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Le contrôle de la distance entre l’extrémité de la sonde et la surface de l’échantillon est un élément essentiel de la microscopie en champ proche. Ce contrôle est indispensable pour l’ensemble des techniques de microscopie à balayage de sonde (STM, AFM ou SNOM). De très nombreux modes de fonctionnement134 ont été développés pour assurer ce contrôle : mode statique ou dynamique, sans contact ou avec contact avec la surface de l’échantillon… Le mode sans contact est souvent privilégié dans les microscopes SNOM car il permet de réaliser un balayage point par point en maintenant une distance minimum de sécurité entre l’extrémité de la sonde et la surface de l’objet étudié. Cette absence de contact pendant le balayage permet d’éviter une dégradation de l’apex de la sonde qui pourrait limiter la résolution spatiale transverse du microscope et prévient également une destruction mécanique des structures étudiées. En plus de sécuriser la sonde et la surface de l’objet étudié, l’asservissement de position permet d’effectuer simultanément aux mesures sur le champ optique un relevé topographique du relief de la surface qui peut être ensuite corrélé à l’image optique SNOM. Ce double enregistrement - topographique et optique - facilite l’exploitation et l’interprétation des mesures obtenues comme nous le verrons dans la suite.

Dans le cas spécifique d’un microscope en champ proche optique (SNOM), le contrôle de la distance sonde-échantillon peut-être réalisé par plusieurs techniques :

- en asservissant la position de la sonde de manière à ce que le signal optique collecté reste constant135 ;

- en utilisant une mesure du courant électrique passant par effet tunnel entre l’échantillon et la pointe comme avec un STM106. Cette technique ne peut être appliquée que lorsque l’échantillon est conducteur (ce qui peut être le cas pour des SPP sur une interface Au/Air) et que la pointe optique utilisée est métallisée. Elle nécessite toutefois d’appliquer une différence de potentiel entre l’objet conducteur et la pointe;

- en tirant profit des forces d’interactions mécaniques entre la pointe et la surface lorsque la sonde se situe à quelques dizaines de nanomètres de l’échantillon.

Cette dernière technique, initialement proposée par E. Betzig136 et R. Toledo-Crow137 en 1992, est directement inspirée de l’approche dynamique souvent utilisée dans les microscopes à force atomique (AFM). Elle consiste à appliquer un mouvement de vibration mécanique sur la sonde, par exemple à l’aide d’une excitation extérieure fournie par un élément piézoélectrique. La fréquence de vibration est ajustée autour de l’une des fréquences propres de résonance du système mécanique qui supporte la sonde. Le mouvement de vibration peut s’effectuer parallèlement ou perpendiculaire à la surface de l’objet étudié. Lorsque la pointe se situe à proximité immédiate de la surface, typiquement quelques dizaines de nanomètres, des interactions de surface amortissent l’amplitude de la vibration et décalent la fréquence propre de résonance. Il suffit alors de détecter ces modifications sur la résonance mécanique pour obtenir un signal d’asservissement de la position de la sonde. Durant les premiers développements SNOM, E. Betzig136 et R. Toledo-Crow137 ont utilisé des méthodes optiques afin de mesurer les perturbations sur la vibration mécanique de la pointe, de façon semblable à l’approche souvent utilisée dans les microscopes AFM. L’inconvénient d’une technique optique pour la mesure de vibration de la pointe est l’ajout d’une instrumentation optique supplémentaire en plus de celle déjà nécessaire pour collecter puis détecter le signal optique du SNOM ce qui complique l’encombrement et l’alignement de la tête de mesure.

Chapitre III - Montage expérimental

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Une des techniques d’asservissement de position les plus répandues actuellement en microscopie en champ proche optique est une technique dynamique basée sur la détection des forces de cisaillement (« shear force ») s’exerçant sur la sonde lorsqu’un mouvement de vibration parallèle à la surface de l’objet est imposé par une excitation extérieure. Pour faciliter cette détection, K. Karrai et R. D. Grober138 ont proposé d’utiliser le signal piézoélectrique fourni par un diapason en quartz cristallin. Ce type de diapason est habituellement utilisé en électronique pour cadencer le mouvement mécanique dans les montres à quartz. La forme en U de ce diapason entraîne un mouvement d’oscillation harmonique en opposition de phase des deux branches sous l’effet d’une excitation mécanique ou électrique extérieure (Figure 65). La fréquence propre de résonance pour un diapason encapsulé sous vide dans son boitier métallique d’origine est ajustée autour de 32768Hz (soit 215 Hz) avec un facteur de qualité très élevé (Q≈10000 à 100000 à 25°C)139. Les deux faces latérales du diapason en U sont recouvertes par deux électrodes métalliques qui permettent de récupérer un signal piézoélectrique directement proportionnel au mouvement de vibration en flexion des branches du diapason. Lorsque la micro-pointe qui sert de sonde dans le SNOM est collée sur l’une des branches du diapason décapsulé, l’amplitude et la phase du signal piézoélectrique fourni par le diapason permettent de détecter précisément l’amortissement de vibration, lors de l’interaction de la sonde avec la surface de l’échantillon. Même si la nature exacte de l’interaction en jeu entre l’extrémité de la sonde et la surface reste sujette à controverse140 (forces de friction, chocs occasionnels avec la surface, torsion de la sonde, interaction avec un troisième corps localisé entre la pointe et la surface – par ex. une fine couche d’eau –, couplage capacitif entre la pointe et la surface), le signal électrique obtenu sert alors de signal d’asservissement pour maintenir constante la distance entre la pointe et la surface. Dans le cas d’une excitation mécanique du diapason, les signaux piézoélectriques sont généralement très faibles (qq µV) et nécessitent un conditionnement analogique à l’aide d’un amplificateur d’instrumentation à faible bruit pour obtenir un signal de plusieurs dizaines de mV. Par exemple, le montage électronique que nous avons utilisé dans ces travaux de thèse était basé sur un amplificateur INA111 de Burr-Brown mis en œuvre suivant le montage représenté sur la figure 65 (voir annexe VIII). Ce signal électrique est ensuite exploitable à l’aide d’une détection synchrone référencée sur le signal d’excitation afin d’avoir accès simultanément à l’amplitude et à la phase du signal fourni par le diapason. Cette détection synchrone sera désignée comme DS dite « Shear-force » dans la suite du manuscrit. En plus de sa simplicité de mise en œuvre et du très faible coût d’un diapason en quartz, cette technique présente l’avantage de pouvoir être utilisée dans des environnements expérimentaux contraignants (par exemple lorsque l’ensemble est placé sous vide).

Figure 65 : Photographie d’un diapason encapsulé et d’un diapason décapsulé ; Schéma de montage de conditionnement de signal utilisant un amplificateur d’instrumentation INA 111 de Burr-Brown.

Pour mettre en œuvre en pratique la méthode d’asservissement de position dite « Shear-force », le boitier métallique de conditionnement autour du diapason est retiré à l’aide d’une micro

III.3 - Asservissement de la position d’une micro-pointe fibrée

95 meuleuse en conservant son embase. Lorsque le boitier de protection est retiré, le diapason conserve une fréquence de résonance très proche de la valeur initiale (32768Hz) mais cette résonance présente un facteur de qualité Q réduit138 (Q≈1000-8000 à 25°C) en raison du frottement visqueux de l’air environnant. Le diapason est ensuite soudé sur un support aimanté qui sert de système de fixation sur la tête SNOM. Deux contacts électriques situés sur le support et soudés aux deux électrodes du diapason permettent de récupérer le signal piézoélectrique.

Sous une binoculaire de visualisation et avec l’aide d’un système de micro-manipulation, la micro- pointe optique est ensuite collée sur l’une des branches du diapason en quartz avec un point de colle cyanoacrylate (ou Super Glu). Le collage de la sonde le long d’un des bras du diapason se traduit par un changement important de la fréquence de résonance variant entre 32 et 34kHz, ainsi que par un élargissement du pic de résonance dus aux changements de masse et de rigidité produits par le collage. La série de courbes illustrées sur la Figure 66 correspond à des enregistrements effectués sur notre montage expérimental au cours de la préparation d’une nouvelle pointe. Pour que l’interaction entre la pointe et la surface soit facilement détectable, le facteur de qualité Q doit rester le plus élevé possible*. Afin d’éviter un élargissement trop important de la résonance et conserver ainsi un facteur de qualité suffisamment élevé, plusieurs recommandations pratiques doivent être respectées :

i. bien nettoyer le diapason à l’acétone avant le collage ;

ii. minimiser la quantité de colle utilisée pour fixer la sonde. Une colle cyanoacrylate la plus fluide possible permet de minimiser la quantité déposée;

iii. éviter que la sonde ne dépasse l’extrémité du diapason de plus d’un millimètre afin que l’amortissement dû aux forces de cisaillement soit correctement transmis au diapason ; iv. laisser sécher la colle au moins 2 à 3 heures avant d’utiliser la nouvelle sonde. La résonance

évoluant au fur et à mesure du séchage, il est conseillé de vérifier l’évolution de la courbe de résonance afin d’être sûr que celle-ci s’est totalement stabilisée.

La sensibilité de l’asservissement dépend de plusieurs paramètres : la forme et la rigidité de la pointe, les dimensions de l’apex, la nature de la surface de l’échantillon ainsi que la finesse de la résonance. Cette dernière peut être estimée en enregistrant à l’aide de la détection synchrone « Shear-force » [Stanford Research Systems SR810] l’évolution de l’amplitude R et du déphasage  entre le signal fourni par le diapason et le signal d’excitation sur une plage de fréquence située autour de la résonance. La courbe de résonance expérimentale est ensuite tracée en représentant l’évolution de R ou de A=Rcos en fonction de la fréquence d’excitation (Figure 66). On constate alors que le signal A présente une résonance plus marquée que R et donc que la grandeur A=Rcos sera plus sensible à l’interaction de la sonde avec une surface. Les courbes de résonance présentées sur la figure 66 ont été obtenues pour un diapason en quartz qui a subi plusieurs étapes de collage- décollage successives. En l’absence de sonde, le facteur de qualité du diapason décapsulé et fixé sur son support vaut Q≈4146 pour R et Q=6960 pour A. Le collage de la sonde entraîne une diminution importante du facteur de qualité dans une gamme de valeurs généralement comprises entre 300 et 1500 (Q=806 pour R et Q=1150 pour A sur la figure 66). Malgré cette diminution significative, le facteur de qualité Q décrivant la dynamique de vibration de la pointe reste bien supérieur aux autres configurations n’utilisant pas de diapason (Q≈160 dans la réf. 136, Q=76 dans la réf. 137).

*

Un facteur de qualité trop élevé peut néanmoins conduire à une dégradation du temps de réponse de l’asservissement. Dans ce cas, il peut être avantageux d’avoir recours à un asservissement de type PLL (voir conclusion).

Chapitre III - Montage expérimental

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En pratique, sur le montage SNOM développé au CIMAP, l’asservissement s’effectue aisément pour des facteurs de qualité Q après assemblage supérieurs à 300.

Figure 66 : Evolution de l’amplitude de vibration R, de la phase et des grandeurs A=Rcos et B=Rsin du diapason à vide (colonne de gauche) puis avec une pointe collée le long d’un des bras (colonne de droite) en fonction de la fréquence

d’excitation

L’utilisation des forces de cisaillement pour asservir la sonde est particulièrement adaptée pour des sondes effilées telles que des fibres optiques (étirées ou obtenues par attaque chimique – voir §III.3.B) ou des pointes AFM. En particulier, dans le cas des fibres optiques, le contrôle de la forme de la pointe ainsi que des dimensions de l’apex sont des points très importants à considérer de manière à ce que l’asservissement fonctionne et permette d’obtenir une résolution de bonne qualité. Ces contraintes nécessitent donc une bonne maîtrise de la fabrication des micro-pointes optiques.