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Les discours les plus communs tenus sur les jeunes détenus, qu’ils émanent des médias ou des institutions d’encadrement de la jeunesse, focalisent l’attention sur leur appartenance à un « milieu socialement pathogène », sur leurs familles « déchirées » et « déstructurées », aboutissant ensuite à des adolescents « sans repère normatif71 ». Sans repères sociaux, familiaux, ces jeunes n’auraient pas

les ressources nécessaires pour se projeter dans l’avenir.

Notre constat est tout autre, il contredit même les deux thèses sous-tendant ces discours : celle des familles déstructurées et celle de l’absence de projection dans l’avenir. D’une part, nombre des adolescents rencontrés vivent, hors détention, avec leurs deux parents ou dans des configurations familiales des plus courantes (familles séparées, avec un enfant vivant chez l’un ou l’autre de ses deux parents, ou en alternance)72. D’autre part, interrogés sur leurs représentations de l’avenir, sur leurs attentes en termes de travail et de projets professionnels, de vie familiale ou parentale, nombre de ces jeunes semblent adhérer et se projeter dans des configurations sexuelles, conjugales, parentales et professionnelles des plus conformes (Frechon, Marquet, 2016).

Cherchant à comprendre la relation entre vie professionnelle et vie familiale qu’ils envisageaient, nous nous sommes intéressés à leurs aspirations et à leur projection dans leur avenir. De la fidélité, une vie conjugale et une situation économique stables, des sentiments amoureux, une subsistance relativement assurée, quelques loisirs caractéristiques de leur appartenance aux classes populaires — le tout dans un environnement idéologique marqué par l’hétérosexualité dans les choix intimes (Coquard, 2016), et par une adhésion à des valeurs libérales qui se reflète dans les choix professionnels (notamment à travers la valorisation de l’entreprise, la croyance en la réussite individuelle, et dans la possibilité de l’ascension sociale basée sur le mérite) : telles sont les attentes qui ressortent massivement des discours de ces jeunes garçons et filles.

Il faut bien sûr considérer ces discours avec prudence, car ils reflètent aussi ce que ces jeunes pensent être attendu par un adulte qui leur pose des questions sur l’avenir. Le questionnement sur l’avenir, d’ailleurs, est une préoccupation située : celle des classes supérieures soucieuses du devenir de leurs propres enfants, ou qui ont été socialisées à préparer, à « stratégiser » leur rapport à l’avenir. De même, les jeunes savent très bien raconter leur histoire de vie, la relier au présent (aux évènements qui les ont menés en détention notamment), car ils savent très bien fournir le « projet professionnel » ou le « projet de sortie » demandés généralement par les institutions socio-judiciaires qui les prennent en

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Un ouvrage écrit par un éducateur, Jean-Luc Einaudi, en 1995, décrit une délinquance qui « prend avant tout racine dans la déstructuration de la famille, l’abaissement de la fonction paternelle, l’absence de repères symboliques » (Voir Einaudi, 1995.)

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Des enquêtes ont montré que si certaines caractéristiques familiale des jeunes suivis par la justice différaient de celles des jeunes en population générale (comme le fait de vivre dans des fratries plus nombreuses ou dans des configurations plus volontiers monoparentales), rien n’indiquait qu’ils diffèrent fondamentalement de leur population de référence, celle des jeunes de classe populaire, auxquelles ils appartiennent le plus souvent (voir notamment : Chamboredon, 1971).

SEXUALITÉ, AMOUR ET NORMES DE GENRE

charge. Ces manières de dire son parcours de vulnérabilité, à l’instar des récits exigés des demandeurs d’asile (Fassin, Kobelinski, 2012) par exemple, sont en effet devenues le lot commun du travail social et socio-éducatif, à tel point que les personnes prises en charge par les institutions maîtrisent une manière de se raconter formatée par l’institution. Il n’est pas anodin de voir que la sociologie reprend souvent à son compte les techniques d’incitation au récit de soi parfois véhiculées par les déclinaisons libérales du travail social qui, comme le notent Didier Fassin et Carolina Kobelinski, font passer le récit et son arbitraire avant la reconnaissance de droits aux individus.

Cette incitation au récit de soi et à la temporalisation de son parcours de vie n’a pas été notre manière de procéder, puisque notre questionnaire n’invitait pas les jeunes à produire un récit structuré, temporalisé, à distinguer évènements passés et rapport à l’avenir, à formuler des souhaits d’orientation professionnelle, de choix de vie. Nous avons au contraire amené la question des aspirations par le biais des représentations des jeunes sur tel ou tel mode de vie, ou par le biais de questions « hors cadres », posées sur un ton proche de l’humour, comme celle consistant à demander à un jeune, au détour d’une discussion sur un autre sujet, ce qu’il imagine de sa vie dans dix ans, vingt ans ou encore d’entendre les jeunes quand ils évoquaient ne pas être « encore prêts » ou « concernés » par tel ou tel événement comme l’arrivée d’un enfant, la quête d’un emploi stable ou d’une relation à long terme… Surtout, nous avons pris soin de considérer les réponses des jeunes dans un contexte, celui de l’entretien sociologique, mais aussi celui de la détention, où de nombreuses interactions nous ont permis d’étayer les propos enregistrés.

Il nous a été possible de discerner des régularités dans les discours des jeunes, mais également quelques discours dissonants qui, du fait de leur caractère « hors normes », renseignent sur la norme observée par ailleurs. De manière générale, les discours des jeunes montrent qu’ils et elles ont tendance à se projeter dans une forme de conjugalité stabilisée, encadrée par un travail stable et des formes de mobilité géographique très restreintes (recherche d’un travail et construction d’une famille dans un périmètre proche de leur lieu d’habitation et de là où habitent leurs parents ; plus rarement, ils envisagent « partir au soleil », « dans le Sud de la France »). Un autre aspect de leurs discours concerne la conjugalité, la vie de couple, la parentalité, la sexualité. Cela renvoie évidemment aux questions posées, aux objectifs de notre enquête, mais aussi à des préoccupations largement partagées dans la société dans la perspective du processus d’entrée dans l’âge adulte (Van de Velde, 2008 ; Galland, 2011).

Travail, mobilité : une adolescence entre conformisme

et incertitudes

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permettant de libérer en partie les travailleurs d’une subsistance strictement rattachée au travail (Friot, 1998), on assiste depuis quelques années au retour d’un discours consensuel sur le travail comme base de la vie sociale, chez l’ensemble des libéraux et sociaux-libéraux73. Avec des variations liées à la reconnaissance du mérite, à la défense de certaines formes de contrat, ou encore à l’articulation entre le travail et d’autres dimensions de la vie des individus, les différents discours tenus sur le travail ont en commun de s’inscrire dans une doctrine désormais largement partagée, sans être nécessairement assumée : celle du libéralisme économique et de l’idée que la régulation des relations sociales passe avant tout par la socialisation des individus dans des activités économiques qui les motivent à agir et qui organisent leur vie sociale.

Le lieu commun selon lequel les jeunes détenus sont en rupture avec l’ordre social pourrait, de prime abord, laisser penser qu’ils font partie de celles et ceux qui, désaffiliés et a priori exclus du marché du travail, le rejettent et en constituent l’antithèse, la figure repoussoir. D’ailleurs, le discours tenu en 2008 sur le marché de Rungis par un ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, à propos de la « France qui se lève tôt » visait directement la contre-figure des jeunes délinquants, puisqu’il opposait cette France matinale aux individus qui « cassent des abribus74 ». Le caractère démagogique de tels discours, dont la finalité consiste principalement à diviser la population, en opposant notamment les « assistés » aux « travailleurs » (Duvoux, 2012), mais au-delà, les « jeunes de banlieue » au reste de la population, ont fait l’objet de différentes critiques, notamment concernant les propriétés sociales et les privilèges vis-à-vis du travail de celles et ceux qui les émettent, généralement protégés des mauvaises conditions de travail partagées, elles, par une partie croissante de la population.

On peut aussi opposer à ces discours la voix des personnes qu’ils stigmatisent. Précisément, lors de nos entretiens avec les jeunes en détention, la question du travail est apparue à de nombreuses reprises, et elle renseigne sur les réalités vécues par ces jeunes et sur leurs projets de formation ou d’insertion professionnelles. Amaury, fils d’un père technicien industriel et d’une mère intérimaire, a 17 ans, et son incarcération a mis fin à une première période de formation professionnalisante, en mécanique. Il motive ce choix par son goût des motos, sa connaissance autodidacte de la mécanique. Cependant, la prison a été pour lui l’occasion de « tester » une nouvelle orientation professionnelle, la cuisine. Il explique ses choix ainsi :

– J’étais en formation mécanique, mais maintenant je suis en formation cuisine. Je trouve ça mieux parce que j’ai commencé à faire un atelier et j’ai bien aimé. Avant, j’aimais bien faire des petits plats et j’aimais que ce soit bien propre et bien soigné. Et là, j’ai vu que j’aimais bien ça en fait. Pour la mécanique, j’étais motivé aussi. Je connais bien la mécanique. J’ai une moto et j’aime bien réparer ma moto. On aime ça au quartier. On montait des scooters.

– Et pourquoi la cuisine ça te semble mieux ?

– Parce que j’aime bien cuisiner. Je prends du plaisir à cuisiner. Je prends tout mon temps. [Dans la prison], je me fais à manger tout seul. J’ai une plaque de cuisson.

(Entretien avec Amaury, 17 ans, incarcéré en QM depuis 2 ans.)

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Lors de la campagne présidentielle précédant son élection en 2012, François Hollande a par exemple estimé que son opposant, à droite, ne devait pas être le seul à parler de la « valeur travail ». Plus récemment, le candidat libéral Emmanuel Macron pour l’élection présidentielle de 2017 s’est dit « candidat du travail ».

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Lorsqu’on l’interroge sur sa vie future, il imagine travailler dans un « grand restaurant » pour pouvoir cuisiner de « beaux plats ». Cependant, comme pour l’ensemble des apprentis, dont les premières années sont peu rémunérées, se pose la question de la subsistance : comment vivre durant les premières années de formation ? Les parents d’Amaury étant séparés, il a d’abord habité chez sa mère, avant de faire le choix d’aller vivre chez sa sœur, qui a un emploi stable et lui permet de pouvoir se loger gratuitement. Dans ses propos, le fait de pouvoir vivre sans payer de loyer et la condition d’apprenti paraissent clairement articulés, puisqu’il explique que cela lui permettra notamment de « mettre de côté tous les mois », tout en précisant qu’« après, ça ira mieux ». L’hésitation d’Amaury entre deux orientations professionnelles, et donc entre deux types d’activités professionnelles possibles à plus long terme, reflète un état d’esprit partagé par les jeunes à cette période de la vie. Si l’on sait que les trajectoires scolaires des jeunes détenus sont souvent marquées par l’orientation imposée et la relégation dans les filières les plus dévaluées du système scolaire (principalement dans l’enseignement professionnel), on sait également que des formes de choix d’orientation demeurent, y compris pour ces jeunes (Palheta, 2012). Les entretiens réalisés montrent en particulier l’importance des appartenances de classe et de genre dans les réflexions sur le choix du métier, et les représentations de celui-ci.

Aziz, 17 ans, incarcéré depuis six mois en QM, scolarisé à l’extérieur en seconde professionnelle (dans le cadre d’un bac professionnel de gestion-administration), et dont les parents sont retraités (mère au foyer, père anciennement maçon), illustre bien cette marge de choix et les représentations associées aux métiers, dans un contexte d’orientation scolaire généralement imposée :

– À la sortie, du coup, tu veux reprendre le lycée ? – Ouais, là, c’est sûr.

– Et pourquoi tu as choisi cette voie ?

– J’ai pas choisi. J’allais jamais à l’école. Après, la conseillère d’orientation m’a proposé ça, j’ai accepté. – C’est pour quel type de métier après ?

– Secrétaire, comptable. – Tu aimes bien les chiffres ? – C’est l’argent qui m’intéresse.

– Et tu as une idée précise de ce que tu veux faire après ?

– Moi, je suis ouvert à tout. Je peux être plombier, je peux être maçon, je peux être électricien. Si j’ai la possibilité d’être avocat, je suis avocat. Si je peux faire secrétaire, je suis secrétaire.

– Tu as pas une préférence ?

– Non, un métier pas trop casse-tête et qui gagne bien sa vie – c’est tout à fait normal. J’aimerais pas avoir le dos cassé à 60 ans malheureusement comme mon père ; il était maçon. Aujourd’hui, il a des problèmes aux muscles.

– Donc, toi, plutôt pas les métiers du bâtiment ?

– Si je dois le faire, je le ferai. Mais si j’ai la possibilité de faire un autre truc, je ferai un autre truc. Moi personnellement, je suis vraiment attaché par la plomberie. Mais si j’ai la possibilité d’être comptable ou

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On voit dans ces propos une forme d’appropriation de sa propre trajectoire, quand bien même elle est en partie contrainte par les effets de filière du système scolaire. On voit surtout que les choix d’Aziz ne sont pas motivés que par l’horizon restreint de la formation, mais par une représentation de sa vie future, de l’argent que pourrait lui procurer une activité.

Parfois, les choix de métier ou d’orientation scolaire sont plus directement liés aux trajectoires de déviance des jeunes, qui influent sur leurs possibilités immédiates, selon qu’ils veulent ou non rester dans le « business », en sortir, faire des études, ou trouver du travail. Julien, 16 ans, incarcéré depuis deux semaines en QM, se situe dans ce dilemme. Issu d’une famille de la classe moyenne inférieure, Julien a un rapport complexe à la prison. Il semble revendiquer la poursuite d’une trajectoire de déviance, même s’il n’est pas très « ancré » dans la délinquance. Il lie cela, dans son discours, à une opposition à son père, qui travaille dans les forces de l’ordre. Pour lui, la prison n’est pas un problème, il préfère y passer régulièrement tout en profitant de sa jeunesse, faire « prison/dehors/ prison/dehors ». Du fait qu’il risque actuellement un placement en centre éducatif fermé (c’est-à-dire un placement d’au moins six mois dans une structure contraignante où le non-respect du placement mène à l’incarcération), il dit préférer fuguer du CEF, « profiter », et se retrouver à l’occasion en prison. On voit dans son discours la réflexion qui s’opère concernant sa situation, les risques qu’il prend à continuer le « business », mais aussi la possibilité d’arrêter la délinquance. Il explique notamment que s’il n’est pas placé en CEF et donc libéré, il « arrête cash ». Cela conforte d’ailleurs une observation générale à propos des jeunes détenus : leur intériorisation des mécanismes judiciaires et leur réflexion sur la meilleure manière de « faire avec » les risques qu’ils ou elles encourent. Julien a d’ailleurs bien intégré la distinction pénale entre justice des mineurs et justice des majeurs : « Je profite de ma jeunesse […] vaut mieux faire ces conneries aujourd’hui que quand je serai grand. Parce que si je ferais ça quand je suis majeur, je prendrais deux ans, trois ans, un truc comme ça. Je préfère profiter quand je suis jeune… » Les jeunes rencontrés semblent intégrer le travail dans leur horizon de vie à court ou moyen terme. Le travail est bien sûr mis en balance avec d’autres éléments : le fait de continuer ou non une activité illégale, le fait de choisir telle ou telle orientation scolaire, mais aussi le fait de pouvoir en tirer un revenu suffisant. Rien n’indique ce que ces éléments soient spécifiques aux jeunes détenus, et on peut même penser qu’ils sont consensuels parmi les jeunes. L’enquête européenne menée à intervalle régulier sur les valeurs des Européens (EVS) montre par exemple, sur les 25 dernières années, une montée en puissance du travail chez les jeunes dans leur ensemble (l’enquête concerne les jeunes de 18 à 29 ans). Ils et elles étaient ainsi 70 % à penser, en 2005, que « dans [leur] vie, le travail est une chose importante, contre 68 % en 1999 et 60 % en 1990 (Gonthier, Lescure, 2012, p. 156). Les chercheurs de l’enquête EVS analysent cette augmentation comme la contrepartie d’une difficulté croissante des jeunes face à l’emploi : plus l’emploi se fait rare, plus le travail devient une préoccupation. Tout porte à croire que les jeunes détenus, exposés comme les autres jeunes aux difficultés face à l’emploi et aux discours tenus à ce sujet, ont un rapport au travail similaire et déploient des stratégies pour s’assurer un avenir qui passe, entre autres, par une bonne situation professionnelle.

Cette dimension stratégique dans le rapport au travail se retrouve également dans ce que les jeunes disent de leurs choix de lieux de vie. Car même si la mobilité se décline à différentes échelles spatiales

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et temporelles dans leurs discours, elle reste une valeur montante dans la société (Bacqué, Fol, 2007 ; Guy, 2014). Plus largement la mobilité est appréhendée comme une compétence nécessaire aux jeunes dans une perspective d’insertion socio-professionnelle (Labadie, 2014). Parmi ceux que nous avons rencontrés, nombreux sont ceux qui ont connu plusieurs lieux de résidence impliquant des déplacements fréquents et un rapport spécifique à l’espace marqué par la multirésidentialité : vivre chez ses parents ou être hébergé chez des amis ou des membres de la famille (fratrie, grands- parents…), ou encore en foyer ou en famille d’accueil (Potin, 2009), voire toutes ces situations en même temps. Car avant l’étape clé de décohabitation, marquée par le départ officiel de chez les parents (prendre ses affaires), les adolescents rencontrés peuvent vivre dans plusieurs logements, sans pour autant avoir formellement quitté leurs parents. Dans ce contexte, le rapport des jeunes à la mobilité est ambivalent et dépend fortement de leur histoire de vie : il est difficile, en effet, de comparer les choix de mobilité à venir de jeunes mineurs isolés étrangers (qui ont déjà eu des expériences de mobilité de longue distance) et ceux des jeunes qui n’ont jamais ou peu quitté leur quartier. Au lieu de rechercher des régularités dans les aspirations à la mobilité pour établir leur résidence « plus tard », il s’agit alors de comprendre les logiques à l’œuvre en fonction des propriétés sociales des jeunes. Il ressort des entretiens que la plupart des jeunes, surtout lorsqu’ils n’ont pas connu d’autres quartiers que le leur, aspirent à y rester, ou aspirent éventuellement à partir, mais sans savoir où aller. Nombre d’entre eux « aiment » leur quartier, ou disent ne pas espérer trouver mieux ailleurs. Le poids de l’ancrage constitue une modalité du rapport des jeunes à l’espace et sur les liens induits entre identités des individus et territoires (Authier et al., 2010 ; Labadie, 2014). À de multiples reprises, ils nous parleront des lieux : les différents quartiers d’une ville, dans laquelle ils se situent, dans laquelle des repères organisent leur vie et leur sociabilité. Néanmoins, certains jeunes font part, en entretien, de leur désir de partir.

Maria, 17 ans, dont le père est ferrailleur et la mère sans emploi, incarcérée en QM depuis trois mois, vit en couple depuis quatre ans, dans un bidonville de la région parisienne. Elle a aussi un enfant d’un an et demi. Son mari (elle est mariée dans la communauté Rom, ce qui n’implique pas nécessairement de