hg à l’état basal et/ou oxygénothérapie au long cours, fibrose pulmonaire connue, syndrome obésité-ventilation avec ventilation mécanique au long cours et hypertension artérielle pulmonaire idiopathique ;

 trouble psychiatrique aigu non stabilisé ou chronique non suivi, nécessitant des soins psychiatriques avant toute inscription sur la liste d’attente (avis d’un psychiatre) ;

 une démence avérée, après avis spécialisé ;

 obésité avec IMC > 50 kg/m2 ; le groupe de lecture valide cette proposition à plus de 90 % des membres ; toutefois, certains membres s’étonnent d’un IMC si élevé et suggèrent de retenir le seuil d’un IMC > 40 kg/m2, tout en précisant, comme pour l’âge, que les orientations au-delà d’un IMC à 40 kg/m2 restent exceptionnelles ; ce seuil correspond par ailleurs à la définition de l’obésité morbide par l’OMS (433). Toutefois, les publications les plus récentes montrent que la transplantation reste possible avec un surrisque faible pour des patients avec un IMC > 40 kg/m2 (319) ; le groupe de travail retient l’IMC > 50 kg/m2 comme un seuil au-delà duquel en 2015 les difficultés techniques de la transplantation font que les patients sont plutôt orientés vers un traitement de l’obésité avant transplantation et propose de discuter les orientations entre néphrologues référents et équipes de transplantation à partir d’un IMC à

35 kg/m2, mais ne souhaite pas exclure du parcours vers la transplantation rénale les patients à partir d’un IMC > 40 kg/m2 ;

 âge : au-delà de 85 ans (au-delà de 85 ans, l’orientation doit rester exceptionnelle) ;

 les patients pour lesquels le choix du traitement conservateur a été fait.

Ces critères de non orientation nécessitent d’être réexaminés annuellement, afin de s’assurer qu’ils sont toujours présents.

Sachant qu’une part importante des patients dialysés en France ne relève ni des situations où il est recommandé de ne pas orienter le patient vers une parcours de transplantation, ni des situations où il est recommandé de l’orienter systématiquement, le groupe de travail propose également une liste de situations, qui ont fait l’objet d’un large consensus au sein du groupe de lecture, où un contact entre le néphrologue référent et l’équipe de transplantation est nécessaire avant d’engager un bilan prétransplantation, afin d’éviter qu’une proportion importante de ceux-ci soient réalisés alors que la probabilité pour le patient d’être inscrit est très faible.

Enfin, pour les patients qui hésitent à s’orienter vers un parcours de transplantation, il est proposé qu’ils soient orientés vers une équipe de transplantation afin d’éclairer leur décision.

4.6 Recommandation HAS

Quand orienter ?

R19. Grade AE. En l’absence de critère de ‘non orientation’ ou d’orientation à discuter (cf. R23-R24), il est recommandé de débuter le bilan prétransplantation et d’orienter vers une équipe de transplantation :

 en vue d’une inscription préemptive, tout patient avec une MRC évolutive et irréversible de stade 5, non encore dialysé ou de stade 4 avec un DFG < 20 ml/min/1,73 m² ou susceptible d’évoluer vers le stade 5 dans les 12 mois ;

 tout patient avec une MRC de stade 5, déjà dialysé, si possible dans les 3 mois suivant la mise en dialyse.

Qui ne pas orienter vers une équipe de transplantation ?

Non orientation justifiée

R20. Grade AE. Il est justifié de ne pas débuter un bilan prétransplantation et de ne pas orienter les patients vers une équipe de transplantation dans les cas où l’espérance de vie est limitée et/ou les comorbidités entraînent un risque péri-opératoire trop élevé et/ou le bénéfice de la transplantation en termes d’espérance et de qualité de vie n’est pas attendu. Cette non-orientation est recommandée dans les situations suivantes :

 refus du patient, après avoir vérifié que ce refus ne repose pas sur une information inadéquate ou sur une compréhension incomplète ou erronée de l’information ;

 cancer ou hémopathie maligne requérant un traitement et/ou évolutifs, non en rémission ;

 comorbidités cardio-vasculaires rendant incompatible l’anesthésie générale nécessitée par l’acte chirurgical de transplantation ou FEVG < 35 % ;

 comorbidités respiratoires sévères rendant incompatible l’anesthésie générale nécessitée par l’acte chirurgical de transplantation ; parmi les comorbidités respiratoires sévères peuvent être citées :

insuffisance respiratoire chronique sévère PaO2 < 60 mm Hg à l’état basal et/ou oxygénothérapie au long cours,

fibrose pulmonaire sévère,

syndrome obésité-ventilation avec ventilation mécanique au long cours,

hypertension artérielle pulmonaire idiopathique sévère ;

 troubles psychiatriques aigus non stabilisés ou troubles psychiatriques chroniques non suivis, nécessitant des soins psychiatriques avant toute inscription sur la liste d’attente (avis d’un psychiatre) ;

 dépendance à l’alcool ou addiction aux drogues dures sans projet de sevrage ;

 démence avérée évoluée après avis spécialisé ;

 obésité définie par un IMC > 50 kg/m2 (au-delà d’un IMC à 40 kg/m2, le recours à la transplantation reste possible dans certaines situations particulières) ;

 âge supérieur à 85 ans (au-delà de 85 ans, l’orientation doit rester exceptionnelle),

 patients pour lesquels le choix du traitement conservateur a été fait.

R21. Grade AE. Dans le cas de situations pouvant évoluer favorablement, ces critères de non-orientation justifiée nécessitent d’être réexaminés annuellement par le néphrologue référent, afin de vérifier s’ils sont toujours présents.

R22. Grade AE. En dehors de ces situations (R20), il est recommandé qu’une non-orientation vers une équipe de transplantation soit décidée après échanges avec le patient et avis ou réunion avec un médecin de l’équipe de transplantation.

Orientation à discuter avec l’équipe de transplantation

R23. Grade AE. Dans ces situations complexes, il est recommandé que le néphrologue référent ait un contact avec l’équipe de transplantation afin de discuter la pertinence de l’orientation du patient vers un parcours de greffe rénale, avant d’engager un bilan prétransplantation.

Ce contact peut être pris selon différentes formes d’échanges formalisés entre le néphrologue référent et l’équipe de transplantation : échange par courrier, téléphone, discussion sur dossiers, réunion de concertation pluridisciplinaire, télémédecine, consultation du patient auprès de l’équipe de transplantation.

Ce contact devrait permettre d’éviter toute perte de chances au patient, c’est-à-dire d’éviter une

‘non orientation inappropriée’, mais aussi de valider la pertinence d’engager le bilan ou encore de hiérarchiser les examens du bilan prétransplantation dans un souci de pertinence des soins.

R24. Grade C. Ce contact entre néphrologue référent et équipe de transplantation est recommandé lorsque le patient présente :

 2 ou plus de 2 comorbidités ou facteurs de risque suivants : diabète, infarctus du myocarde, maladie vasculaire périphérique, accident vasculaire cérébral, tabagisme, car ces facteurs diminuent significativement la probabilité d’être inscrit ;

 un ou plusieurs facteurs de risque de complications post-transplantation connus avant le bilan prétransplantation :

obésité avec IMC compris entre 35 et 50 kg/m2,

antécédent de cancer,

amylose systémique,

perte d’autonomie ou diminution des fonctions cognitives, documentée à l’aide de tests validés,

troubles ou maladies psychiatriques stabilisés ou suivis, après avis d’un psychiatre,

insuffisance cardiaque

insuffisance respiratoire modérée,

insuffisance hépatique,

facteurs de risque thromboemboliques,

calcifications vasculaires étendues ;

 un ou plusieurs facteurs de risque concernant la technique chirurgicale, notamment malformation du tractus génito-urinaire ;

 un risque de récidive de la maladie rénale initiale ;

 un antécédent de transplantation rénale ou de toute autre transplantation d’organes ;

 une infection chronique (VIH, VHC, VHB).

R25. Grade AE. Pour les patients de plus de 70 ans, une évaluation de l’espérance de vie par un score validé peut être utile à la décision d’engager le bilan prétransplantation en accord avec l’équipe de transplantation.

En 2015, deux scores cliniques, dont un français, ont été validés à partir de modélisations issues de registres prospectifs. Leur pertinence clinique pour l’identification des patients à orienter vers un parcours d’accès à la greffe rénale reste à confirmer (Cf. argumentaire section 4.2.1).

R26. Grade AE. En cas de doute du patient sur le bénéfice potentiel de la transplantation, il est recommandé de lui proposer de rencontrer un membre de l’équipe de transplantation.

Qui orienter de manière systématique ?

R27. Grade B. En dehors des situations complexes nécessitant une discussion avec l’équipe de transplantation et des situations dans lesquelles il est justifié de ne pas orienter le patient (cf. R20 et R24) il est recommandé, après accord du patient, de débuter le bilan prétransplantation et/ou d’orienter le patient vers une équipe de transplantation tout patient de moins de 85 ans, avec une MRC irréversible, de stade 4 évolutive ou de stade 5, dialysé ou non.