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données existantes

2. Forces évolutives

2.5. Autres forces évolutives

2.5.1. Mutation

La mutation est une erreur dans la reproduction conforme du message génétique (Henry et Gouyon, 1999). C’est le mécanisme principal d’apparition des virulences, en particulier chez les bactéries et les virus, puisque la taille importante des populations entraine un nombre de mutations plus important (McDonald et Linde, 2002). Cependant, chez L. maculans, il a été montré que les pathotypes virulents correspondant à des gènes de résistance spécifique jamais encore utilisés en Europe sont déjà présents en très faible fréquence dans les populations (Brun et al., 2001). Nous avons donc fait le choix de ne pas représenter la mutation dans SIPPOM. Ainsi, l’apparition des individus virulents n’est pas explicitée et les pathotypes virulents correspondant à la nouvelle variété résistante sont introduits dans SIPPOM grâce à l’initialisation de leur fréquence à des valeurs très faibles. Cependant, ceci pose le problème des valeurs que l’on donne à ces fréquences très faibles, puisqu’elles ne sont pas accessibles à l’expérimentation : l’obtention de ces valeurs nécessiterait un prélèvement d’un nombre de macules de l’ordre de 106, suivi d’isolement et de caractérisation des isolats. La sensibilité du modèle aux valeurs de ces fréquences a été analysée (Chapitre 3).

Par ailleurs, des données nouvelles très récentes permettent de mieux comprendre les mécanismes d’apparition des virulences chez L. maculans. Quatre types de mutations ont été décrits comme permettant l’acquisition de virulence (Balesdent, 2008). La perte du gène d’avirulence peut se faire par délétion d’un fragment d’ADN, c’est ce qui a été observé pour le gène AvrLm1 (Gout et al., 2007). Le gène d’avirulence peut être inactivé par insertion de séquences de rétrotransposons dans le gène ou la région promotrice (cas observé chez une souche avrLm7) ou par mutation de type RIP (Repeat Induced Point Mutation). La mutation RIP est un mécanisme particulier qui a lieu au cours de la méiose. Elle provoque des transitions C>T et G>A dans les séquences répétées du génome, impliquant l’apparition de codons stop donc l’inactivation du gène. Ce mécanisme est postulé intervenir dans l’inactivation des transposons. Des cas ont été observés chez des souches avrLm1 et avrLm7. Enfin, des phénomènes de mutation ponctuelle peuvent entrainer la perte du gène d’avirulence. Ce cas a été observé chez des souches avrLm4, où la perte de la reconnaissance du gène d’avirulence par les variétés possédant le gène de résistance Rlm4 ne s’accompagne pas de la perte de la fonction du gène d’avirulence pour le pathotype.

La diversité des mécanismes observés peut expliquer l’apparition rapide de virulences lors de l’introduction de nouveaux gènes de résistance dans les variétés. Ces mécanismes ne sont pas spécifiques aux différents gènes d’avirulence. De plus, certains gènes d’avirulence sont liés entre eux dans le génome, comme AvrLm1, 2 et 6 ou AvrLm4, 3 et 7, ce qui implique que l’acquisition des virulences n’est pas indépendante. On peut d’ores et déjà utiliser la version actuelle de SIPPOM pour tester l’effet de construction de variétés combinant plusieurs résistances sur la durabilité. Une perspective lorsque l’ensemble des informations aura été rassemblé, serait de compléter SIPPOM en explicitant l’apparition des individus virulents par mutation, pour pouvoir mieux prendre en compte les spécificités biologiques de L. maculans.

2.5.2. Coût de virulence

Un pathotype qui a perdu un gène d’avirulence acquiert un avantage sélectif pour infecter les variétés possédant le gène de résistance correspondant. En même temps, la perte de la fonction du gène d’avirulence peut entrainer un coût de survie supplémentaire pour le pathotype, ce qui le rend moins compétitif sur les parcelles de variétés sensibles. On connait peu le coût associé à l’acquisition des virulences chez L. maculans, et cela doit dépendre du gène d’avirulence considéré. Dans le cas de l’acquisition de la virulence 4 par exemple, l’allèle avirulent AvrLm4 offre un avantage sélectif aux pathotypes correspondants : accroissement du nombre et du diamètre des macules, meilleure production de pycnides et meilleure progression systémique (Huang et al., 2006). Pietravalle et al. (2006) ont montré, grâce à l’utilisation d’un modèle basé sur celui de van den Bosch et Gilligan (2003), que le coût de virulence aurait un impact important sur la durabilité. Il serait donc nécessaire d’estimer ce coût à chaque étape du cycle de développement du champignon ainsi que le coût global. Cependant, quatre éléments nous ont amenés à faire le choix de ne pas expliciter le coût de virulence dans SIPPOM : i) le manque de données disponibles au début de mon travail de thèse, ii) le fait que le coût de la virulence varie en fonction du gène d’avirulence considéré, iii) le fait que le coût de la virulence vis-à-vis d’un gène donné ne peut pas être prédit à l’avance avant l’apparition des premières souches virulentes, ce qui n’en fait pas un levier pour les stratégies de gestion, et iv) le fait que le coût de la virulence vis-à-vis d’un gène donné peut évoluer au cours du temps suite à l’adaptation des populations (il faudrait alors modéliser aussi cet aspect). Si ces difficultés étaient contournées, il serait tout à fait possible d’expliciter ce mécanisme dans SIPPOM et les formalismes actuels rendent cette modification ultérieure possible, en pondérant les fréquences des pathotypes lors du filtre. 2.5.3. Dérive génétique

La dérive génétique représente la fluctuation aléatoire de la fréquence des gènes dans une population d’effectif limité (Henry et Gouyon, 1999). Cette notion est donc liée à la taille des populations pathogènes : alors qu’une taille importante favorise l’apparition de nouveaux allèles par mutation, une faible taille peut conduire à la disparition d’allèles du fait de la dérive génétique (McDonald et Linde, 2002). La virulence acquise par certains pathotypes peut disparaître dans des populations pathogènes de petite taille en l’absence de pression de sélection (disparition de la région de la variété possédant le gène de résistance correspondant), si par ailleurs la perte du gène d’avirulence entraîne un coût de survie supplémentaire pour le pathotype. En général, les nouvelles variétés commercialisées possèdent les gènes de résistances qui ont été contournés (par exemple, 25 % des variétés en France possèdent le gène de résistance Rlm4 ; d’après X. Pinochet, CETIOM, M.H. Balesdent, INRA, cités par Huang et al., 2006). Ainsi, la pression de sélection exercée sur les populations pathogènes reste importante, et il est peu probable que la dérive génétique soit un mécanisme majoritaire

Chapitre 2. Acquisition des connaissances pour compléter les formalismes de SIPPOM

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3.

Conclusion

Cette partie m’a permis de compléter les modules préexistants utilisés dans SIPPOM, et de créer les modules manquants. Bien sûr, des améliorations seront possibles dans le futur, en particulier avec l’arrivée de connaissances nouvelles. Cependant, c’est la première fois que la somme de toutes ces informations est rassemblée pour un même champignon phytopathogène. Ceci offre la perspective unique de modéliser explicitement l’intégralité du cycle de vie du champignon sous les effets des systèmes de culture. En particulier, la récurrence des épidémies entre les saisons successives, la croissance du peuplement, la dispersion de l’inoculum entre parcelles dans le paysage et la prise en compte de plusieurs forces évolutives. Le chapitre suivant présente la structure du modèle ainsi que son analyse de sensibilité.

Chapitre 3. Structure et analyse de sensibilité

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