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Autonomie et émancipation par la maitrise des technologies 48 !

3. A NALYSE DES RÉSULTATS 48 !

3.1. POURQUOI S’ORGANISER : LES OBJECTIFS DE L’ORGANISATION 48 !

3.1.1. Autonomie et émancipation par la maitrise des technologies 48 !

Le premier objectif soulevé par notre étude est la recherche par les membres du collectif d’un apprentissage de la technologie à des fins d’autonomie et d’émancipation. Cet apprentissage vers l’autonomie et l’émancipation est le processus par lequel un individu acquiert la capacité de comprendre le fonctionnement d’une technologie qui au départ lui était étrangère, et par là-même la capacité d’interagir avec cette technologie, pour expérimenter avec, la modifier, la mobiliser afin de produire quelque chose d’autre.

Cet objectif n’est pas surprenant au sein du LFO car il correspond aux ambitions développées par le tout premier Fab Lab au MIT, qui visait à enseigner l’utilisation des machines outils afin de « créer (presque) n’importe quoi ». L’autonomie et l’émancipation

vis-à-vis des technologies sont recherchées à différents niveaux par les membres du collectif.

3.1.1.1. Une posture ancrée pour les animateurs

L’objectif d’émancipation technologique est particulièrement important pour les trois garçons de Reso-nance. Pour Éric, la posture du LFO par rapport aux nouvelles technologies est « low tech »33, c’est à dire qu’ils cherchent à fabriquer des objets

(électroniques ou non) composés de modalités simples, décomposables et possibles à appréhender. Cette vision s’oppose au « high tech » considéré comme compliqué, inaccessible et mystérieux. Au LFO, « on brise le mystère de comment sont faites les choses ».

Anthony compare lui les Fab Labs à des associations de consommateurs. Ils servent à décrypter les objets afin d’ « éviter d’être esclave des grandes entreprises ». Ces dernières exercent selon lui une logique de domination sur les consommateurs en cachant les processus de fabrication, comme par exemple Apple avec ses ordinateurs coûteux et qu’on ne peut pas démonter et « bidouiller » soi-même. Ce serait donc gagner en émancipation que d’arriver à comprendre et maitriser les technologies de production de ce genre d’objets.

Quant à Jérôme, il met particulièrement l’accent sur l’apprentissage des machines et des techniques, dont les participants sont seuls responsables : « Ce qu’on veut faire comprendre aux gens, c’est que c’est un atelier associatif ouvert, mais que c’est pas une photocopieuse. C’est que les gens ils ont des idées, mais ceux qui suivent et qui commencent à faire, à fabriquer, qu’il y ait quelque chose de concret derrière, [ça représente en effectif] 10 ou à 20% en gros quoi.... Tout ce qui est fait ici, il devrait y avoir au moins un petit fichier sur Internet pour qu’on puisse se dire « ah lui il a fait ça, bah oui moi ça me fait penser à ça », on récupère, on modifie, etc., de pas être dans une consommation d‘utilisateur basique. Mais y’a des gens qui croient qu’on travaille pour eux. Y’a ce côté là tout de suite à enlever, le côté prestation gratuite, le travail gratuit... L’idée, c’est de pas faire à la place. ». Pour Jérôme, l’objectif est que les gens se prennent en main et se lancent dans la fabrication de leur projet afin d’acquérir l’autonomie nécessaire à l’utilisation des machines et pour être producteur plutôt que simple consommateur.

33 Pour plus d’information sur l’approche « low tech », voir Bihouix P. (2014), L'âge des low-tech :

Cet objectif est particulièrement pris au sérieux par les gestionnaires. Pour Céline, la maitrise des technologies se doit d’avoir un intérêt supérieur pour le participant, et ne doit pas servir pour des productions « futiles » : « c’est pas pour rigoler quoi, on est pas là pour imprimer des coques d’iPhone quoi, ni même pour faire des moules à cupcakes ».

3.1.1.2. Les participants à la découverte des technologies et du faire soi-même Pour les participants, le LFO est l’occasion de découvrir les technologies, de satisfaire sa curiosité, et même d’avoir la fierté de fabriquer soi-même des objets.

En discutant avec un participant de passage, celui-ci nous résume en quelques mots tout l’intérêt du LFO : « Ici, on apprend à devenir débrouillard ! ». C’est aussi l’avis d’Antoine, qui travaille sur un projet de mallette pédagogique pour les handicapés : « Nous, avec mon partenaire sur ce projet, on est au départ un peu bricoleur, mais on est pas des makers, on y connaît pas grand chose. Et Reso-nance nous aide à être de plus en plus autonome. Parce que nous on a plein d’idées, on cherche des financements pour faire vivre tout ça, et ce qui est cool avec eux c’est le truc pédagogique d’apprendre à se débrouiller quoi. ».

En effet, l’apprentissage des technologies est pour de nombreux participants une priorité. Davy, étudiant aux Beaux-Arts, se rend au LFO pour « expérimenter avec les machines, avoir une première approche, voir ce qu’on peut faire ». Il nous explique : « Mon projet, c’est un prétexte pour apprendre la programmation et tout ça. J’ai une idée en tête, ça me permet d’apprendre ça, on s’en fout si ça fonctionne pas, on essaye, on apprend. ». L’idée est la même pour Thomas, professeur de design graphique, qui considère le LFO comme un lieu d’apprentissage où ses étudiants peuvent aller pour « bricoler » des choses. Car, le LFO donne accès à des machines et des outils auxquels ils ne peuvent pas avoir accès ailleurs. De même pour Jonathan, qui explique : « C’est cool de pouvoir appréhender des technologies en fait qu’on utilise pas forcément et qui permettent de produire des résultats concrets et facilement abordables ».

L’objectif d’émancipation passe aussi par le fait de fabriquer soi-même ce dont on a besoin. Sophia souhaite utiliser les outils du LFO pour faire du matériel personnalisé, sans avoir à le faire fabriquer par une entreprise ou à investir dans des machines coûteuses : « Moi j’ai envie de monter ma propre structure associative, j’ai pas tellement d’argent donc un lieu comme celui là c’est un formidable moyen de plancher sur la fabrication de son propre matériel. ». Pour Fatia, stagiaire à l’école de la deuxième chance, c’est la notion de fierté qui ressort : « Là, je viens pour moi. À la fin, je dirai sûrement « c’est mon tampon, c’est moi qui l’ai fait », c’est pas juste un tampon que

j’aurais acheté. Je pense que je serai fière de moi. ». Il en ressort l’intérêt de ne pas être seulement un consommateur passif, mais d’aller au devant de ses besoins, de produire soi-même ce que l’on veut sans intermédiaire.