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diversité génétique complexe

B. La biologie de Blastocystis sp. 1Un organisme polymorphe 1Un organisme polymorphe

B.5 Aspects cliniques de Blastocystis sp

Blastocystis sp. est impliqué dans de nombreux symptômes gastro-intestinaux

aspécifiques comme des diarrhées, des douleurs abdominales, des nausées, et/ou des vomissements (Boorom et al., 2008; Stensvold et al., 2009b; Tan, 2008). Il jouerait également un rôle significatif dans des maladies inflammatoires de l’intestin comme l’IBS (Irritable Bowel Syndrome) et l’IBD (Inflammatory Bowel Disease) (Dogruman-Al et al., 2009; Giacometti et al., 1999; Jones et al., 2009; Yakoob et al., 2004b; Yakoob et al., 2010a, 2010b), ainsi que dans des colites ulcéreuses (Tai et al., 2010; Yamamoto-Furusho and Torijano-Carrera, 2010). Dans une étude récente excluant les patients comportant d’autres protozoaires intestinaux et bactéries, Dogruman-Al et ses collaborateurs rapportent que 76% des patients atteints d’IBS sont porteurs de Blastocystis sp. (Dogruman-Al et al., 2010). De nombreux cas montrent également une association entre Blastocystis sp. et la présence d’urticaire (Gupta and Parsi, 2006; Hameed et al., 2010; Katsarou-Katsari et al., 2008).

Il est intéressant de noter que l’observation de Blastocystis sp. serait liée à l’apparition d’importantes diarrhées chez des patients immunodéprimés atteints de SIDA ou

Page | 29 de cancer (Cirioni et al., 1999; Prasad et al., 2000; Tan et al., 2009; Tasova et al., 2000), et chez des patients hémodialysés (Kulik et al., 2008). Une autre étude, réalisée sur une population indonésienne, a montré une prévalence de 72,4% chez des patients porteurs du virus HIV (Kurniawan et al., 2009), et de 96% chez des enfants immunodéprimés présentant des symptômes diarrhéiques récurrents (Idris et al., 2010).

Les quelques études qui se sont intéressées à la distribution des sous-types présents chez des patients symptomatiques et asymptomatiques, dans le but de déterminer une éventuelle pathogénie « sous-types dépendante », se sont heurtées à des résultats contradictoires (Dogruman-Al et al., 2008; Dogruman-Al et al., 2009; Kaneda et al., 2001; Souppart et al., 2009; Tan et al., 2008; Yan et al., 2006). Ceci est principalement dû au nombre limité de patients examinés dans chacune de ces études épidémiologiques. Ainsi, en prenant l’exemple de patients atteints d’IBS, d’IBD ou de diarrhées chroniques, certaines données rapportent que le sous-type dominant rencontré est le sous-type 3 (ST3) (Dogruman-Al et al., 2009; Jones et al., 2009), alors que d’autres études mettent en évidence une forte prévalence du sous-type 1 (ST1) (Yakoob et al., 2010a). De la même façon, certaines études rapportent que le sous-type 3 (ST3) semble être prédominant chez des patients présentant une urticaire chronique (Hameed et al., 2010; Katsarou-Katsari et al., 2008), alors que Vogelberg et collaborateurs concluent plutôt à une prépondérance du sous-type 2 (ST2) (Vogelberg et al., 2010).

Les résultats in vivo d’endoscopies et de biopsies chez des patients atteints de blastocystose indiquent que Blastocystis sp. ne présente pas de caractère invasif de la muqueuse du colon, bien que des œdèmes et une inflammation de la muqueuse intestinale soient parfois observés (Chen et al., 2003; Dellers et al., 1992; Zuckerman et al., 1994). Cette inflammation induite par le parasite conduit à une altération des jonctions serrées aboutissant à des perturbations de la fonction de barrière de l’épithélium intestinal (Dagci et

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B.6 Blastocystis sp., un microorganisme pathogène ?

B.6.1 Identification de facteurs de virulence potentiels in vitro

Afin d’analyser l’effet cytopathique de Blastocystis sp. et d’identifier de potentiels facteurs de virulence, des études in vitro ont été menées sur des cultures de cellules de mammifères. Long et ses collaborateurs montrent que des cellules de Blastocystis sp. de sous-type 1 (ST1) n’induisent pas d’effet cytopathique chez les cellules épithéliales coliques humaines HT-29 et T-84. Cependant, après 24h d’incubation, la production de la cytokine pro-inflammatoire IL-8 et du granulocyte-macrophage colony stimulating factor (GM-CSF) sont significativement augmentée, suggérant que Blastocystis sp. est capable de moduler la réponse immunitaire de son hôte. Des effets similaires ont été observés en utilisant le surnageant de culture du parasite (Long et al., 2001).

Plus récemment, la production d’IL-8 a été décrite comme étant dépendante de la voie de signalisation NF-kB chez des cellules T-84, et que celle-ci est induite par la production de cystéine-protéases par Blastocystis sp. Hormis son effet pro-inflammatoire, la surexpression du facteur de transcription NF-kB pourrait également améliorer la survie et la dissémination du parasite. De plus, la production d’IL-8 par la cellule hôte pourrait aboutir à un influx de cellules inflammatoires au sein de la muqueuse intestinale, causant des dommages et des perturbations gastro-intestinales (Puthia et al., 2008). Les mêmes auteurs ont aussi montré que Blastocystis sp. est capable d’induire une apoptose des cellules épithéliales intestinales de rat IEC-6, indépendamment du contact direct avec le parasite, de diminuer la résistance trans-épithéliale, et d’augmenter la perméabilité épithéliale (Puthia et

al., 2006).

L’ensemble de ces données suggère que les aptitudes du parasite à moduler le système immunitaire, à altérer l’intégrité de l’épithélium, et à induire l’apoptose des cellules intestinales, pourraient jouer un rôle très important durant l’infection par Blastocystis sp.

Quelques années plus tard, en étudiant l’effet d’antigènes solubilisés de Blastocystis sp. sur la viabilité cellulaire, Chandramathi et collaborateurs (2010) ont montré que des

Page | 31 antigènes du parasite favoriseraient la croissance de cellules cancéreuses, telles que des cellules humaines HCT116 issues de carcinome colorectal, et diminuent la réponse immune des cellules (Chandramathi et al., 2010a). Comme de nombreux autres protozoaires parasites (Sajid and McKerrow, 2002), les cystéine-protéases de Blastocystis sp., montrant une forte activité in vitro (Sio et al., 2006), sont sans aucun doute impliquées dans la survie du parasite in vivo, et représentent des facteurs de virulence. Des variations d’activités de type cystéine-protéase entre le sous-type 4 (ST4) et le sous-type 7 (ST7) ont néanmoins été rapportées, observations qui pourraient être attribuées à l’existence de sous-types virulents et non-virulents (Mirza and Tan, 2009). Ces protéases, présentes dans les lysats parasitaires de Blastocystis sp. et dans le milieu en fin de culture, sont capables de dégrader les immunoglobulines de type A (IgA) sécrétoires humaines, impliquées dans la défense immunitaire au niveau des muqueuses (Puthia et al., 2005).

B.6.2 Modèles animaux et physiopathologie

Plusieurs études d’infections expérimentales par Blastocystis sp. impliquant différents types d’animaux ont été reportées (Tan, 2008). Dans l’une des études pionnières de développement de modèles animaux, menée par Sureh et collaborateurs, l’observation directe des fèces de jeunes rats Wistar infectés oralement par 104 kystes (obtenus in vitro), montre une présence de Blastocystis sp. après 2 jours d’infection (Suresh et al., 1993). L’autopsie, réalisée au 7ème jour, révèle un grand nombre de cellules parasitaires dans le caecum, et un nombre plus restreint au niveau du gros intestin. Toutefois, des rats infectés oralement par la forme vacuolaire du parasite ne développent pas de maladie, suggérant que le caractère résistant de la forme kystique serait essentiel à la transmission du parasite.

Une autre étude a été menée en utilisant différents protocoles d’infections expérimentales de souris BALB/c immunocompétentes par des kystes provenant d’un isolat humain (Moe et al., 1997). Les animaux ont été infectés avec succés, soit oralement par des kystes, soit de manière intra-caecale par une culture in vitro (formes vacuolaires). L’infection

Page | 32 est généralement limitée, même si quelques souris présentent une perte de poids et une certaine léthargie. Des formes granulaires et vacuolaires sont observées dans le caecum, mais seule la forme kystique est retrouvée au niveau du colon. Les examens histologiques du caecum et du colon révèlent d’intenses infiltrations de cellules inflammatoires, une lamina propria œdèmatiée, et un décollement muqueux. Les auteurs montrent également que la susceptibilité à Blastocystis sp. est dépendante de l’âge chez la souris BALB/c. En effet, les jeunes souris sont plus susceptibles que les souris adultes, et sont même résistantes à l’infection lorsqu’elles sont âgées de plus de 8 semaines. Yoshikawa et ses collaborateurs (2004) démontrent qu’une infection orale ou intra-caecale avec seulement 10 kystes, suffit à aboutir à une colonisation du caecum et du gros intestin par Blastocystis sp. chez des rats Wistar âgés de 3 semaines (Yoshikawa et al., 2004c).

Plus récemment, Hussein et ses collaborateurs (2008) ont analysé le pouvoir infectieux de 4 sous-types (ST1, ST2, ST3, ST4) provenant de patients symptomatiques et asymptomatiques sur des rats Wistar de 4 semaines, oralement infectés par des cultures axéniques. De manière intéressante, les symptômes pathologiques les plus importants sont retrouvés chez les rats infectés par des isolats provenant de patients symptomatiques, alors que les rats infectés par des isolats asymptomatiques ne présentent que de légers symptômes pathologiques (Hussein et al., 2008). Les isolats symptomatiques de sous-type 1 (ST1) induisent 25% de mortalité, indiquant leur caractère pathogène, alors que des variants pathogènes et non pathogènes semblent exister au sein des sous-types 3 et 4 (ST3 et ST4). Parallèlement à ces résultats, les auteurs décrivent également chez les rats infectés par des isolats symptomatiques une intense réaction inflammatoire, un décollement de la muqueuse intestinale, des œdèmes, et la présence de polypes précancéreux au niveau du caecum et de la partie proximale du colon. Il est suggéré que l’inflammation induite par Bastocystis sp. a la capacité d’altérer les jonctions serrées, ce qui conduit à des perturbations et à une augmentation de la perméabilité de l’épithélium intestinal.

Certains parasites peuvent coloniser l’intestin en détruisant l’épithélium gastro-intestinal par le biais de la dégradation des protéines de la matrice extracellulaire. En

Page | 33 relation avec cette activité, le parasite excrète une enzyme, la hyaluronidase, qui va faciliter l’hydrolyse des tissus et l’invasion de la muqueuse en dépolymérisant l’acide hyaluronique. L’étape d’invasion gastro-intestinale peut être mise en évidence par une augmentation de la quantité de hyaluronidase dans les urines (Hotez et al., 1994). Chandramathi et collaborateurs (2010) ont effectivement mis en évidence dans les urines de rats Sprague-Dowley infectés par des kystes d’un isolat symptomatique, une augmentation significative du taux de hyaluronidase durant les 30 jours suivant l’infection, suggérant une activité invasive du parasite (Chandramathi et al., 2010c). Cette activité est également soutenue par l’augmentation des cytokines pro-inflammatoires IL-6 et IL-8 dans le sérum des rats infectés. L’élévation significative du stress oxydant chez des rats inoculés avec un isolat humain de

Blastocystis sp. établit également le lien avec le choc oxydatif activé par le système

immunitaire de l’hôte (Chandramathi et al., 2010b).

Elwakil et Hewedi (2010) remarquent que des souris fortement infectées par un isolat symptomatique de Blastocystis sp. (4x107 kystes), présentent des problèmes de locomotion, une léthargie, une perte de poids, et pour certaines d’entre elles, la présence de mucus dans les fèces. Deux semaines après infection, les examens histopathologiques du gros intestin révèlent une infiltration du parasite dans la lamina propria et la muscularis mucosae (Elwakil and Hewedi, 2010). Ces observations sont accompagnées d’une intense colite, et d’une infiltration de cellules inflammatoires (lymphocytes, histiocytes, eosinophiles).