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La bibliothèque contient environ mille cent cinquante titres. Certains de ces titres sont regroupés dans des recueils factices. La bibliothèque compte en outre de nombreuses séries. Tous calculs faits, on peut estimer le nombre de volumes à environ mille sept cent cinquante.

Elle recèle des ouvrages intéressants du 16e siècle ou des éditions rares17, mais ces livres ne sont pas légion. Ce n’est pas une bibliothèque « précieuse » ou de bibliophile mais plutôt une bibliothèque de « travail ». On devine toutefois une volonté de pérennité car les livres sont reliés et les brochures rassemblées dans des recueils factices par thèmes18. Dufour était très soigneux avec ses livres : il numérotait les cartes géographiques, corrigeait les coquilles, ajoutait des dates d’édition ou des noms d’auteur sur les pages de titre, mentionnait l’existence d’atlas joints aux volumes et indiquait leur localisation dans la bibliothèque, etc.

Il ne répugne toutefois pas à écrire dans ses livres19 qui sont parfois très lourdement annotés et illustrés de croquis de sa main. Environ cent septante ouvrages sont annotés20, ce qui représente tout de même dix pour cent de l’ensemble de la bibliothèque. Il semble toutefois que les livres édités après 1850 soient moins systématiquement annotés21. Quand il annote ses livres, Dufour signale la plupart du temps le passage qu’il va commenter par une croix dans la marge puis rédige ses annotations en bas de page. Ces croix caractéristiques de Dufour se trouvent parfois seules dans la marge sans autre commentaire, et parce qu’elles sont reconnaissables, je les ai considérées comme des « annotations » de sa main22. Sont le plus souvent annotés les livres consacrés à l’art de la guerre (Jomini, Nettement, Noblet,

17 A titre d’exemple, l’ouvrage dont la référence est BONAPARTE, Napoléon, MARCHAND, 1836. Précis des guerres de César par Napoléon  : suivi de plusieurs fragmens inédits  :

écrit par M. Marchand, à l’île de Sainte-Hélène, sous la dictée de l’Empereur. Paris :

Gosselin, contient une coupure de catalogue indiquant que l'ouvrage est très rare.

18 Ces recueils portent sur de nombreux sujets scientifiques, sur des personnages, sur les chemins de fer, sur les lois militaires…

19 Il n’écrit pas dans les livres du 17e siècle.

20 Il s’agit d’une estimation. De légères annotations ont pu échapper à mon attention dans certains livres. De plus, en photographiant uniquement la page de titre des premiers et des derniers volumes des séries, je n’ai peut-être pas détecté des annotations dans les

volumes intermédiaires.

21 Par exemple, pour avoir vu ce que Dufour annotait presque systématiquement, un ouvrage comme KERMOYSAN, M., 1857. Napoléon, recueil par ordre chronologique de

ses lettres, proclamations, bulletins, discours sur les matières civiles et politiques, etc. formant une histoire de son règne, écrite par lui-même, et accompagnée de notes historiques. Paris : F. Didot, aurait été abondamment annoté s’il avait été plus récent.

Quiquenez, etc.), à la géométrie (Biot, Dupin, Legendre, Leroy, Monge), aux ponts (Douglas, Drieu, Navier, Prony, Yvert) et à l’astronomie (Arago, Bailly, Francoeur, Herschel et Cournot, Lacaille, etc.)23.

Le général Dufour était aussi très attiré par la Rome antique. On peut citer par exemple un ouvrage sur la grandeur de Rome et sur sa décadence, une histoire de la chute de l’empire romain, une autre sur les empereurs romains d’Auguste à Constantin ou une autre encore sur les révolutions dans le gouvernement de la République… Un recueil factice comprend des brochures consacrées au siège d’Alesia. Nous pourrions citer encore de nombreux titres. Dufour semble partager cet intérêt avec Napoléon III qui rédigea d’ailleurs une Histoire de Jules César en

1864 dont il offrit un exemplaire à Dufour sans oublier de le lui dédicacer (voir ci-contre).

Les livres portant un ex-libris du général Dufour sont nombreux. Ils revêtent la forme d’une signature tracée d’une écriture déliée et élégante qui s’arrondit en une majestueuse boucle finale. On peut estimer leur nombre à une septentaine environ24. Les plus spectaculaires sont sans doute ceux où figure son grade de général25. Des ex-libris sont présents dans un grand nombre de livres d’apprentissage datés de 1803 à 1820 (sur la géométrie, l’architecture, la chimie, le calcul des fonctions, etc.). D’autres figurent dans des livres édités à une date ultérieure, notamment dans des ouvrages consacrés à l’astronomie.

Nombreux sont les ouvrages portant un ex-dono de Napoléon III26. Dufour possède d’ailleurs un grand nombre d’ouvrages rédigés par ce dernier. Certains livres portent aussi une note manuscrite de Dufour indiquant que l’ouvrage lui a été donné par Napoléon III.

23 Les livres d’astronomie comptent parmi les ouvrages les plus abondamment annotés par Dufour et ils le sont pratiquement tous, à une ou deux exceptions près. Il s’agit

incontestablement d’un des sujets de prédilection du général.

24 Il s’agit ici aussi d’une estimation. En photographiant uniquement la page de titre des premiers et des derniers volumes des séries, je n’ai peut-être pas détecté d’éventuels ex-libris dans les volumes intermédiaires.

25 Il ressort que Dufour n’apposait pas sa signature dans des livres où figuraient déjà un ou des ex-libris. A noter ici que Dufour devient général en 1847.

26 Pour retrouver les documents portant un ex-dono de Napoléon III dans le navigateur Zotero en ligne, se référer à l’annexe 4.

Dufour n’a pas négligé de se constituer une importante bibliothèque littéraire, songeant sans doute aux enseignements de l’Ecole polytechnique où l’instruction littéraire

« était traitée avec sérieux et sa nécessité était liée au fait que les ingénieurs, disait-on, ne devaient pas se trouver dans une situation inférieure à la moyenne des hommes occupant une situation distinguée » (Brulhart 1987, p. 12).

La bibliothèque littéraire comprend des auteurs de renom francophones ou étrangers (en traduction) : Aristophane, Aristote, Bossuet, Dante, Dickens, Goldoni, Hugo, Lamartine, Manzoni, Montesquieu, Plutarque, Rabelais, Scott et bien d’autres. Certains livres sont en langue étrangère, surtout en latin, en italien, en allemand, en anglais et en espagnol.

L’autre partie de la bibliothèque est constituée de livres « techniques ». Ce sont des sujets liés à l’enseignement que Dufour a reçu à l’Ecole polytechnique et à l’Ecole d’application de Metz. L’Ecole polytechnique formait des élèves

« pour le service de l’artillerie, du génie militaire, des ponts et chaussées et constructions civiles, des mines, des constructions de vaisseaux et bâtiments de mer, de la topographie, et en même temps pour l’exercice libre des professions qui nécessitent des connaissances mathématiques et physiques » (Brulhart 1987, p. 12).

Il y avait en outre des cours sur les « machines communes à tous les services », les fortifications, l’analyse mathématique, la géométrie, la mécanique, la chimie (Brulhart 1987), les constructions publiques, l’architecture, le dessin (Durand, Aquillon 1991), autant de matières représentées dans la bibliothèque de Dufour. Les livres ayant trait à ces domaines « académiques » sont en outre complétés par des ouvrages relatifs aux savoirs utiles dans le cadre des attributions professionnelles d’ingénieur cantonal (hydraulique, chemins de fer, géologie…), de topographe (géodésie, métrologie) ou de fondateur d’une organisation humanitaire (livres rédigés par des co-fondateurs du CICR, Appia, Moynier ou Dunant). Pour ce qui est de la représentation des sujets susmentionnés sur l’ensemble des livres techniques, on constate que les ouvrages sur l’art militaire sont les plus nombreux (des centaines). Les livres militaires portent aussi souvent sur des sujets transversaux :, les notions d’hydraulique relatives à la construction des ponts, la topographie, la législation, l’histoire… On compte aussi de nombreux livres sur les fortifications (en tout cas une trentaine de monographies plus un recueil factice de brochures). Les ouvrages sur l’artillerie, les ponts, la topographie et la géométrie sont ensuite les plus représentés (autour d’une vingtaine d’exemplaires pour chacun de ces sujets).

Pour faire un survol des domaines auxquels appartiennent les livres du général, rien de tel que de se référer au catalogue manuscrit de la bibliothèque rédigé par Dufour lui-même en 1851. Il est thématique et les entrées sont les suivantes :

• astronomie • géométrie • analyse • mécanique • hydraulique • physique/chimie • sciences diverses • histoire naturelle/géologie • géodésie/topographie • architecture/construction/technologie • fortifications • artillerie • art militaire/mémoires • histoire/mémoire historique • géographie/voyages/statistiques • archéologie • littérature • politique/droit • dictionnaires • sujets divers • cartes/plans.

Enfin, il est intéressant de signaler que Guillaume-Henri Dufour, qui a passablement écrit de son vivant et qui a publié nombre de monographies et de brochures ou notices (Salons Dufour s.d.), n’a pas conservé de nombreux exemplaires de ses écrits. Seuls quatre de ses brochures sont conservées dans des recueils factices27, parmi les écrits

27 Voici les titres concernés : DUFOUR, Guillaume-Henri, 1855. Gnomonique. Mémoire

présenté à la Classe d’Industrie de Genève. [S.l.] : [s.n.] (présent dans le recueil factice

intitulé « Brochure techn. et scientif. ») ; DUFOUR, Guillaume-Henri, 1847. Notice sur les

procédés suivis pour le lever et le nivellement de la carte de Suisse. Tiré des archives des sciences physiques et naturelles, supplément à la bibliothèque universelle. N°20. [S.l.] :

[s.n.] (présent dans le recueil factice intitulé « Brochure techn. et scientif. ») ; DUFOUR, Guillaume-Henri, [s.d.]. Bulletin de la classe d’industrie et de commerce de la société des

arts de Genève. Considérations sur le meilleur système de poids et de mesures à adopter en Suisse. Genève : [s.n.] (présent dans le recueil factice intitulé « Brochure techn. et

scientif. ») et DUFOUR, Guillaume-Henri, 1861. Du Mouvement de deux corps planétaires

autour de leur centre commun de gravité. [Genève] : [bibliothèque universelle] (présent

d’autres auteurs. L’absence de son écrit phare, De la fortification permanente, est par ailleurs surprenante. Pareillement, l’édition originale de 1862 du livre d’Henry Dunant intitulé Un souvenir de Solférino brille par son absence. Durand et Aquillon (1991) mentionnent pourtant le passage de l’ouvrage entre les mains de Dufour en ces termes : « La dernière épreuve de son livre à peine sèche, l’auteur en soumet un exemplaire au général Dufour » (Durand, Aquillon 1991, p. 391). On aurait pu penser que Durant aurait donné cet exemplaire à Dufour et que le livre se trouverait encore dans la collection.