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B - Assurance et solidarité : des notions ambigües

1 - Indemnisation des demandeurs d’emploi : la place des régimes dits d’assurance et de solidarité

Le régime de chômage financé par l’Etat garantit une allocation à des demandeurs qui ne peuvent pas ou plus bénéficier du régime d’assurance chômage. Il est dit de « solidarité » en raison de son financement par l’impôt et non en raison de son caractère universel : les conditions d’accès à l’allocation de solidarité spécifique (ASS) sont plus restrictives que les conditions d’accès à l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et, fin 2009, environ 35 % des demandeurs d’emploi ayant épuisé leurs droits au régime d’assurance ne touchaient aucune indemnisation.

Par ailleurs, le niveau d’indemnisation à l’ASS est nettement plus bas que celui en ARE : en moyenne, lorsqu’ils basculent en ASS, les demandeurs d’emploi indemnisés ont fait face en 2009 à une diminution de leur allocation de 52 %.

Il existe une très forte interdépendance entre ces deux régimes et les règles négociées par les partenaires sociaux de l’Unédic peuvent avoir un effet mécanique sur les dépenses du régime de solidarité. La mise en place d’une filière unique d’indemnisation et l’ouverture de droits pour les personnes ayant travaillé entre 4 et 6 mois depuis la mise en œuvre de

32 IRDES Document de travail n°38-Février 2011 “Disability and Social Security Reforms : The French Case” L.Behagel/D.Blanchet/T.Debrand/M.Roger.

la convention d’assurance chômage d’avril 2009 ne semblent pas avoir eu à ce jour d’effet sur le nombre d’allocataires de l’ASS. La forte augmentation du nombre d’allocataires (122 572 entrées en 2008, 149 808 en 2009 et 152 151 en 2010) est imputable à la crise économique qui a conduit les bénéficiaires de l’ARE à consommer intégralement leurs droits et a limité les sorties de l’ASS vers l’emploi.

Des transferts peuvent également se produire entre allocations au sein du régime de solidarité. Il est ainsi probable qu’en 2009, une partie des bénéficiaires potentiels de l’allocation équivalent retraite (AER) se sont reportés sur l’allocation de solidarité spécifique (ASS). Supprimée à partir du 1er janvier 2009, l’AER a été rétablie dans un contexte de crise économique par décret du 29 mai 2009, avec possibilité de demande rétroactive.33 Selon la DARES, « certains demandeurs d’emploi de 55 ans et plus en fin de droits ont pu se reporter vers l’ASS : le taux de recours à l’ASS a augmenté de 2 points entre le deuxième semestre 2008 et le premier semestre 2009 (de 22 à 24 %) avant de redescendre à 21 % au deuxième semestre 2009. »

L’existence de l’ASS a été questionnée à plusieurs reprises, notamment au moment de la construction du RSA. Sa suppression, à champ d’intervention de l’assurance chômage inchangé, devrait générer des économies. Elle se traduirait aussi par une baisse de revenus des personnes concernées, qu’elles soient ou non en situation de prétendre au RSA. Enfin, elle basculerait du côté de l’assistance des personnes qui sont aujourd’hui suivies et accompagnées au titre de la recherche d’emploi.

Ces questions devaient être examinées dans le cadre d’un rapport du Gouvernement au Parlement prévu par la loi du 1er décembre 2008 à remettre un an après le vote de la loi mais qui n’a jamais été déposé. Le rapport de Philippe Daubresse d’août 2011 sur l’amélioration du RSA, soulignant les différences entre RSA et ASS, indique :

« Compte tenu du nombre important de personnes concernées, de l’implication des partenaires sociaux en ce domaine, des équilibres à trouver avec les collectivités territoriales, la fusion des deux allocations s’avère complexe et nécessite une large concertation. Je souhaite que cette question soit présentée sous tous ces aspects dans le rapport à soumettre au Parlement en fin d’année 2011, afin de se conformer à la loi et de tracer les perspectives de réforme pour la prochaine législature. »

La Cour des comptes regrette que l’obligation prévue par la loi du dépôt d’un rapport par le Gouvernement au Parlement sur les modalités d’une intégration de l’ASS dans le RSA n’ait pas été

33 Un dispositif identique vient d’être créer, l’allocation transitoire de solidarité prenant effet à compter du 1er juillet 2011

respectée et recommande que ce rapport soit établi dans les meilleurs délais.

2 - RSA et indemnisation du chômage : des possibilités importantes de transferts

Le nombre d’allocataires du RMI et aujourd’hui du RSA est très dépendant de l’évolution du marché du travail : il a notamment augmenté lors des ralentissements de l’économie de 1992-1993, de 2002-2003 et de 2008-2009. Il est également affecté par les règles d’indemnisation du chômage : la convention d’assurance chômage mise en œuvre au 1er janvier 2003 avait raccourci les durées d’indemnisation de l’ensemble des filières. Selon les évaluations conduites, 34 la croissance du nombre de règles d’assurance chômage : celles-ci, plus favorables aux demandeurs d’emploi de plus de 50 ans qu’aux autres chômeurs, sont demeurées inchangées après les dernières négociations.

La décision de l’Etat de ne plus financer l’allocation équivalent retraite (AER) pourrait en revanche se traduire par un transfert vers le RSA d’une partie des bénéficiaires potentiels appartenant aux ménages les plus pauvres. La DARES indique à propos de ce qui s’est passé au premier semestre 2009 (cf. §1 ci-dessus) et notamment du report d’une partie de l’AER sur l’ASS : « Ce report n’a toutefois concerné qu’une partie des fins de droits de 55 ans et plus. Au total, la part des demandeurs d’emploi de 55 ans et plus non indemnisables un mois après leur fin de droits est passée de 54 % au deuxième semestre 2008 à 60 % au premier semestre 2009 » 35

3 - Un transfert des préretraites publiques vers l’indemnisation du chômage

La baisse des entrées en préretraites publiques s’est accompagnée d’une augmentation du nombre de chômeurs indemnisés de 55 ans et plus dont le nombre est passé de 71 300 en 2000 à 108 000 en 2002 et 144 000 en 2009, dans le contexte de la crise de 2008/2009.

34 Cazain, Donné (2008).

35 DARES Analyses « Les allocataires du régime de solidarité nationale en 2009 » N°016 Février 2011.

Graphique 13 : Entrées*en préretraites avec participation de l’Etat (secteur privé) et en chômage indemnisé pour les personnes de 55 ans et plus

Sources : Pôle Emploi, CNAMTS/DRP Graphique : DARES Cette substitution entre préretraites et indemnisation du chômage n’est pas propre à la France et l’OCDE la relève aussi pour la Belgique36.