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peines privatives de liberté égales ou inférieures à deux ans ; unifier la période d’éligibilité à la libération conditionnelle, supprimer l’automaticité de la période de sûreté assortissant la réclusion criminelle à temps…

En second lieu, la nouvelle procédure d’aménagement des peines des condamnés incarcérés proches de la libération, instituée par la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité et baptisée le « sas de sortie », n’a pas porté ses fruits.

Cette procédure, qui permet la mise à exécution d’une mesure proposée par le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation en l’absence de réponse du juge de l’application des peines dans un délai de trois semaines sauf recours du ministère public, n’est guère prisée des magistrats et des condamnés, qui préfèrent la procédure classique du débat contradictoire devant le juge de l’application des peines -au cours duquel l’intéressé peut se faire assister d’un avocat- et s’est avérée à l’expérience excessivement lourde puisque, comme l’a indiqué un directeur de service pénitentiaire d’insertion et de probation à votre rapporteur, un conseiller d’insertion et de probation doit remplir pas moins de 22 documents pour un même dossier.

Toutefois, un décret du 3 mai 2007 concernant l’application de la loi relative à la prévention de la délinquance et de la loi renforçant l’équilibre de la procédure pénale a cherché à simplifier le dispositif 1.

E. ASSURER UNE MEILLEURE RECONNAISSANCE AUX PERSONNELS

Evolution des effectifs réels de l’administration pénitentiaire (élèves et stagiaires inclus) de 2000 à 2008

Au 1erjanvier 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

Personnel de direction 311 361 370 373 399 421 413 426 406

Personnel administratif 2.174 2.204 2.217 2.352 2.454 2.603 2.616 2.948 Personnel de surveillance 20.041 20.516 20.225 20.902 22.492 22.615 22.448 23.300 23.616

Personnel technique 631 621 637 617 602 622 636 627 593

Personnel d'insertion 1.483 1.530 1.618 1.696 1.817 1.973 2.147 2.345 2.600

Personnel social 474 500 481 460 466 458 412 431 424

Contractuels (dont professeurs)

137 129 155 183 189 210 782 693 1085

Infirmières 5

Personnel d'administration centrale

148 122 166

TOTAL 25 256 25 861 25 703 26 583 28 419 28 902 29 602 30 913 31 838 Source : ministère de la justice.

Une rupture de série peut être observée concernant les contractuels : le différentiel 2007/2008 s'explique par de forts recrutements en 2007 mais aussi par une meilleure comptabilisation (enquête auprès des DISP) et une comptabilisation des aumôniers en temps plein.

x Un renouvellement et une féminisation

Ces recrutements massifs, qui pèsent sur l’organisation des formations, entraînent un renouvellement et une féminisation des personnels.

Les effectifs globaux en formation initiale sont ainsi passés de 3.055 personnes en 1999 à 3.499 en 2007. Les effectifs de stagiaires au titre de la formation continue ont aussi augmenté de manière conséquente : de 550 en 1999, ils sont passés à 3.187 en 2007. L’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire1, que votre rapporteur a visitée au mois de septembre 2008, reçoit aujourd’hui de 1.100 à 1.200 élèves, toutes catégories confondues, alors que sa capacité d’accueil théorique est limitée à 830 élèves. Si l’école a su y faire face, cette saturation de ses capacités interdit la mise en place de modules transversaux de formation initiale, par exemple entre les élèves surveillants et les élèves conseillers d’insertion et de probation.

Motivés mais inexpérimentés, les personnels issus des concours sont souvent affectés, à l’issue de leur formation initiale à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire, dans des maisons d’arrêt situées en région parisienne. Originaires de province pour un grand nombre, ils se trouvent alors confrontés à des conditions de travail, du fait de la surpopulation carcérale, et à des conditions vie, du fait du coût du logement, particulièrement difficiles et n’attendent qu’une chose : leur mutation. A titre d’exemple, la maison d’arrêt

1 L’ENAP présente pour spécificité de former toutes les filières de l’administration pénitentiaire, des surveillants aux personnels de direction, en passant par les conseillers d’insertion et de probation. De même, elle assure la formation initiale et continue.

de Nanterre disposait, lors de la visite de votre rapporteur, d’un effectif constitué à 40 % de stagiaires et connaissait un taux de rotation de 20 % en moyenne annuelle. Cette instabilité des personnels, malgré leur motivation et leur ouverture au changement, pénalise la qualité de prise en charge des personnes détenues.

La féminisation des personnels –la part des femmes dans les personnels pénitentiaires est passée de 18,9 % en 2000 à 29,7 % en 2008- constitue une évolution notable et un apport positif dont il faut se féliciter. Comme le soulignait déjà la commission d’enquête de l’Assemblée nationale en 2000 :

« la présence de surveillantes a pour effet d’apaiser le climat de la détention ».

Il a également été souvent indiqué à votre rapporteur, lors de ses visites d’établissements, que la féminisation des personnels impliquait de nouvelles contraintes que l’administration centrale devait prendre en compte dans la gestion des effectifs : certaines tâches, essentiellement les fouilles, ne peuvent être effectuées que par des agents du même sexe que les détenus ; en outre, le taux moyen d’absence, majoré en raison des congés de maternité, doit être pris en compte dans les organigrammes des établissements.

x Une « éternelle pénurie »

La progression sensible des effectifs de l’administration pénitentiaire a été « absorbée » pour l’essentiel par l’ouverture de nouveaux établissements, alors que, dans le même temps, la population carcérale a elle aussi fortement augmenté.

Selon le projet annuel de performance de l’administration pénitentiaire annexé au projet de loi de finances pour 2009 : « Le taux d’encadrement des détenus au 1er octobre 2006 (nombre de détenus par surveillant) est de 2,6 en France, contre 1 en Italie, 2,9 en Allemagne, 1,6 au Royaume Uni et 2,2 aux Pays-Bas ». Les mêmes comparaisons étaient établies devant les commissions d’enquête du Sénat et de l’Assemblée nationale en 2000. Elles appellent les mêmes observations.

Seul importe en effet le décompte des surveillants à un instant donné, compte tenu des roulements d’équipes, car il permet « d’appréhender la faiblesse des effectifs et la vulnérabilité du surveillant isolé sur un étage de détention ».

Or dans de nombreux établissements, essentiellement des maisons d’arrêt, il n’est pas rare qu’un surveillant ait la responsabilité de toute une coursive. A titre d’exemple, dans la maison d’arrêt de Seysses, un agent assure seul la surveillance d’un étage en détention, alors même que le nombre de détenus par étage est passé de 50 en 2004 à 85 aujourd’hui. Le service de nuit s’avère encore plus difficile car les surveillants ne disposent pas des clefs et doivent appeler un gradé de permanence pour faire ouvrir une cellule.

Taux d’absentéisme des personnels de l’administration pénitentiaire (titulaires et stagiaires) de 2002 à 2008

Surveillant(e) 1er surveillant Officier Global P.S

2002 23,37% 24,21% 23,32% 23,45%

2003 22,87% 23,44% 24,38% 22,97%

2004 22,33% 22,90% 23,06% 22,40%

2005 21,71% 21,51% 21,36% 21,68%

2006 21,83% 22,40% 21,40% 21,87%

2007 22,04% 22,58% 20,89% 22,05%

2008 22,75% *

Source ministère de la justice

* (en cours sur les dix premiers mois 2008)

Les conséquences néfastes de cette « éternelle pénurie », pour reprendre l’expression employée par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, sont connues. Les personnels de surveillance ne peuvent ni avoir une écoute suffisante et une observation attentive des détenus, ni intégrer des formations continues. L’état des bâtiments se dégrade, faute de personnels techniques en nombre suffisant pour les entretenir, et il n’est pas rare que les menues réparations soient confiées à des détenus : ainsi, lors de sa visite de la maison d’arrêt de Rouen, votre rapporteur a constaté que les cellules étaient repeintes par des détenus. Enfin, malgré l’augmentation considérable des effectifs des services d’insertion et de probation au cours des dernières années, leur nombre reste insuffisant pour assurer un suivi régulier des personnes condamnées : à la maison d’arrêt de Fresnes, ils sont ainsi 30 conseillers d’insertion et de probation pour 2.400 détenus. L’étude d’impact annexée au projet de loi rappelle qu’actuellement, environ 200.000 personnes sont suivies en milieu ouvert et fermé par les services pénitentiaires d’insertion et de probation, alors que les travailleurs sociaux sont au nombre de 2.700 (dont 2.500 sont en charge du suivi de dossiers), soit environ 80 dossiers par travailleur social.

2. Le malaise des personnels

x Des surveillants en quête de reconnaissance

Les conditions d’exercice du métier de surveillant ont profondément évolué au cours des dernières années.

Ainsi, les régimes de détention se sont diversifiés avec, par exemple, la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs depuis 20071. Lors de ses déplacements à Lyon-Meyzieu, Lavaur, Marseille et Quiévrechain, votre rapporteur a pu constater combien le travail réalisé par les surveillants auprès de ces mineurs, en binôme avec des éducateurs de la protection judicaire

1 Le dernier, situé à Meaux-Chauconin, doit être mis en service en janvier 2009.

de la jeunesse, différait de leurs tâches en maison d’arrêt ou en établissement pour peines par l’intensité de la prise en charge des détenus. La spécificité de ces emplois a d’ailleurs justifié la création d’un module de formation spécifique à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire.

Le développement des mesures alternatives à l’incarcération et, singulièrement, l’essor du placement sous surveillance électronique contribuent aussi à l’évolution de leurs missions. Si l’accompagnement des personnes condamnées dans leurs démarches de réinsertion incombe aux conseillers d’insertion et de probation, les personnels de surveillance assument la responsabilité de leur surveillance électronique.

Plus généralement, avec la mise en œuvre progressive des règles pénitentiaires européennes, les attentes à leur égard deviennent plus fortes.

Le site Internet du ministère de la justice n’affirme-t-il pas qu’« en contact permanent et direct avec les détenus, ils assurent la sécurité à l'intérieur et à l'extérieur de l'établissement et participent à l'individualisation de la peine et à la réinsertion des personnes privées de liberté. En collaboration avec des partenaires extérieurs, ils aident les détenus, aux côtés des services pénitentiaires d'insertion et de probation, à préparer leur retour à la liberté. »

Bien des agents ont conscience de ces attentes et aimeraient pouvoir y répondre. L’administration pénitentiaire dispose en effet d’un personnel de qualité, ouvert au changement et disposé au dialogue. Cependant, dans les maisons d’arrêt, la pression de la population pénale leur interdit en pratique d’aller au-delà de la stricte mission de garde qui leur est confiée, et leur fait ressentir cruellement l’image que la société leur renvoie d’eux-mêmes et dont ils voudraient tant se défaire : celle de simples porte-clefs.

Comme en 2000, et malgré les évolutions significatives intervenues depuis, les surveillants restent en quête de reconnaissance. A cet égard, le projet de loi pénitentiaire suscite aussi une très forte attente.

x Des conseillers d’insertion et de probation confrontés à une crise d’identité

Les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) sont confrontés depuis plusieurs années à trois profondes mutations de leur activité :

– l’accroissement de leur charge de travail lié, d’une part, au développement des mesures d’aménagement de peines, et, d’autre part, à la mise en place de nouveaux dispositifs de contrôle après l’exécution de la peine (suivi socio-judiciaire, surveillance judiciaire et plus récemment surveillance de sûreté et rétention de sûreté) ;

– le doublement des effectifs de la filière -y compris les personnels administratifs- passés de 1.771 agents en 1998 à 3.491 au 1er janvier 2008 -ainsi les services ont dû intégrer 500 nouveaux agents en 2006 et 2007 ;

– enfin, une évolution de la nature même des missions dévolues à ces personnels. Ainsi, au début de l’année 2008, une circulaire a placé la prévention

de la récidive au premier rang des finalités de l’action des SPIP. Ces derniers doivent désormais animer des programmes de prévention de la récidive sous la forme de groupes de parole caractérisés par une approche criminologique et un travail axé sur le passage à l’acte.

Ces transformations ont nourri inquiétudes et interrogations au sein du corps des conseillers d’insertion et de probation. Elles se sont traduites par un mouvement social prolongé, d’avril à juillet 2008, et le rejet, au début du mois de mai, d’un projet d’évolution statutaire qui leur était proposé par la garde des sceaux. Afin de tenter de surmonter ces blocages, une mission d’expertise et de proposition a été confiée à Mme Charlotte Trabut, inspecteur des services judiciaires, tandis que Mme Isabelle Gorce, magistrat, conseiller référendaire à la Cour de cassation, se voyait confier un audit destiné à identifier les principaux enjeux d’évolution. Toutes deux ont été entendues par votre rapporteur.

L’évolution qui s’esquisse tend, d’une part, vers le développement de la polyvalence des SPIP, avec la constitution d’équipes pluridisciplinaires associant conseillers d’insertion et de probation, assistants sociaux, animateurs culturels, agents de l’ANPE et surveillants pénitentiaires chargés du suivi du placement sous surveillance électronique, d’autre part, la redéfinition des missions des conseillers d’insertion et de probation, afin qu’elles portent l’accent sur l’exécution de la peine et la prévention de la récidive, sous la forme d’une prise en charge collective des détenus tournée vers la prise de conscience des conditions du passage à l’acte.

Elle suppose toutefois, outre une revalorisation statutaire :

– l’adaptation de la formation initiale et un effort particulier de formation continue des conseillers d’insertion et de probation, dont l’ENAP semble avoir pris la mesure ;

– l’adhésion des personnels, dont une partie demeure attachée, comme votre rapporteur a pu le constater à maintes reprises à l’occasion des tables rondes organisées lors des visites des établissements pénitentiaires, à leur identification comme « travailleurs sociaux » qui, à leurs yeux, légitime leur intervention auprès des détenus.

La définition d’un cadre de référence commun à tous les conseillers d’insertion et de probation pourrait, avec le renouvellement et le rajeunissement d’une part importante du corps, favoriser cette évolution.

II. L’EXIGENCE D’UNE RÉFORME AMBITIEUSE