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Association d’arthrite juvénile idiopathique et maladies inflammatoires chroniques intestinales :

10éme Observation médicale :

1. Association d’arthrite juvénile idiopathique et maladies inflammatoires chroniques intestinales :

L'arthrite juvénile idiopathique (AJI) est la maladie rhumatismale chronique la plus courante dans l'enfance, elle représente un ensemble hétérogène d'affections parmi lesquelles on trouve l’arthrite liée à une enthésite connue aussi sous le nom de spondylarthropathie juvénile qui représente la forme pédiatrique des spondylarthropathies.

Classiquement, cinq entités définissent les spondylarthropathies: Spondylarthrite ankylosante, Rhumatisme psoriasique, Arthrites réactionnelles, Arthrites associées aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et Spondylarthrites indifférenciées.

Une nouvelle classification a été proposée, elle permet d’inclure l’ensemble des spondylarthropathies définies selon les critères proposés par l’European Spondylitis Study Group (ESSG) et par Amor (Annexe). Cette classification distingue les formes axiales avec atteinte rachidienne (SpA axiale) des formes périphériques sans atteinte pelvi-rachidienne (SpA périphérique), auxquelles on peut ajouter les forme enthésopathiques.

Outre la maladie du squelette, des atteintes extra-articulaires comme l'uvéite, et la maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI) se produisent souvent au cours des spondylarthropathies (40), offrant une aide significative dans le diagnostic de ces maladies et faisant partie de leurs critères de classification (41, 42).

Il convient de noter que les MICI contribuent au diagnostic de SpA axiale chez les patients souffrant de lombalgie chronique (43, 44).

Les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI) (silencieuses ou cliniquement évidentes) surviennent beaucoup plus fréquemment dans la spondylarthropathie que dans la population générale et sont associées à l'activité de la maladie (45).

Stolwijk et al (44) ont constaté que la prévalence des MICI dans la SpA était de 6,8%, ce qui est beaucoup plus élevé que les pourcentages observés dans la population générale (0,01% à 0,5%).

De même, dans une grande étude de population, il a été montré que le taux d'incidence des

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La SpA axiale et périphérique est plus fréquente dans la maladie de Crohn que dans la rectocolite hémorragique (40,46).Ce qui rejoint les résultats de notre étude.

D'un autre côté, dans une étude cas-témoins (47) il a été constaté que l'uvéite antérieure était moins fréquente chez les patients atteints de spondylarthropathie liée aux MICI par rapport à ceux atteints de SpA sans atteinte intestinale, en effet, aucun de nos cas étudiés ayant SPJ-MICI n’a présenté une atteinte oculaire.

Il est bien connu qu'il existe une association étroite entre les MICI et la SpA (48). Plusieurs mécanismes étiopathogéniques ont été suggérés pour relier ces deux entités, notamment la prédisposition génétique.

1.1. La susceptibilité génétique.

Les facteurs génétiques jouent un rôle important dans la liaison entre SpA et MICI, en modifiant les voies immunitaires adaptatives et innées .(49, 50).

1.1.1. Gènes HLA

Certains allèles de l'antigène leucocytaire humain (HLA) ont été reconnus chez les patients atteints de MICI qui sont plus à risque d'avoir la SpA., en effet l’HLA-B27 confère un risque supplémentaire de lombalgie inflammatoire chez les patients atteints de MICI. Ainsi

Le typage HLA-27 peut être un facteur potentiel, la fréquence de HLA B27 chez les patients atteints de MICI n'est généralement pas plus élevée que dans la population générale.

Une étude prospective concernant la variabilité génétique a trouvé un taux significativement plus élevé de HLA B27 chez les patients atteints de MICI et de SpA, 25% à 78% des cas présentant cette association de SpA et de MICI ont HLA-B27 positif (50,51).

D’autres allèles ont été incriminé dans l’association AJI-MICI ; l'allèle DRB1 0103 du CMH de classe II ainsi que HLA-B35 sont fréquemment associés à la SpA périphérique (51-53), alors qu'environ 38% des patients atteints de RCH ou de maladie de Crohn active ont été identifiés comme porteurs de l'allèle DRB1 0103.

1.1.2. Gènes non CMH (non-HLA)

Des facteurs génétiques en dehors du système HLA ont également été décrits. Les variations du gène CARD15 (qui code pour le produit protéique NOD2) augmentent le risque

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de maladie de Crohn environ 4 à 40 fois et ont été liées au développement de la sacroiliite chez les patients atteints de MICI (54-56).

A savoir que le NOD2 est un récepteur intracellulaire des molécules bactériennes et qui est exprimé à la surface des macrophages, des lymphocytes, des cellules de Paneth et des cellules épithéliales intestinales.

Ce récepteur joue un rôle dans la réponse immunitaire innée en activant le facteur nucléaire κB (NFκB) qui est un régulateur transcriptionnel d'une grande variété de gènes codant pour des cytokines pro-inflammatoires, des molécules d'adhésion, des cytokines, des facteurs de croissance et des enzymes) (49, 50, 53, 55, 57).

En conséquence, la protéine NOD2 est responsable de la régulation positive de la défense immunitaire dans l'intestin et de l'induction d'un état pro-inflammatoire (57).

De Vos et al (58) ont trouvé une association frappante entre un polymorphisme CARD 15 et la SpA.

Dans l’étude de Wiegering et al (59) sur une fille de 7 ans ayant l’arthrite juvénile idiopathique et qui a développé la maladie de Crohn 4 ans après, ils ont examiné les variantes du gène NOD2 / CARD15 et ont trouvé une mutation à R702W.Cette mutation a été trouvée chez plus de 10% des patients atteints de maladies auto-immunes, en particulier dans la maladie de Crohn (60-62).

Cependant, bien que les mutations du gène NOD2 soient associées à l'expression clinique de la maladie de Crohn chez 20% à 30% des patients, il n'y a pas d'association établie entre la présence de mutations NOD2 et le développement de la SpA chez les patients atteints de MICI (50, 63).

De plus, MICI et SpA ont été associés à des polymorphismes dans certains gènes communs comme IL-23R, IL-12B, STAT3 et CARD9, tous impliqués dans l'axe anti-IL-23 / IL-17 (64-68). Cet axe est principalement régulé par l'IL-23, ce qui entraîne la production d'IL-17, d'IL-22 et, dans une moindre mesure, du facteur de nécrose tumorale (TNF) par les cellules dites Th17, qui sont un sous-groupe de Cellules auxiliaires T. Ces cytokines sont également produites à partir d'autres cellules comme les cellules lymphoïdes innées (69, 70,71).

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observé une augmentation de l'expression de l'IL-23(72)

Ceci, pourrait avoir des implications dans l'approche thérapeutique de ces atteintes. (73)

Dans notre série, l’étude génétique n’a pas pu être effectuée par manque de moyens, seule la recherche d’ HLA B27 a été réalisée chez les 5 cas présentant l’association spondylarthropathie juvénile et MICI.HLA B 27 a été positif chez 3 cas.

1.2. L’axe synovial intestinal

Plusieurs autres résultats mettent également en évidence les mécanismes étiopathogéniques sous-jacents communs aux MICI et SpA.

Notamment l'intégrine aEβ7 qui est exprimée par les cellules T intraépithéliales dans la muqueuse intestinale et qui se lie à la glycoprotéine E-cadhérine exprimée par les cellules épithéliales intestinales, et qui s'est révélée être élevée chez les patients atteints de SpA (74, 75).

Demetter et al (76) ont montré que l'expression de l’E-cadhérine est élevée dans l'intestin des patients atteints de MICI et chez les patients atteints de SpA. De plus, cette intégrine a été trouvée dans l'inflammation intestinale aiguë et chronique subclinique, comme un événement précoce dans le développement de ce processus (77).

D’un autre côté, le chevauchement immunopathologique entre l'inflammation intestinale et la SpA a été démontré. On pense que l'inflammation intestinale joue un rôle clé dans la pathogenèse de la SpA (78).

Des explorations endoscopiques réalisées chez des adultes atteints de SpA, sans symptômes intestinaux cliniques, ont montré un infiltrat inflammatoire de la muqueuse de l'iléon chez 65% des sujets examinés contre 3% dans un groupe témoin (79).

Mielants et al (80), dans une étude sur des patients adultes atteints de SpA, ont démontré un schéma histologique inflammatoire intestinal avec des infiltrations inflammatoires « aiguës », caractérisé par une architecture bien préservée avec un infiltrat épithélial de type neutrophile et éosinophile, sans infiltrat lymphocytaire significatif. Ce schéma, avec des altérations histologiques similaires à celles des MICI (distorsion et / ou atrophie de la crypte, cryptite et / ou crypte avec un taux accru de cellules mixtes et d'agrégats lymphoïdes dans la lamina propria), a été classé comme colite indéterminée (81) et était moins fréquent.

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Les lésions intestinales infracliniques sont plus fréquentes dans une population pédiatrique avec SpA indifférenciée (arthrite périphérique); dans 16% des cas (2/12), une maladie de Crohn est survenue lors du suivi (82).

Dans l’étude de Conti et al (4), chez 129 enfants présentant une SpA et des symptômes cliniques évocateurs d'une MICI, le diagnostic de MICI a été confirmé chez sept enfants (5%), tandis que 12 (9%) avaient une colite indéterminée et chez 12 patients (9%), une hyperplasie lymphatique nodulaire intestinale était présente comme caractéristique principale.

L'inflammation intestinale subclinique chez les patients atteints de SpA est fréquente dans les populations pédiatriques, et un suivi à long terme peut être nécessaire pour déterminer si la colite ideterminée et l'hyperplasie lymphatique nodulaire intestinale peuvent être considérées comme des formes précoces de MICI.

Il est de plus en plus reconnu qu'il existe un lien très étroit entre les MICI et la SpA. Il existe plusieurs indices pour cela: épidémiologique, clinique, histologique et pathogénétique. Mais malgré les connaissances théoriques actuelles, la physiopathologie de cette association reste encore mal élucidée.