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Matériaux intelligents : État de l’art I.1MISE EN SITUATION

I.2 M ATERIAUX ET STRUCTURES INTELLIGENTS

Par structure intelligente (cf.fig.I.3), on entend une structure comportant une grande quantité d'actuateurs, de senseurs et un réseau de processeur répartis sur l'ensemble de la structure, Les dernières décennies ont vu le développement de ces applications pour une grande variété de structures [CRA 87]. Il existe actuellement plusieurs types de matériaux intelligents, notamment des senseurs à fibres optiques, des alliages à mémoire de forme, des fluides éléctrostrictifs et des piézo-céramiques [WIL 00].

Parmi les matériaux intelligents existant, les matériaux piézoélectriques sont les plus utilisés pour plusieurs raisons [WIL 00]. Tout d'abord, il existe plusieurs types de matériaux dits piézoélectriques offrant des avantages différents. Par exemple, les piézo-céramiques offrent une grande rigidité structurelle ce qui leur donne un grand pouvoir actif tandis que la souplesse des films piézoélectriques leur donne une grande sensibilité [WIL 04]. Par ailleurs, ces matériaux peuvent interagir sur des fréquences allant d’Hertz à plusieurs kiloHertz les rendant utiles pour une large gamme d'applications [WIL 00]. De plus, étant donné l'épaisseur relativement faible des matériaux piézoélectriques, une grande quantité de ces éléments peut être utilisée sans augmenter de façon significative le poids de la structure [CRA 87]. Les matériaux piézoélectriques sont depuis longtemps utilisés comme capteur dans plusieurs applications industrielles telles que les turbomachines et l'amortissement des structures dynamiques simples [CRA 87]. On les utilise maintenant pour contrôler la forme ou les vibrations des structures aérospatiales ou d'équipements automobiles et pour absorber les vibrations des raquettes de tennis [CHA 95, WIL 04, 80].

Les alliages à mémoire de forme [OTS 90, PAT 94] sont aussi très connus pour leurs propriétés thermomécaniques inhabituelles. Aujourd’hui, ces propriétés les ont amenés à être classées parmi les matériaux intelligents. Ces alliages deviennent de plus en plus importants car il existe un vaste domaine d’applications technologiques potentielles comme par exemple : les microsystèmes (activateurs), la robotique, la mécanique, l’électrique, l’aérospatiale, le médical, l’orthodontie et d’autre. Malgré des débuts modestes, le champ d’action des AMF en tant qu’actionneur s’est progressivement élargi au cours des dernières années pour atteindre une véritable dimension technologique.

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Figure I.3 : Les composantes de base d'une structure intelligente.

I.2.1D

EFINITION

Nous resterons dans le domaine des matériaux structuraux, mais, aucune définition universelle n’est donnée pour les matériaux dits « intelligents ». En fait, des « structures intelligentes » sont formées par l’assemblage de deux fonctions principales : capteur et actionneur. Ces deux fonctions sont souvent assurées par des matériaux différents ce qui introduit la notion de matériau/système.

Pour expliquer ce qu’est une structure intelligente, il semble important de préciser les différents types de structures existantes. Elles sont définies sous les quatre formes suivantes :

− la structure dite « sensible » : elle comprend des capteurs ou senseurs susceptibles d’apporter au système des informations sur l’environnement ou elle-même et de les transmettre à son utilisateur,

− la structure dite « adaptable » : elle comprend des actionneurs pouvant modifier leurs caractéristiques. Ainsi, la structure s’adaptera à l’environnement.

Le but recherché est de combiner les deux afin d’augmenter les caractéristiques de la nouvelle structure. Les deux dernières structures sont :

− la structure dite « adaptative » : le matériau est à la fois sensible et adaptable. Il réagit à un seul type de sollicitation suivant une loi de comportement bien définie. Ce type de réaction nécessite la présence d’un processeur assurant un lien entre la fonction capteur et la fonction actionneur,

− la structure dite « intelligente » qui réagit à un ensemble de sollicitations en fonction de sensibilités qui lui seront proposés. Elle aura, par exemple, la possibilité de choisir la réponse la mieux adaptée parmi un ensemble de solutions possibles si la structure du processeur le permet, d’où la notion d’intelligence. En fait, un matériau réellement

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« intelligent » n’existe pas car il serait alors capable d’intuition créative devant une situation inattendue. Le mot « intelligent » constitue donc un abus de langage, mauvaise traduction de l’anglais « smart ». Nous le conservons néanmoins pour désigner une structure adaptative « asymptotique ».

Un matériau intelligent [CHO 99, ESC 91] est sensible, adaptatif et évolutif. Il possède des fonctions qui lui permettent de se comporter comme un capteur (détecter des signaux), un actionneur (effectuer une action sur son environnement) ou parfois comme un processeur (traiter, comparer, stocker des informations). Ce matériau est capable de modifier spontanément ses propriétés physiques, par exemple sa forme et sa connectivité, sa viscoélasticité ou sa couleur en réponse à des excitations naturelles ou provoquées venant de l’extérieur ou de l’intérieur du matériau. Par exemple des variations de température, des contraintes mécaniques, de champs électriques ou magnétiques. Le matériau va donc adapter sa réponse, signaler une modification apparue dans l'environnement et dans certains cas, provoquer une action de correction. Il devient ainsi possible de détecter des faiblesses de structures dans le revêtement d'un avion, des fissures apparaissant dans un bâtiment ou un barrage en béton, réduire les vibrations de pales d’hélicoptère, ou insérer dans les artères des filtres qui se déploieront pour réduire le risque de dispersion de caillots sanguins.

L’ensemble des définitions précédentes peut être résumé par la figure I.4, dans le cas des structures « intelligentes ».

Figure I.4 : Structures intelligentes [GOB 91, MEA 93].

Ces matériaux, dont la conception est basée sur l’observation, la connaissance et la reproduction de modèles biologiques (cf.fig.I.5), permettent une nouvelle stratégie industrielle où l’objectif n’est plus la production de masse mais au contraire le sur mesure.

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L’adaptation fine à une fonction ou à un ensemble de fonctions est la caractéristique de ces matériaux, d’où d’importants bouleversements dans les cycles de production : au lieu d’être une donnée à partir de laquelle un concepteur doit s’adapter pour construire sa pièce, le matériau est élaboré en vue de cette pièce. L’ensemble des fonctions à remplir étant défini, on détermine les propriétés nécessaires à leur accomplissement et, de là, naît le matériau adéquat par l’association de molécule contenant les différentes propriétés requises.

L’élaboration de ces matériaux engendre un potentiel immense d’innovations par les effets de synergie entre conception de la pièce, conception du matériau et procédé de fabrication. L’analogie qui a été faite avec les êtres vivants, et le corps humain en particulier, peut être détaillée de la façon suivante :

1. Le matériau originel : le squelette, 2. Le réseau de senseurs : les nerfs, 3. Le réseau d’actionneur : les muscles, 4. Le microprocesseur : le cerveau.

Figure I.5 : Analogie entre une structure biologique (corps humain) et un matériau/structure intelligente.

Après avoir recensé les fonctions à intégrer dans ces nouveaux matériaux, nous décrivons ces différents éléments qui les composent.

I.2.2D

ESCRIPTION DES ELEMENTS

I.2.2.1F

ONCTION CAPTEUR

La fonction capteur a pour rôle comme son nom l’indique de détecter, percevoir les variations des caractéristiques de la structure en ce qui concerne les facteurs extérieurs ou intérieurs, comme par exemple la variation de température, d’humidité, charge mécanique…etc. Dans ce dernier cas, cette fonction est fréquemment assurée par un dispositif piézoélectrique [PAR 01]. L’exemple classique consiste à insérer le capteur piézo

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dans un matériau composite. Le capteur peut détecter une perturbation d’origine mécanique en générant une tension électrique qui peut être à la fois quantifiée et analysée.

I.2.2.2F

ONCTION MEMOIRE ET PROCESSEUR

Ce mécanisme enregistre les signaux transmis par les capteurs. Les caractéristiques des informations perçues sont ensuite comparées avec les informations dites de référence, données acquises initialement sur la structure avant sa mise en service. Après examen des différentes données, ce mécanisme de données transmet alors aux actionneurs les meilleures actions à effectuer comme réponse.

Typiquement cette fonction est assimilée à une forme d’intelligence artificielle exécutable capable de produire une sortie logique par exemple un courant ou même une impulsion électrique qui peut être amplifiée et utilisée pour activer l’actionneur.

I.2.2.3F

ONCTION ACTIONNEUR

D’après les éléments qui ont déjà été rapportés, cette fonction est le dernier maillon de l'ensemble de la structure. L’actionneur couplé avec le matériau produit une réponse correspondant à la décision envoyée par le processeur. Les actionneurs ont plusieurs réponses possibles suivant la nature des matériaux qui remplissent cette fonction. Ils peuvent par exemple soit délivrer une contrainte, une déformation (cas des AMF), soit modifier la température. Ainsi le but de ces actionneurs consiste à neutraliser les efforts des changements du milieu environnement.

La figure I.6 illustre un exemple pratique d’une structure adaptative composée de l’ensemble des fonctions capteur, processeur et actionneur.

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La partie suivante est consacrée à la description des principaux matériaux utilisés dans cette nouvelle classe ainsi que leurs propriétés physiques et thermomécaniques utiles au fonctionnement.

I.2.3M

ATERIAUX INTEGRES DANS LES SYSTEMES INTELLIGENTS

On dispose de quatre grandeurs quantifiables, intéressantes pour le concepteur de structures intelligentes, qui permettent de caractériser un matériau actif. Elles sont : la densité d’énergie, la déformation, le temps de réponse et le rendement. La densité d’énergie représente l’énergie mécanique développée par l’actionneur par unité de volume ; la déformation donne la course de travail que l’on peut obtenir ; le temps de réponse caractérise la rapidité de fonctionnement. Enfin, le rendement est le rapport entre le travail mécanique fourni par l’actionneur et l’énergie apportée. Toutes ces grandeurs permettent d’évaluer les nombreux matériaux actifs que l’on peut rencontrer actuellement et qui présentent un intérêt particulier pour la réalisation des structures intelligentes [TAY 95].

On peut regrouper les matériaux intelligents connaissant des applications multiples dans des secteurs d’activité très variés en trois grandes familles principales : les alliages à mémoire de forme [JIK 00, LUI 04], les métaux magnétostrictifs [AUG 00] et piézoélectriques [BRU 97].

I.2.3.1A

LLIAGES A MEMOIRE DE FORME

Déformés à froid, les alliages à mémoire de forme retrouvent leur forme de départ au-delà d'une certaine température par suite d'un changement de phase [BRA 03, POR 04]. Le principe physique de base repose sur une transformation réversible (modification de la structure cristalline), en fonction de la température. Ces alliages sont le plus souvent fabriqués à base de nickel-titane avec différents éléments d'addition comme du cuivre, du fer, du chrome ou de l'aluminium.

Les alliages à mémoire de forme peuvent servir aussi bien de capteur que d’actionneur. Dans ces deux cas, ils ne sont utilisés qu’à basse fréquence et pour des applications ne nécessitant pas une grande précision, essentiellement du fait de la difficulté du refroidissement. De tels matériaux sont assez peu utilisés pour le contrôle des vibrations. Les premiers alliages développés étaient à bases de nickel-titane. Différents éléments d'addition permettent d'améliorer les caractéristiques (cuivre, fer, chrome, manganèse, aluminium, or, palladium). Par la suite, les alliages cuivreux à mémoire de forme (CuZnAl, CuAlNi, CuAlBe) sont apparus. Ils sont moins coûteux que les alliages TiNi. Des exemples d’objets en alliage à mémoire de forme sont présentés sur la figure I.7.

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Figure I.7 : Exemples des alliages à mémoire de forme.

I.2.3.2M

ATERIAUX MAGNETOSTRICTIFS

Les matériaux magnétostrictifs peuvent se déformer sous l'action d'un champ magnétique [AUG 00, SHI 00]. La déformation est proportionnelle au carré de la puissance du champ appliqué. Ces matériaux vont être capables de s'adapter automatiquement à l'environnement en prenant des formes utiles en réaction à des sollicitations extérieures d'ordre acoustique, vibratoire, mécanique ou thermique. L'effet magnétostrictif est, en général, moins important que l'effet piézoélectrique. Quelques exemples de dispositifs magnétostrictifs commerciaux sont présentés dans la figure I.8.

Figure I.8 : Dispositifs magnétostrictifs.

I.2.3.3M

ATERIAUX PIEZOELECTRIQUES

Ils génèrent une tension électrique lorsqu'ils subissent une contrainte ou inversement une tension peut générer une contrainte [BUR 01, GUI 00a]. L'amplitude et la fréquence du signal sont directement liées à la déformation mécanique. Le matériau piézoélectrique le plus connu est le cristal quartz utilisé en horlogerie [HAD 00]. D'autres matériaux sont utilisés tels les céramiques piézoélectriques (applications acoustiques et ultrasons, d'amortissement de vibrations), les polymères piézoélectriques (capter des ultrasons et applications médicales). Quelques exemples de composants piézoélectriques commerciaux sont présentés sur la figure I.9.

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Figure I.9 : Composants piézoélectriques.

Une application d’avenir de ces matériaux est leur utilisation dans les ponts, les barrages et autres ouvrages dont les structures porteuses peuvent intégrer du « ciment intelligent » : un capteur piézoélectrique pourra détecter et analyser des défauts comme des fissures, trous et autres dégradations qui, en se constituant, génèrent des vibrations [JAN 96]. Les ingénieurs seront ainsi avertis des zones de fragilisations aux endroits même où elles se produisent.

Suite à cette brève présentation, il est intéressant de faire une comparaison qualitative des ces trois catégories afin d'en faire ressortir les avantages et les inconvénients. Le tableau I.1 résume les avantages et inconvénients de ces principaux matériaux intelligents.

Matériaux Alliage à Mémoire de forme

Matériaux Magnétostrictifs

Matériaux Piézoélectriques Force motrice champ thermique champ magnétique champ électrique Composition TiNi, CuAlBe, CuAlNi TbFe, (TbDy), Fe, SmFe PZT, PVDF, Quartz

Avantages - force importante - densité énergétique importante - résistance importante - grande élasticité

- contrôle sans contact - hautes fréquences - hautes variations de température

- densité énergétique importante

- grande bande passante - hautes fréquences - faible puissance de mise en action

Inconvénients

- basse fréquence - faible bande passante - variations de température limitées - hystérésis - tensions limitées - matériaux fragiles - tensions limitées - équipement auxiliaire nécessaire - matériaux fragiles - variations de température limitées

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En dehors de ces quatre catégories les plus étudiées, il existe :

− les fluides électro-rhéologiques : ils peuvent se rigidifier sous l'action d'un champ électrique, grâce à l'orientation de particules polarisables suspendues dans un liquide,

− les polymères conducteurs,

− les polymères à transparence variable en fonction de la température (testés dans des vitrages).