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2. L’absorption : un paramètre clé pour le pompage direct

2.2 Comment favoriser l’absorption en pompage direct ?

2.2.1 Augmenter le coefficient d‟absorption

Avant la discussion, nous allons exprimer complètement le coefficient d‟absorption

P en fonction des paramètres de notre système.

Expression du coefficient d’absorption

Pour déterminer le coefficient d‟absorption P, il faut revenir aux équations des débits dans le cas du concept de pompage direct. Il est défini par l‟expression suivante :

f

P abs( P).N em( P).Ne

      I.2.2{2}

Avec abs(P) la section efficace effective d‟absorption à la longueur d‟onde de pompe P, Nf la population du multiplet fondamental, em(P) la section efficace

d‟émission à la longueur d‟onde de pompe et Ne la population du niveau excité

(niveau haut de la transition laser).

Pour la résolution, on détermine l‟expression des densités de populations Nf et Ne et on obtient les expressions suivantes :

em P abs P t abs P em P P em 1 I ( ).N . 1 ( ) ( ) .I I                 I.2.2{3} em P abs P t P PSat Sat 1 . .I ( ).N . I I 1 I I          I.2.2{4}

Avec em la section efficace d‟émission à 1064 nm, I l‟intensité laser à 1064 nm, le

temps de fluorescence, IP l‟intensité de pompe et IPSat l‟intensité de saturation et ISat

l‟intensité de saturation laser. Ces deux dernières ont pour expression :

PSat abs P em P 1 I . ( ) ( )        I.2.2{5}

Sat em l 1 I . ( )     I.2.2{6}

L‟intensité de saturation de la pompe peut donc être estimée pour nos deux cristaux à température ambiante. Nous avons calculé :

4 PSat ~ 50 kW/cm² (Nd:YVO pompé à 914 nm) I et ~ 54 kW/cm² (Nd:YAG pompé à 938 nm)                I.2.2{7}

L‟intensité de saturation de la pompe est donc très élevée par rapport aux conditions de pompage utilisées aux chapitres 3 et 4 suivantsi. Nous pouvons alors négliger le terme IP/IPSat devant 1 dans la suite de ce travail. On supposera donc pour cette étude, qu‟en l‟absence d‟effet laser, le coefficient d‟absorption P s‟écrit simplement :

P abs( P).Nt

    I.2.2{8}

Le coefficient d‟absorption dépend donc de la population totale et du facteur de population f5 du sous-niveau Z5 à partir duquel est réalisé le pompage qui est contenu dans l‟expression de la section efficace effective d‟absorption (d‟après une formule similaire à celle donnée pour l‟Yb:YAG en partie I (expression I.3.1{3}).

Ainsi, notre problème revient à étudier d‟une part, les possibilités d‟utiliser une forte concentration en ions actifs dans le milieu et d‟autre part, les conséquences de l‟augmentation de la température globale du cristal (pour favoriser la population du sous- niveau Z5 (d‟après l‟expression I.3.1{1}).

Forte concentration de dopant et limitations

Contrairement au cristal d‟Yb:YAG, les conditions de croissance sont relativement délicates à maîtriser dès que l‟on souhaite doper fortement des cristaux avec l‟ion Nd3+. Ce dernier est substitué difficilement à l‟ion Y3+ à cause de la différence de rayons ioniques entre les deux espèces. Par conséquent, le dopage est limité à des taux inférieurs à 3 at.% environ.

De plus, des cristaux fortement dopés en ions Nd3+ ont des propriétés spectroscopiques et thermo-mécaniques moins bonnes que pour un taux de dopage typique de 1 at.%. En effet, le temps de vie diminue de façon importante à cause du phénomène d‟extinction de fluorescence présenté précédemment en partie I, au chapitre 3. Ce phénomène a fait l‟objet d‟études complètes pour l‟ion néodyme dans la littérature [García-Rubio '00].

Nous avons reproduit sur la Figure 2-3 suivante, l‟évolution du temps de vie de fluorescence pour différentes concentrations d‟après des résultats de la littérature

i Par exemple, pour une puissance de pompe de 30 W incident sur un diamètre de 400 µm,

Figure 2-3 : Evolution du temps de vie du Nd:YAG et du Nd:YVO4 avec le

taux de dopage en ions Nd3+ [Blows '98-Peterson '02-Yan-Li '02-Dong '05].

L‟augmentation du taux de dopage se traduit également par l‟augmentation des effets non radiatifs comme l‟upconversion [Guyot '95] et les relaxations croisées [Guy '98]. (Ces effets et leurs conséquences thermiques sont décrits succinctement dans l‟encadré suivant, pages 180-181). Par conséquent, pour une même géométrie et un taux de dopage supérieur, l‟échauffement local sera accentué non seulement par l‟effet d‟une densité de puissance déposée plus importante (exprimé par le terme dPP/dz dans l‟équation I.3.1{21}) mais également par une recrudescence de ces effets non-radiatifs (cf. encadré suivant). Des études montrent bien que les taux de désexcitations non radiatives (Auger ou relaxations croisées) ont tendance à augmenter de façon linéaire avec le taux de dopage [Ostroumov '98].

Enfin, comme dans le cas de l‟Yb:YAG, une augmentation du taux de dopage se traduit par une diminution de la conductivité thermique, aussi bien dans le Nd:YAG que dans le Nd:YVO4. L‟évolution calculée d‟après le modèle de Romain Gaumé est reproduite sur la Figure 2-4 ci-dessous [Gaumé '02]. On remarque par ailleurs que le Nd:YVO4 a une capacité à évacuer la chaleur qui est bien moins bonne que le Nd:YAG.

Figure 2-4 : Evolution des conductivités thermiques du Nd:YAG et du Nd:YVO4 avec le taux de dopage.

Finalement, chercher à augmenter le taux de dopage peut être une voie à explorer, mais elle n‟est pas sans contraintes.

Augmenter la température moyenne dans le cristal et limitations

Améliorer le peuplement du sous-niveau Z5 peut également se faire en chauffant le cristal artificiellementi. En partie I, nous avons discuté en détails des conséquences de l‟augmentation de la température sur les propriétés de l‟Yb:YAG dues à la structure à quasi-trois niveaux. Dans le cas du Nd3+, a priori seul l‟élargissement des raies d‟émission peut avoir des conséquences sur les performances, car cela s‟accompagne d‟une chute des sections efficaces d‟émissions. Des études ont été réalisées pour le Nd:YAG et confirme cette décroissance [Rapaport '02-Dong '05]. La loi empirique obtenue dans ces travaux est la suivante (la température T est °K) :

20

em

(T)

3.7 10

.T

3.3710

(en cm²)

 

-23

I.2.2{9}

Comme on peut le voir sur la Figure 2-5 suivante, augmenter la température jusqu‟à 150°C se traduit par une réduction de plus de 20 % de la section efficace d‟émission par rapport à la valeur à température ambiante !

Figure 2-5 : Evolution de la section efficace d‟émission du Nd:YAG à 1064 nm en fonction de la température (d‟après [Rapaport '02]).

L‟accroissement de la température se traduit également par une dégradation des propriétés thermo-mécaniques comme nous l‟avons évoqué en partie I, au chapitre 3.

Ce concept « d‟activation thermique de l‟absorption » qui sera étudié expérimentalement au cours des chapitres suivants, n‟est pas, lui non plus sans contreparties pour les propriétés du milieu.

i L‟originalité de ce concept supposerait donc que pour réduire les effets thermiques sur le faisceau

Effets thermiques et désexcitations non radiatives dans l’ion Nd3+

Par rapport à l‟ion ytterbium, le cristal néodyme est connu pour sa spectroscopie relativement complexe. Cela engendre l‟existence d‟effets parasites qui viennent accentuer la charge thermique totale. Un ion dans le niveau émetteur a alors plusieurs façons de se désexciter. On peut en distinguer deux types : les désexcitations radiatives (l‟émission spontanée et l‟émission stimulée) et les désexcitations non radiatives. Les désexcitations radiatives sont accompagnées du dégagement de chaleur lié au défaut quantique laser ou au défaut quantique de fluorescence. A l‟inverse, les désexcitations non-radiatives sont des effets parasites qui augmentent la charge thermique. Une brève description est faite pour chacun d‟eux en s‟appuyant sur le schéma de principe représenté la Figure 2-6.

Figure 2-6 : Schémas des principales désexcitations non radiatives menant à la génération de chaleur dans le cristal.

La principale source de chaleur est la relaxation multiphonon. Comme le représente le schéma de la Figure 2-6, elle traduit la désexcitation d‟un ion vers un niveau de plus basse énergie par transfert successif de l‟énergie à des phonons de la matrice. Ces transferts conduisent alors à un dégagement de chaleur dans le cristal.

Nous avons déjà évoqué précédemment l’extinction de fluorescence par effet de

concentration (cf. partie I, chapitre 3)i. Dans le cas de cristaux dopés Nd3+ présentant des

impuretés, il peut mener au transfert de l‟énergie des ions excités en chaleur. Cet effet qui est d‟autant plus présent que la concentration en ions et la température sont élevées [García-Rubio '00].

Les trois autres effets ne sont présents que dans le cas d‟ions laser ayant une spectroscopie complexe (Nd3+, Er3+…). C‟est le cas de l‟absorption de l’état excité (ou ESA en anglais pour Excited State Absorption). Elle intervient quand un ion excité une première fois, peut l‟être à nouveau vers un niveau supérieur grâce à l‟absorption d‟un photon de pompe (ou d‟un photon laser). L‟ion se désexcite ensuite de façon non radiative accompagné de dégagement de chaleur dans le milieu. De nombreuses études ont été faites sur divers matériaux dopés à l‟ion Nd3+ pour lequel cet effet est bien présent [Guyot '93-

Guyot '95]. Cependant en régime continu, ce phénomène est « court-circuité » par l‟émission stimulée qui est prédominante [Fornasiero '98-Kuck '98].

Dans l‟état excité, un ion peut perdre son énergie vers un niveau intermédiaire accompagné d‟une excitation d‟un ion initialement dans l‟état fondamental vers ce même niveau intermédiaire. Cet effet porte le nom de relaxations croisées. Les deux ions dans le niveau intermédiaire se désexcitent alors vers le niveau fondamental sous forme non radiative [Guy '98].

Enfin, le phénomène de désexcitation Auger (ou « upconversion ») impliquent

deux ions proches de l‟état métastable : alors qu‟un des ions transfert son énergie vers un niveau supérieur, le second rejoint un niveau intermédiaire de plus basse énergie avant d‟atteindre le niveau fondamental (en perdant son énergie sous forme de chaleur par relaxation multiphonons). Cet effet est d‟autant plus probable que le taux de dopage est important [Guyot '95-Guy '98]. L‟upconversion a également fait l‟objet d‟études intéressantes cherchant en particulier à modéliser son influence dans les équations des débits [Chen '00b-Bjurshagen '04]. Cette dernière consiste à considérer que l‟upconversion induit une réduction de l‟inversion de population n par l‟intermédiaire de l‟expression différentielle suivante :

d n

. n² dt

  

I.2.2{10} Avec  la constante de désexcitation Auger.

La constante qui apparaît dans l‟équation I.2.2{10} est propre à chaque cristal. Elle est de l‟ordre de 1.5×10-15 cm3/s pour un cristal de Nd:YVO

4 dopé 0.5 at.% [Chen '00b] et entre 1.8×10-15 cm3/s [Chen '00b] et 2.8 ×10-15 cm3/s [Guyot '95] pour un cristal de Nd:YAG dopé 1 at.%. Les variations entre ces mesures expérimentales s‟expliquent probablement par le fait que ce modèle soit trop simpliste pour rendre compte correctement de tous les phénomènes présents (voir l‟article d‟Ostroumov et al. sur le sujet [Ostroumov '98]). Cette modélisation a cependant le mérite de rendre compte des conséquences de ce phénomène de désexcitation. En effet, d‟après l‟équation I.2.2{10}, on remarque que plus l‟inversion de population est importante plus l‟upconversion aura un effet négatif. C‟est particulièrement vrai en régime impulsionnel ou en amplificateur où l‟on recherche à conserver une forte inversion dans le milieu à gain.