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En guise de conclusion, il est opportun de revenir sur trois développements in-téressants en matière de procédure administrative. En effet, ceux-ci ouvrent cer-taines perspectives pour les avocats et justifient, sous cet angle également, le titre de cette contribution.

a. qualité pour recourir de l’actionnaire majoritaire

De jurisprudence constante, il est admis que l’actionnaire unique ou majoritaire d’une société n’a en principe pas qualité pour recourir au nom de celle-ci, car le premier peut effectivement influencer les décisions de la seconde. Se fondant sur les garanties juridictionnelles accordées par les art. 6 par. 1 CEDH et 29a Cst115, le Tribunal administratif fédéral, après une analyse détaillée de la jurisprudence de son instance supérieure, a toutefois reconnu la qualité pour recourir de l’ac-tionnaire contrôlant une entité, lorsque celle-ci n’a plus d’organe à même d’en défendre les intérêts dans le cadre d’un recours116.

En l’espèce, l’actionnaire apparaît comme un organe de fait qui était aupa-ravant responsable des orientations stratégiques et de la direction de la société mise en faillite ; si l’on avait nié la qualité pour recourir de l’actionnaire unique ou majoritaire, la société aurait été mise, en raison de la démission de son admi-nistrateur unique (Organlosigkeit), dans une situation où ses droits conventionnel et constitutionnel n’auraient plus été garantis117. L’actionnaire se voit donc recon-naître ce droit procédural pour agir tant au nom de la société en faillite qu’en son nom propre pour la partie du dispositif le concernant directement (interdiction de faire de la publicité [Werbeverbot] en relation avec des activités sujettes à auto-risation de la FINMA)118.

b. décisions superprovisoires

Les décisions superprovisoires consistent la plupart du temps en des mesures (dites

“superprovisionnelles”) ordonnées, en cas de péril en la demeure, à l’encontre

115 Eg. supra note 27.

116 Arrêt TAF B-7861/2008 G et X AG c. FINMA, du 24 septembre 2009, consid. 2.2.

117 Idem, consid. 2.2.4. Voir ég. idem, consid. 2.1 (influence de l’absence d’administrateur sur la validité de la notification).

118 Idem, consid. 2.2.4. Notons au passage que le Tribunal s’est plu à relever que la FINMA avait mis les frais de la cause solidairement à la charge de l’actionnaire contrôlant la société (idem, consid. B et 2.2.4). L’autorité de première instance reconnaissait donc ainsi une implication im-portante de ce dernier dans cette affaire.

d’une partie, sans que celle-ci ait préalablement été entendue à ce sujet ; une au-dition ultérieure – en particulier par le biais d’un échange d’écritures – permet à l’autorité de déterminer s’il y a lieu de maintenir ces mesures ou, au contraire, de les remplacer par des mesures plus lourdes ou plus légères, voire de les révoquer.

En tant que décisions incidentes, ces mesures, lorsqu’elles sont ordonnées par la FINMA, devraient pouvoir faire l’objet d’un recours conformément à l’art. 46 al. 1 let. a PA puisque, généralement, elles “peuvent causer un dommage irréparable”119.

Toutefois, du temps où le Tribunal fédéral intervenait comme seule autorité de recours contre les décisions de la CFB, cette juridiction considérait qu’en raison de son pouvoir de cognition limité, les décisions superprovisoires de cette autorité n’étaient pas susceptibles de l’ancien recours de droit administratif ; le droit d’être entendu devait être garanti par une procédure subséquente débouchant sur une nouvelle décision, quant à elle susceptible de recours120.

A juste titre, le Tribunal administratif fédéral n’a pas retenu cette jurispru-dence parce que, d’une part, il dispose d’un plein pouvoir de cognition conformé-ment à l’art. 49 PA121 et, d’autre part,

“le maintien de cette pratique par le Tribunal administratif fédéral contrevien-drait sans motifs légitimes à la lettre même de l’art. 30 PA. En effet, celle-ci veut que l’autorité entende les parties avant de rendre une décision : elle n’est pas te-nue de le faire dans une procédure de première instance, lorsqu’il y a péril en la demeure, que le recours est ouvert aux parties et qu’aucune autre disposition du droit fédéral ne leur accorde le droit d’être entendues préalablement (art. 30 al. 2 let. e PA). […] En conséquence, une décision sans audition préalable des parties n’est admissible – à la lecture même de l’art. 30 al. 2 let. e PA – que dans la mesure où celles-ci disposent d’un droit de recours. Cela doit manifestement également valoir pour les décisions superprovisoires rendues par la FINMA.”122

Sur le fond, on notera au passage qu’en rapport avec la notion d’acceptation de dé-pôts du public à titre professionnel (art. 1 al. 2 LB), le Tribunal administratif fédé-ral semble reprendre à son compte la qualification de “présomption légale” don-née par la FINMA, dans sa Circulaire 08/3123, au nombre de 20 dépôts figurant à l’art. 3a al. 2 OB124. L’autorité de surveillance insiste d’ailleurs fortement sur la valeur de cette présomption en voulant apparemment l’élever au rang de fiction,

119 Eg. art. 93 al. 1 let. a de la loi sur le Tribunal fédéral, du 17 juin 2005 (LTF ; RS 173.110).

120 Voir les références figurant à l’arrêt TAF du 31 août 2009 (note 7), consid. 1.5. Eg., précédemment, arrêt TAF B-2627/2009 A Ltd, B AG, C AG et D Ltd c. FINMA, du 27 mai 2009, consid. 1.2.

121 A ce propos, voir supra section I. B.

122 Arrêt TAF du 31 août 2009 (note 7), consid. 1.5.

123 Circulaire FINMA 08/3, “Acceptation à titre professionnel de dépôts du public par des établisse-ments non bancaires au sens de la loi sur les banques” (remplaçant la Circulaire CFB 96/4), Cm 9.

124 Arrêt TAF du 31 août 2009 (note 7), consid. 3.1.

puisqu’elle affirme dans sa circulaire que “celui qui accepte de l’argent de plus de 20 déposants agit […] toujours à titre professionnel”125. Or, en bonne doctrine, il est possible de renverser une présomption légale126, qui plus est lorsque celle-ci apparaît dans une ordonnance plutôt que dans une loi au sens formel.

c. suspension de la procédure

Dans le cadre des difficultés financières rencontrées dans les années 1990 par la Banque cantonale de Genève (BCGE), le Canton de Genève a formé contre la Confédération une demande en dommages-intérêts, pour un montant de plus de 3 milliards de francs ; elle reproche à la CFB d’avoir failli à son obligation de surveillance et d’avoir ainsi contribué au préjudice subi. Le Département fédéral des finances a suspendu pour des motifs d’opportunité l’instruction de cette de-mande, jusqu’à droit connu dans l’enquête pénale genevoise ouverte à l’encontre des anciens dirigeants et réviseurs de la BCGE ainsi que dans la procédure en dommages-intérêts introduite, également par le Canton de Genève, devant le Tribunal de première instance genevois, contre l’ancienne société de révision de la banque.

Le Canton a requis à trois reprises la levée de cette suspension ; à chaque fois, il a essuyé un refus du Département. Le recours du Canton a été rejeté deux fois par l’ancienne Commission fédérale de recours en matière de responsabilité de l’Etat (CRR). Le troisième recours a en revanche été admis par le Tribunal administratif fédéral, et la décision de suspension du Département a en conséquence été an- nulée. Le Tribunal résume ainsi la jurisprudence en la matière :

“Une suspension de la procédure doit être justifiée par des motifs suffisants […].

Elle peut être envisagée lorsqu’il ne se justifie pas, sous l’angle de l’économie de la procédure, de prendre une décision dans l’immédiat, notamment lorsque le ju-gement prononcé dans un autre litige peut influencer l’issue du procès […]. La suspension est admise, lorsqu’elle paraît opportune pour d’autres raisons impor-tantes. Elle ne doit pas toutefois s’opposer à des intérêts publics et privés prépondé-rants […]. Elle doit même rester l’exception […]. En particulier, le principe de cé-lérité qui découle de l’art. 29 Cst pose des limites à la suspension d’une procédure jusqu’à droit connu sur le sort d’une procédure parallèle. De manière générale, la décision de suspension relève du pouvoir d’appréciation de l’autorité saisie ; cette dernière procédera à la pesée des intérêts des parties, l’exigence de célérité l’em-portant dans les cas […]. Il appartiendra à l’autorité saisie de mettre en balance, d’une part, la nécessité de statuer dans un délai raisonnable et, d’autre part, le

125 Circulaire FINMA 08/3 (note 123), Cm 9 (souligné par l’auteur).

126 Deschenaux H., Le Titre préliminaire du Code civil, in Traité de droit civil suisse, Tome II,1, Fribourg (Editions universitaires) 1969, p. 251.

risque de décisions contradictoires. Le caractère raisonnable du délai s’apprécie au regard de la nature de l’affaire et l’ensemble des circonstances.”127

Appliquant ces préceptes au cas d’espèce, le Tribunal administratif fédéral a considéré que le principe de célérité avait été violé, dans la mesure où, en particu-lier, aucune mesure d’instruction n’avait été ordonnée par le Département depuis le début de l’année 2002. Ce principe doit l’emporter sur d’autres intérêts, non-obstant la complexité de l’affaire et les mesures d’instruction importantes qu’elle implique128. “En outre, l’audition des anciens membres de la CFB se révèle de plus en plus difficile compte tenu des nombreuses années passées depuis la survenance des premiers faits déterminants pour juger de la cause.”129

127 Arrêt TAF A-1005/2008 République et Canton de Genève c. Confédération, du 13 juillet 2009, consid. 2.2.

128 Idem, consid. 2.3.

129 Ibidem.

sommAire

Avant-propos 5

Auteurs 7

Abréviations 13

Devoirs et responsabilité de la banque dépositaire :

quis custodiet sub-custodians ? 19

Rashid Bahar & Yaël Benmenni

Proposition de directive sur les gestionnaires de fonds

d’investissement alternatifs 59

Isabelle Lebbe

Directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs 69 Alessandro Bizzozero

Surveillance des marchés financiers : rétrospective pour

des perspectives I 83

Anne Héritier Lachat

Surveillance des marchés financiers : rétrospective pour

des perspectives II 101

Christian Bovet & Anath Guggenheim

La nouvelle politique fiscale de la Suisse en matière d’échange

de renseignements fiscaux – “Un an après” 129

Xavier Oberson

La participation des actionnaires qualifiés aux procédures

en matière d’offres publiques d’acquisition 155

Luc Thévenoz

Jurisprudence civile récente 171

Alexandre Richa

parues chez Schulthess Médias Juridiques, Genève · Zurich · Bâle

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2009 de droit bancaire et financier (2010).

Avec des contributions de Rashid Bahar, Yaël Benmenni, Alessandro Bizzozero, Christian Bovet, Anath Guggenheim, Anne Héritier Lachat, Isabelle Lebbe, Xavier Oberson, Alexandre Richa et Luc Thévenoz.

Luc thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2008 de droit bancaire et financier (2009).

Avec des contributions de Lionel Aeschlimann, Gerhard Auer, Christian Bovet, Ursula Cassani, Benoît Chappuis, Bénédict Foëx, Lucia Gomez Richa, Nicolas de Gottrau, Anne Héritier Lachat, Philipp M. Hildebrand, Luc Thévenoz et Jean-Baptiste Zufferey.

Luc thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2007 de droit bancaire et financier (2008).

Avec des contributions de Mark Barmes, Pierre Besson, Christian Bovet, Jacques Iffland, Carlo Lombardini, Samantha Meregalli Do Duc, Aude Peyrot et Luc Thévenoz.

Alexandre Richa : Pensions de titres (repos) et autres cessions temporaires (2008).

Luc Thévenoz & Rashid Bahar (eds) : Conflicts of Interest – Corporate Governance and Financial Markets (2007). Avec des contributions de Sandro Abegglen, Rashid Bahar, Guido Bolliger, Michel Dubois, Pascal Dumontier, Tamar Frankel, Manuel Kast, Marc Kruithof, Karim Maizar, Leo Th. Schrutt, Luc Thévenoz, Rolf Watter, Stefan Wieler, Eddy Wymeersch, et Jean-Baptiste Zufferey.

BF 2007 : Réglementation et autoréglementation des banques, bourses, négociants, pla-cements collectifs, assurance et marchés financiers en Suisse. Publié par Luc Thévenoz

& Urs Zulauf (2007).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2006 de droit bancaire et financier (2007). Avec des contributions de Christian Bovet, Mario Giovanoli, Nicolas Jeandin, Saverio Lembo, Vincent Martenet, Xavier Oberson, Luc Thévenoz et Urs Zulauf.

Bénédict Foëx, Luc Thévenoz & Spiros V. Bazinas (éd.) : Réforme des sûretés mobi-lières : Les enseignements du Guide législatif de la CNUDCI – Reforming Secured Transac-tions : The UNCITRAL Legislative Guide as an Inspiration (2007). Avec des contribuTransac-tions de Lionel Aeschlimann, Georges Affaki, Spiros V. Bazinas, Antoine Eigenmann, Bénédict Foëx, Nicolas de Gottrau, Nicolas Jeandin, Gerard McCormack et Henricus J. Snijders.

BF Assurance : Réglementation et autoréglementation de l’assurance en Suisse. Publié par Luc Thévenoz & Urs Zulauf (2006).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2005 de droit bancaire et financier (2006). Avec des contributions de Lionel Aeschlimann, Alessandro Bizzozero, Christian Bovet, Bénédict Foëx, Anne Héritier Lachat, Syvain Marchand, Jean-Christophe Pernol-let, François Rayroux, Alexandre Richa et Luc Thévenoz.

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2004 de droit bancaire et financier (2005). Avec des contributions de Christian Bovet, Claude Bretton-Chevallier, Ursula Cassani, Jacques Iffland, Romain Marti, Luc Thévenoz et Alexandre Richa.

Rashid Bahar : Le rôle du conseil d’administration lors des fusions et acquisitions – Une approche systématique (2004).

Luc Thévenoz & Christian Bovet (éd.) : Journée 2003 de droit bancaire et finan-cier (2004). Avec des contributions de Christian Bovet, Claude Bretton-Chevallier, Jean-Claude Dufournet, Xavier Favre-Bulle, Bénédict Foëx, Daniel Girsberger, Florence Guillaume, Jacques Iffland et Luc Thévenoz.

BF Blanchiment : Réglementation et autoréglementation de la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme en Suisse. Publié par Luc Thévenoz & Urs Zulauf (2004).

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