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Chapitre 1 : États des connaissances

1.3. Déclin des pollinisateurs et principaux facteurs

1.3.2. Autres facteurs dans le déclin des bourdons

Les changements climatiques impliquent une modification durable des paramètres statistiques comme les températures moyennes, les précipitations moyennes et les extrêmes de température dans le climat mondial ou régional (Bush and Lemmen 2019). Phénomène habituellement naturel, il est dangereusement amplifié par les humains depuis la révolution industrielle (Bush and Lemmen 2019). Dans le Sud du Québec, les températures observées, depuis les cinq dernières décennies, ont augmenté de 1 à 3°C. Or, les températures annuelles devraient encore augmenter d’environ 2 à 4 °C à l’horizon 2070, et de 4 à 7 °C pour la période 2070-2100 (Bush and Lemmen 2019). Ces augmentations, même de quelques degrés, ont des conséquences considérables sur les écosystèmes.

Les principales réponses écologiques connues des organismes envers les changements climatiques sont le décalage de l’aire de distribution des espèces vers les pôles(Lancaster et al. 2015), le changement de la phénologie du cycle vital des espèces (Durant et al. 2007) et la diminution de la taille des espèces et des individus, principalement chez les ectothermes (Gardner et al. 2011; Sheridan and Bickford 2011). Contrairement à la majorité des organismes étudiés, l’aire de distribution des bourdons de l’hémisphère nord ne semble pas se déplacer vers le nord. En effet, une étude a utilisé des données d’occurrence de bourdons des 110 dernières années pour l’Amérique du Nord et l’Europe (Kerr et al. 2015). Leurs conclusions : les 67 espèces de bourdons étudiés d’un continent à l’autre partagent toutes la même réponse aux changements climatiques, soit une diminution de leur présence dans le Sud et un statu quo de leur présence dans le Nord. Leur aire de distribution se voit donc de plus en plus réduite au fil des années (Kerr et al. 2015). De plus, l’abondance de plusieurs bourdons, dont Bombus affinis (passé de 1859 spécimens capturés en 1974 à 74 en 2010), B. bohemicus (passé de 530 spécimens capturés en 1974 à 80 en 2010) et B. borealis (passé de 708 spécimens capturés en 1974 à 153 en 2010) a drastiquement diminué en Amérique du Nord.

Les bourdons, comme tout organisme, sont dépendants de leur source de nourriture et de leur environnement. Les changements de température enregistrés dans les dernières années ont eu pour effet de modifier à la fois la phénologie de leurs sources de nourriture en plus de leur propre phénologie (Forrest 2015; Miller- Struttmann et al. 2015). En conséquence, des décalages phénologiques entre les plantes et leurs pollinisateurs spécialistes sont de plus en plus observés (Forrest 2015). En Pennsylvanie, des données historiques sur la présence de deux bourdons spécialistes (B. balteatus et B. sylvicola) en région alpine ont permis de montrer un changement dans leur régime alimentaire (Miller-Struttmann et al. 2015). Au départ, ces espèces à glosse longues étaient principalement adaptées à la présence de fleurs à longue corolle. Au fil du temps, et dû aux changements climatiques, d’autres espèces de bourdons ont rejoint ces régions alpines et ont fait concurrence aux deux

bourdons natifs. Ces derniers, pour pouvoir survivre à cette compétition interspécifique, ont dû élargir leur niche alimentaire afin d’accéder à plusieurs types de fleurs. Ceci a été permis par une réduction graduelle de la longueur de leur glosse (Miller-Struttmann et al. 2015). Une autre étude a également montré que l’augmentation prévue des températures pouvait affecter la phénologie des abeilles. Suite à des tests effectués en laboratoire, ils ont observé que l’abeille Plebeia droryana (Friese) (Hymenoptera: Apidae : Meliponini), une espèce qui vit au Brésil et dont la diapause reproductive est connue, perd sa diapause avec l’augmentation des températures (Dos Santos et al. 2015). Ce changement dans le cycle de vie de cette espèce pourrait grandement affecter sa niche écologique et les espèces de plantes qu’elle pollinise. Les changements climatiques affectent donc la phénologie des insectes en plus des relations trophiques interspécifiques. Ces conséquences pourraient donc grandement affecter les espèces spécialistes menacées ou en péril.

1.3.2.2. Maladies, parasites et prédateurs

Plusieurs organismes vivants vont nuire à la santé et à la survie des colonies de bourdons, autant chez les colonies commerciales que les colonies sauvages. Ces organismes peuvent se retrouver naturellement dans l’environnement ou provenir d’hôtes différents, comme l’abeille à miel. Certains parasites vont pouvoir être transmis des abeilles à miel aux bourdons sauvages, et similairement, les bourdons commerciaux vont pouvoir transmettre leurs parasites aux pollinisateurs indigènes. En effet, des bourdons sauvages retrouvés à proximité (< 500 m) de ruches d’abeilles à miel ou de colonies de bourdons commerciales présentaient des prévalences en parasites (Apicytis bombi et Crithidia bombi) beaucoup plus élevés que les colonies placées à 5 km (~18%; Graystock, Goulson, & Hughes, 2014). La transmission de maladies et parasites aux populations de bourdons indigènes par le biais de pollinisateurs commerciaux inquiète de plus en plus et compte parmi les causes les plus citées du déclin des pollinisateurs. Les infections fongiques Nosema bombi et Crithidia bombi, certains virus transmis par les acariens, ainsi que les papillons qui se spécialisent dans la destruction des nids, comme la pyrale du bourdon, Aphomia sociella (Lepidoptera : Pyralidae), sont tous des parasites ou

prédateurs qui peuvent grandement nuire au développement des colonies de bourdons.

Nosema bombi et C. bombi sont des parasites obligatoires intracellulaires faisant partie du règne des champignons. Ils se retrouvent dans le système digestif des bourdons et sont généralement inoffensifs (Imhoof and Schmid-Hempel 1999), mais peuvent causer d’importants dommages lorsque la reine et les colonies sont en période de stress. Lorsque testées en milieu contrôlé, les colonies infectées par N. bombi ont produit moins de mâles et pratiquement aucune reine (Otti and Schmid- Hempel 2007). Similairement, lorsque les colonies infectées à C. bombi étaient affamées, leur succès reproducteur diminuait de près de 40% et la durée de vie de leurs ouvrières était réduite en moyenne de 50% (Brown et al. 2000; Brown et al. 2003).

Certains virus associés à l’abeille à miel, comme le virus de l’aile déformée (DWV), peuvent également toucher les populations de bourdons sauvages. Bien qu’ils soient transmis à l’abeille à miel par le biais de la mite Varroa destructor, la voie orale (via le pollen et le nectar des fleurs) semble être celle privilégiée pour contaminer les populations de bourdons indigènes. En effet, même en l’absence du varroa, les bourdons indigènes sont tout de même infectés (Genersch et al. 2006). Ces virus sont parfois même plus virulents chez le bourdon, puisqu’un changement d’hôtes entraine souvent un changement dans la virulence du virus (Fürst et al. 2014).

Un autre ennemi des bourdons est la pyrale des bourdons, A. sociella. Ce papillon se nourrit, lors de ses stades larvaires, de toutes les composantes du nid des bourdons, soit la cire, le pollen, le nectar et le couvain. Les larves se développent et peuvent complètement saccager un nid de bourdons mature sur une période d’environ quarante jours (Pouvreau 1988). La valeur adaptative des colonies n’est pas trop réduite, puisque les chenilles attaquent le nid souvent après le début de la production des gynes (futures reines) (Goulson et al. 2018). Les infestations peuvent

cependant toucher une grande proportion des colonies, presque 55% des nids étaient infestés lorsqu’étudiés par Goulson et al. (2018).

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