• Aucun résultat trouvé

Quand les garçons arrivent, ils entrent dans le bureau de l'orthophoniste et choisissent un jeu (jouet, caisse de voitures, ou autre chose), selon leur envie. Puis nous allons avec leur objet dans la salle que le groupe Emeraude nous prête.

Le premier temps de l'atelier est assez libre : les garçons peuvent jouer avec ce qu'ils ont choisi. Cela peut sembler peu cadrant, mais ne connaissant pas du tout les enfants, nous sou-haitions cette partie souple pour plusieurs raisons : deux de ces garçons en particulier suppor-tent très difficilement qu'on leur impose des contraintes. Nous sentons beaucoup d'angoisse de leur part lors des deux premières séances vis-à-vis des nouvelles personnes que nous sommes pour eux. Leur permettre de choisir une activité ou un jouet, sans les persécuter d'entrée par nos demandes, c’est donc leur laisser un peu d'espace, garder un peu de distance avec nous

66

pendant la première partie de l'atelier, avant que nous ne leur imposions progressivement cer-taines contraintes matérielles.

Ce temps nous permet également d'apprendre à les connaître en groupe et individuelle-ment, de discerner petit à petit ce qui peut être un facteur externe d'angoisse, ou au contraire d'apaisement pour chacun d'eux, ainsi que ce qui capte leur attention. Nous pouvons porter notre attention sur leurs difficultés ou leurs capacités relationnelles et de communication, ain-si que leurs capacités d'initiatives, de création ou au contraire de recherche de "même".

Pourquoi instaurer une partie aussi souple qui n’est pas en rapport avec le conte quand le sujet même de l'observation porte sur l’apport du conte ? Nous ne voyons les enfants que dans ce cadre, une heure par semaine. Articuler l'atelier en deux parties, permet une compa-raison de l'attitude des enfants qui souligne encore plus certains comportements face au conte. De plus, dans la plupart des ateliers conte, il y a observateur neutre, qui n'intervient pas mais prend des notes sur ce qui se passe. Nous n'avons pas eu la possibilité d'avoir une telle personne avec nous, c'est pourquoi cette partie peu directive nous laissait plus de liberté et de disponibilité attentionnelle pour relever les éléments importants.

Cette première partie se clôt quand nous demandons aux garçons de ranger leur matériel ludique.

4.2. Deuxième partie

Une fois la salle rangée, nous installons un tapis par terre, toujours le même, sur lequel nous nous installons. Si possible, nous demandons aux enfants de s'asseoir. Nous leur propo-sons ensuite de choisir une histoire parmi un certain nombre d'albums préalablement sélec-tionnés. Nous leur racontons l'histoire demandée. Nous en racontons ainsi une ou deux, selon leur demande et le temps disponible. Nous sommes attentives aux réactions des enfants, ver-bales ou non verver-bales, et les accueillons. Nous posons aussi des questions pour voir ce qu’ils comprennent de l’histoire et s’ils sont capables d’anticiper.

67 4.3. Pourquoi un album ?

Nous avons essayé durant deux semaines de leur conter une histoire, sans album. La première semaine, nous avons été surprise par les capacités attentionnelles des enfants. Mais celles-ci sont fluctuantes et la semaine d'après, seul un garçon était réceptif. Nous avons alors réalisé que pour des enfants qui n’ont pas acquis la symbolisation, devoir gérer le sens des mots, la compréhension d'une histoire relativement complexe et imaginer visuellement une histoire était leur demandait un effort trop important. Nous avons donc envisagé le support « livre » comme une aide visuelle à la compréhension, à la mise en sens des mots.

4.4. Quelles histoires ?

Nous avons commencé par raconter l'histoire des Trois Petits Cochons. En nous basant sur l'approche de Bettelheim qui préconise les versions originales des contes, nous avons donc conté la version selon laquelle les deux premiers cochons se font manger par le loup qui se fait ensuite manger par le troisième cochon. Un des garçons s'est montré assez angoissé, et s'est mis à manger des bouts de papier ou carton qu'il trouvait (Nous ne savions pas alors qu'il faisait ça très régulièrement !). Nous avons alors pensé qu'il était angoissé à cause de l'his-toire, mettant en scène des personnages qui se font dévorer, et que cela le renvoyait à sa propre angoisse de dévoration, comme une preuve d'un stade oral encore en cours.

Le psychiatre de l'établissement nous a plus tard proposé d'envisager sa mise à la bouche plutôt comme un moyen de se rassurer face au langage qui pour lui n'a pas de sens et s’avère donc très angoissant. Le conte, constitué uniquement de langage pouvait représenter pour lui un danger.

Parallèlement, nous avons réalisé à quel point ces trois garçons semblaient sensibles aux stimulations sensorielles et réceptifs aux onomatopées.

68

Ne sachant trop ce qui leur était possible de comprendre dans un rapport au symbolique perturbé, et par conséquent un rapport au langage perturbé également, nous avons opté pour des contes plus simples, en chaîne, avec une structure régulière comprenant des onomatopées ou de petites ritournelles1. Ainsi, bien que les mots soient soutenus par des illustrations, l'ac-cès au sens de l'histoire devient secondaire : le plaisir dans le langage est notre objectif pre-mier. Nous souhaitions également leur conter des histoires présentant un schéma similaire pour voir si, ayant repéré cette structure, les enfants seraient en mesure de l'utiliser pour anti-ciper, répéter, se rappeler, et peut-être même, créer du neuf sur le plan langagier.

Documents relatifs