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En rééducation fonctionnelle, en quoi le flow peut-il être utilisé par l'ergothérapeute lors d'une activité ludique?

2. Matériel et méthode

3.5. Rôle de l’ergothérapeute

1.1.4. Au fil des séances

Thème Fragments de discours entretien n°1 Fragments de discours entretien n°2 Fragments de discours entretien n°3 Relation et attitude

Tu sens des fois des gens qui en ont marre, qui sont tristes 265 [...] ça fait partie aussi de notre prise en charge 269

Je vais essayer [...] de l'apaiser, de le rassurer 44

Mais aussi des rapports un peu ludiques 197

On est à l'écoute 196 une ambiance qui leur permette de se détendre 195

Mettre en confiance 60 Il faut le valoriser 49

La relation thérapeutique est favorisée par une attitude d’écoute permettant la mise en confiance. Le soignant est sensible à l’état psychologique du patient, et le prend en compte au cours de la séance. Il essaye de proposer une ambiance propice à la détente et d’apaiser et rassurer la personne. Le rapport ludique peut s’ajouter au rapport thérapeutique, et permet de travailler « en se faisant plaisir » (199, E2).

4. Discussion

Cette partie nous permettra de confronter les résultats obtenus lors des entretiens à notre cadre théorique afin de tenter de répondre à notre problématique :en rééducation fonctionnelle, en quoi le flow peut-il être utilisé par l'ergothérapeute lors d'une activité ludique?

4.1. Caractéristiques de l’activité ludique choisie

Nous avons vu que certains ergothérapeutes préfèrent proposer en début de rééducation des activités faciles, et passer par la suite à des activités légèrement au dessus des capacités du patient. Selon la théorie du flow, effectuer une tâche en dessous de ses capacités met la personne dans un état de détente ou de contrôle. La personne se sent alors forte, heureuse et satisfaite ce qui est intéressant pour la mettre en confiance en début de prise en charge. En revanche, cette personne va rapidement ressentir un manque de concentration, d’implication et de sentiment de faire des choses importantes. C’est alors le moment de lui proposer une tâche plus difficile. Le choix d’une activité légèrement supérieure aux capacités du patient permet de le mettre dans un état d’excitation. Il est alors focalisé sur la tâche, actif et très impliqué, mais n’a pas de sensation de force et de contrôle. Pour les éprouver il devra augmenter ses capacités. Cet état est donc favorable aux apprentissages [16]. Un des ergothérapeutes interrogés utilise des activités adaptées aux capacités du patient, il choisit donc les conditions idéales pour accéder à l’expérience optimale.

La présence d'un feedback ne semble pas être un critère de sélection du jeu pour les ergothérapeutes interrogés. C'est donc un point qui peut être intéressant à étudier. Les activités flux produisent une rétroaction immédiate qui permet à la personne de savoir si chacune de ses actions est réussie ou non. Si certains mettent les solutions à la disposition de patients pour leur permettre de s’auto-corriger, on reste loin de cette rétroaction immédiate permettant de savoir comment progresse la performance à chaque étape [16]. Certains jeux offrent automatiquement un feedback. Prenons l’exemple du puzzle, fréquemment utilisé en rééducation, la pièce ne va s’encastrer que si le joueur à trouvé la bonne place. Pour d’autres jeux, la rétroaction est à la demande, à l’aide, par exemple, d’un code couleur dissimulé à l’arrière des pièces du jeu. Le joueur peut donc avoir recours au feedback à chaque fois qu’il le juge nécessaire. Dans les jeux de compétition se jouant à plusieurs, l’erreur peut être

révélée par l’adversaire, en lui permettant de prendre l’avantage à son tour de jeu. Il est alors en revanche trop tard pour une correction. Enfin, la plupart des jeux numériques proposent une rétroaction immédiate, et parfois même un guidage vers la bonne réponse en cas d’erreurs.

Les ergothérapeutes expliquent avant chaque activité, les règles et les objectifs suivis. De toute façon, selon Csikszentmihalyi, les jeux « ont un but et des règles qui permettent au joueur de savoir quoi faire et comment procéder » [16]. Chaque jeu à un objectif clair nécessitant des réactions appropriées, qui peuvent être guidées par le thérapeute si cela s’avère nécessaire.

La concentration et l’attention sont décrites comme nécessaires au jeu par l’ensemble des thérapeutes. En revanche, ils n’essayent pas forcément de la faciliter. Les distractions ne sont pas forcement limitées, et sont même parfois volontairement ajoutées pour reproduire des situations proches de celles vécues dans la vie quotidienne.

La présence d’un feedback semble être l’élément de la théorie du flow le moins pris en compte lors du choix de l’activité. La présence de distractions peut limiter l’attention et la concentration du joueur.

4.2. Caractéristiques de l’expérience optimale

La perte de conscience de soi semble être observée par les thérapeutes interrogés. En regardant de plus prés leur description de cette altération de la conscience, on s’aperçoit que deux phénomènes sont confondus sous cette appellation. Pour certains, la personne a « tendance à oublier le reste » (128, E3) et est focalisée sur l’activité. On se rapproche alors de la définition donnée par Csikszentmihalyi. C’est la préoccupation de soi qui disparait, il n’y a plus de place pour l’examen du soi. Pour d’autres, le geste est fait inconsciemment, sans y penser. La personne est alors dans la perte de la conscience de se qui ce passe dans son corps. Or, pour Csikszentmihalyi, c’est le contraire de ce qui apparait lors d’une expérience optimale où la personne a le contrôle de tout ce qui se passe dans son corps [17].

La focalisation sur la tâche est limitée par la nécessité pour le thérapeute d’interrompre l’activité pour corriger la posture, le geste ou les compensations. En revanche, elle semble facilitée par l’absence de distractions. La concentration totale de la personne sur la tache parait dépendre de la personne. Cette variation entre individus est expliquée par Csikszentmihalyi par l’aptitude de la personne à contrôler sa conscience. Il distingue les personnes autotéliques qui rendent possible l’expérience optimale des personnes non autotéliques qui subissent les événements [17].

L’altération du temps semble parfois observée, mais pas systématiquement, certains jeux semblent faciliter ce phénomène.

La dernière caractéristique de l’expérience optimale est que la tâche est accomplie pour elle- même. Nous avons eu des réponses qui semblent parfois contradictoires pour cette question. Il semblerait que les patients réalisent l’activité de jeu pour la rééducation (la tâche n’est donc pas accomplie pour elle-même) mais qu’ils oublient parfois l’objectif de rééducation et « se mettent à jouer pour jouer » (153, E3) (la tâche est alors accomplie pour elle-même). Le thérapeute est garant de l’objectif de rééducation, il lui parait nécessaire de replacer l’activité dans un contexte de rééducation (et non d’animation). Ce rappel des objectifs peut cependant empêcher d’accomplir la tâche pour elle-même.

La perte de conscience de soi et l’altération du temps qui passe sont difficiles à détecter sur quelqu’un d’autre. Pour étudier ses deux phénomènes il faudrait interroger directement les personnes concernées.

La focalisation sur la tâche varie en fonction de la personne et de l’environnement. L’accomplissement de la tâche pour elle-même est limité par le rappel de l’objectif thérapeutique.

4.3. Effets de l’expérience optimale

Le plaisir est présent dans l’activité ludique pour tous les professionnels. Cette notion de plaisir se retrouve dans les définitions du jeu de Huizinga (sentiment de tension et de joie) et de Ferland (plaisir) [3], [4].

Ce plaisir éprouvé lors du jeu semble lié à la motivation du patient et à son engagement. L’impact de l’immersion totale dans le jeu sur l’engagement et la motivation est présent à des degrés divers dans les trois discours étudiés.

Pour les thérapeutes interrogés, le jeu est motivant car il donne un but, du plaisir ou parce que la personne a envie de gagner. Pour Csikszentmihalyi, si la compétition peut être positive, l’envie de gagner n’est pas toujours compatible avec l’expérience optimale. En effet, si la personne est focalisée sur le fait de l’emporter sur l’autre elle n’est plus centrée sur l’activité [16].

Les trois professionnels observent un impact sur l’estime de soi. Le jeu leur semble valorisant car la personne peut montrer des capacités préservées, réaliser une activité qu’elle pratiquait auparavant. Cette valorisation est plus forte encore en cas de la victoire. Le jeu peut aussi être un moyen de montrer au patient ses progrès. Dans la théorie du flow, lors de l’expérience optimale, la personne se sent plus forte que jamais. Après avoir terminé sa tâche, la personne est fière d’avoir réalisé un défi au maximum de ses capacités. L’estime de soi se développe au fil des défis choisis par la personne.

Seuls deux des thérapeutes observent une diminution de l’anxiété lors de l’immersion dans l’activité ludique. Pour eux cet impact positif est lié au fait d’être focalisé sur la tâche. La personne ne pense plus au geste modèle, elle est dans le moment présent et peut oublier ses préoccupations pendant un moment. Pour Csikszentmihalyi, l’atteinte du flow ne permet pas de réduire le stress subit, mais rend la personne capable de lutter contre ses conséquences psychiques négatives [19].

En opposition à la théorie du flow, le bonheur semble être présent pendant le jeu, et pas seulement rétrospectivement. Cela pourrait montrer que l'immersion dans l’activité n'est pas toujours totale.

Enfin les ergothérapeutes ont observé que la douleur pouvait être limitée par la focalisation sur la tâche, le fait de penser à autre chose. Selon la théorie du flow, l’énergie psychique est

entièrement absorbée par l’activité, et n’est donc plus disponible pour prendre conscience des sensations superflues.

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