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Il y aurait ainsi un net avantage à se trouver au sein plutôt qu’en dehors de la région de l’Everest, tout comme à se trouver à proximité immédiate du principal sentier touristique, plutôt que de s’en

trouver à distance.

Bernard Pecqueur et Hervé Gumuchian (2007) vont dans ce sens lorsqu’ils expliquent comment le

territoire peut lui aussi faire ressource. Selon eux, les territoires sont en effet dotés d’un contexte

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De Lukla, porte d’entrée dans la région, aux belvédères du Kala Pathar et de Gokyo (voir « Figure n°1 »).

25 Still many communities in Khumbu have gained a degree of 'development' (e.g. increased health outcomes, larger incomes, and access to education) not seen in other mountain settlements of the eastern Himalaya (P. Mool, personal communication, June 28, 2010). Notwithstanding, these benefits are not evenly distributed across Khumbu, and communities along the popular trekking routes (i.e., trail to Everest base camp) have seen the most opportunity and resultant social change (Nepal 2005 ; HKKH, 2009 ; Sherpa and Bajracharya 2009). As a consequence, an inter-regional pattern of dominant livelihood activities is evident with resultant socio-economic inequality significant and growing (Stevens, 1993). in Mc Dowell & al., 2012 : 4).

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historique et socioculturel qui fondent leurs spécificités et peut être intégré dans les modes

d’organisation de la vie sociale et de la production locale. Leur définition de la « ressource

territoriale » est la suivante :

« Caractéristique construite d’un territoire spécifique et ce, dans une optique de

développement. La ressource territoriale renvoie donc à une intentionnalité des acteurs

concernés, en même temps qu’au substrat idéologique du territoire. Cet objet

intentionnellement construit peut l’être sur des composantes matérielles (données

matérielles, faune, flore, patrimoine,…) et/ou idéelles (des valeurs comme l’authenticité,

la profondeur historique,..). » (2007 : 6).

A l’échelle du Khumbu, l’analyse développée dans cette thèse se concentrera néanmoins sur l’accès

et la mobilisation de certaines ressources précises - l’eau domestique, l’eau énergie, le foncier,

l’emplacement, les sommets, la culture - ceci permettant de révéler des stratégies d’acteurs plus

fines que ne le permettrait le recours au concept de ressource territoriale. En revanche, bon nombre

de ressources (réseaux d’écoles ou d’hôpitaux, services, marchés, infrastructures de transports, etc.)

présentes dans les emplacements que fréquentent les habitants du Khumbu, en dehors de leur

territoire, pourront elles être qualifiées de ressources extraterritoriales.

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3. Enjeux et contraintes d’accès aux ressources dans la région touristique de l’Everest

A priori, le recours au concept de ressource peut paraître désuet et renvoyer à une géographie

extrêmement vidalienne. Dans les sociétés développées, le rapport à la ressource s’est

progressivement estompé. L’accessibilité à certaines ressources tout aussi cruciales que l’eau ou

l’énergie, même si elle a un coût, est devenue familière. Il suffit d’ouvrir un robinet, de presser un

interrupteur ou la détente d’une pompe à essence. À travers de nombreuses régions du monde,

marquées par l’absence ou les défaillances de leurs infrastructures et de leurs institutions, l’accès à

ces ressources n’a en revanche rien d’évident. Très souvent, celles-ci sont encore transportées à dos

d’hommes des sources aux foyers de consommation. Dans les régions qui opèrent une importante

transition économique, comme c’est le cas du Khumbu, l’amélioration de l’accès devient cependant

tout aussi vitale. Ce lien entre approvisionnement et développement est d’ailleurs très nettement

visible. Il permet de comprendre comment s’effectue « la fabrique du territoire » (Pecqueur &

Gumuchian, 2007). Comme un grand nombre de recherches effectuées précédemment dans la

région de l’Everest, cette thèse fait donc le choix de placer le concept de ressource au cœur de son

analyse. Toutefois, ce travail souhaite soumettre plusieurs réflexions et hypothèses nouvelles autour

du rapport de cette société aux ressources, et ce afin d’en mieux comprendre le fonctionnement.

3.1. Valorisation des ressources et développement des « capabilités » à travers le tourisme

La première réflexion porte sur le fait que les travaux consacrés à la région de l’Everest se focalisent -

à mon sens - encore trop sur les seules ressources éco-systémiques « sol », « bétail », « forêt ». Or, je

l’ai souligné, il semble que ces ressources ne revêtent aujourd’hui plus autant d’importance pour la

société locale que par le passé, dans la mesure où les règles de protection instaurées et l’apparition

d’alternatives à leurs utilisations conduit à leur patrimonialisation grandissante. Depuis les années

1990 en revanche, de nouvelles ressources gagnent en utilité. Parmi ces ressources, certaines,

comme l’eau, ont toujours été utilisées (eau de consommation, moulins hydrauliques) mais du fait du

développement touristique connaissent aujourd’hui de nouveaux usages. De la même façon, les

sommets ou la culture locale, au cœur du dispositif touristique initial, voient leur valorisation

s’intensifier par une commercialisation grandissante. Toujours à l’échelle de la région, d’autres

ressources ont cependant été inventées plus récemment : l’eau énergie, le foncier et l’emplacement.

La première hypothèse formulée pour cette thèse revient à considérer que l’invention (ou la

réinvention) de ces différentes ressources constitue un facteur désormais essentiel pour assurer le

fonctionnement et la pérennisation du système touristique local, et au-delà, d’améliorer les

conditions d’existence individuelles et collectives des populations. Qu’il s’agisse de l’eau domestique,

de l’eau énergie, des sommets, de la culture, du foncier ou de l’emplacement, chacune de ces

ressources permet aux individus qui se les approprient, non seulement de tirer d’importants revenus,

mais également de développer l’étendue de leurs possibilités. Comme l’a montré l’économiste indien

Amartya Sen, la richesse ne constitue en effet pas une fin en soi. Chaque individu doit avant tout

chercher à développer ses « capabilités »

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, c’est-à-dire les « libertés réelles

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» qui lui permettent de

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Néologisme issu du terme anglais de « capabilities ». Il désigne la capacité des individus « à être et à faire ».

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Ces libertés sont élémentaires et fondamentales, elle recouvre : « la faculté d’échapper à la famine, à la malnutrition, à la morbidité évitable et la mortalité prématurée, aussi bien [que celles] qui découlent de l’alphabétisation, de la participation politique ouverte, de la libre expression » (2000 : 56).

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satisfaire aussi bien ses besoins fondamentaux (accéder à un emploi, se nourrir, se loger, faire partie

d’une communauté), que d’atteindre « le mode de vie qu’il a raison de souhaiter » (2000 : 105). Ce

processus d’expansion des libertés réelles constituant selon Amartya Sen, l’objectif premier et le

moyen principal du développement.

En rupture avec l’ensemble des études qui ne présentent le développement du tourisme que sous