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CHAPITRE I : ROLES ET FONCTIONS D’UNE REVUE ARTISTIQUE OFFICIELLE EN RDA

2.1.2. Les arts de l’Est

Les collaborations les plus régulières se font avec les pays communistes, privilégiées par la ligne éditoriale qui veut favoriser les relations « fraternelles » avec les pays socialistes. Certaines ressemblances sont perceptibles dans la manière de traiter l’art des pays de l’Est, les relations à l’URSS se trouvent toujours sous-entendues et le discours sur les arts est qualifié par le rapport au folklore et à la tradition. Ainsi pour la Bulgarie, le nouvel élan des arts plastiques s’est développé dans les années 1920 et 1930 sous l’influence soviétique. Pour l’Arménie, le tournant s’est produit en 1828, lors du rattachement de la partie orientale à la Russie, les artistes pouvant aller étudier à Moscou.

Le dossier consacré à la Bulgarie paraît en décembre 1981, l’accent est mis sur la confrontation dialectique entre la modernité et le folklore. La riche iconographie de l’art bulgare, décrite comme un « arsenal », permet une grande diversité des arts tels la peinture, les arts graphiques et la sculpture, cependant au sein de ce numéro la peinture domine. Fortement influencée par les arts byzantin et italien, ce sont des portraits de face dont les auteurs récusent toute filiation du mouvement réaliste bourgeois du XIXème siècle, si ce n’est les ouvertures que les voyages vers Munich, Florence ou Prague ont permis aux artistes. Cet art épuré, dans ses formes et son travail de perspective, s’apparente selon eux avec une tradition liée à l’histoire du pays. L’art contemporain doit également définir une culture nationale, ce fut l’enjeu principal des années 1920 et 1930. La volonté d’une identification massive avec le monde paysan est considérée,

224 VBK – Redaktionsarchiv 65 Internationale Verbindungen, 1978 – 1987.

rétrospectivement, comme utopique, néanmoins cette ambition permet la remise en cause des normes établies. « En même temps, cet art était une révolte contre la politique culturelle élitiste et ennemie du peuple à l’époque, une révolte contre les normes morales de la classe dominante, dont les impératifs catégoriques se situaient au-dessus de la morale du monde de la paysannerie. »226

Les œuvres présentées avec l’article sont nombreuses mais sans commentaire Datées de 1930 à 1943, elles explicitent le nouveau virage pris par les arts plastiques. Le portrait de famille de Slatja Bojadschiev (Familienporträt des Künstlers, 1935) renoue avec la tradition renaissante italienne sous la forme d’un portrait en diptyque. Les deux pendants représentent les époux face à face, l’artiste est identifié par son béret de peintre et son pinceau, les paysages évanescents en arrière-plan confirment l’impression renaissante. Le portrait de Vera Lukova (Porträt, 1934) présente une femme de trois quarts qui incarne une certaine modernité dans son allure et sa présence. Le contour visible rappelle les traits épais des œuvres précoces de Picasso et de Cézanne. La société des nouveaux artistes, fondée en 1931, se revendique des influences de l’œuvre de Cézanne, par ses techniques et principes, ils entendent en faire une nouvelle synthèse en les mêlant aux problématiques d’une société engagée.

La tendance à un art d’inspiration folklorique constatée dans l’art contemporain est également liée aux années 1920 avec la fondation d’une association d’artistes dont le but de préserver un art local (Heimatkunst). Ces peintures dont le style peut évoquer l’art naïf, par ses compositions et figures, se concentrent sur une vie rurale rythmée par les travaux des champs. Ce retour renforce l’intérêt pour les coutumes et divinités populaires, les figures maternelles et l’abondance suggérée par la multiplicité des arbres fruitiers et des bêtes sont nombreuses. Comme le souligne l’auteur, Boris Klimentiev227, c’est également un moyen pour les jeunes artistes de dépeindre, haute en couleurs, une vision rêvée de la vie au village.

226 Svoboda Jähne, « Progressives und Tradition, zur Kunst der 20er und 30er Jahre in Bulgarien » In Bildende Kunst Heft 12/1981, p. 582.

227 Boris Klimentiev « Folkloristische Tendenzen in der zeitgenössischen bulgarischen Malerei » in Bildende Kunst, Heft 12 / 1981, p. 585.

Le dossier consacré à l’Arménie en avril 1988 est le résultat d’un voyage de la rédaction en 1986. Les deux années ont permis des échanges et des corrections afin de dresser un panorama complet des arts en Arménie. Ils sont en contact avec l’Union des artistes d’Arménie, ce sont eux qui écrivent les articles sur leur pays. En quelques pages, ils rédigent des synthèses sur l’histoire, les tendances et la fonction des arts. Trois principaux sujets sont évoqués : la place des arts décoratifs, la sculpture et la peinture.

Ces premiers sont mis en avant, pour le lien qu’ils représentent entre l’architecture et les arts plastiques, l’image d’un art accessible à tous et présent dans le quotidien. En outre, la céramique arménienne, décrite comme très renommée, permet cette insertion dans la vie de tous les jours par les vases ou les assiettes avec des décors sculptés et des compositions colorées. À l’intérieur des nouveaux bâtiments, cet art souligne la relation entre modernité et tradition.

La sculpture arménienne des dix dernières années est traitée sous l’angle contrasté des constructions monumentales et de la sculpture de plus petit format. L’auteure228 souligne l’augmentation du nombre de mémoriaux dans les rues du pays, les œuvres d’art prennent place dans l’espace public où elles ont un rôle décoratif. Imposantes, par leurs tailles, elles représentent des personnages à taille réelle ou plus grands et célèbrent des personnalités de la culture arménienne, dans les exemples donnés : poètes, architectes et peintres. Elles symbolisent également une dynamique nouvelle. Comme le fait remarquer l’auteure, le phénomène dépasse les frontières du pays. La sculpture simple se concentre également sur le genre classique du portrait. L’artiste N. Nikogosyan participe au renouvellement du genre en proposant une approche psychologique des personnes, ses portraits d’ouvrier offrent une représentation qui se veut sincère du sujet. Il n’y a pas de frontière stricte entre les deux genres, puisque les jeunes artistes, marqués par les préoccupations de leur époque notamment par rapport au risque atomique, contribuent également aux sculptures monumentales.

Les racines de la peinture arménienne sont remontées jusqu’au Moyen-Âge avec les enluminures des manuscrits, cependant la véritable renaissance de cet art est située en 1920, moment de la fondation de la République Socialiste Soviétique d’Arménie. À ce moment-là, elle est confrontée à un problème puisqu’elle est riche d’une tradition artistique reconnue mondialement, mais n’a pas officiellement d’artistes professionnels. Après la guerre, l’artiste plasticien, Ervand Koč̕ar, donne un nouvel élan aux arts.

228 Mariam Artasenovna Ajvazân, « Die armenische sowjetische Plastik der letzten zehn Jahre » in Bildende Kunst, Heft 5 / 1988, p. 202.

Les qualités lyriques et la force des coloris sont mises en avant dans la peinture de Minas Avestisyan. Par des aplats de couleurs primaires, il suggère un espace et crée une atmosphère douce, propre au sujet qu’il veut traiter. Dans Souvenirs (Erinnerungen, 1973), deux femmes portant des coiffes traditionnelles se font face autour d’une bougie. La flamme de la bougie se trouve au centre de la toile, au milieu de la porte à l’arrière-plan qui donne une illusion de perspective à la pièce, les visages des personnages sont incertains comme les détails peu précis d’un souvenir. La force de l’artiste réside dans son usage des couleurs vives pour donner vie à une scène de genre. Paradoxe de l’article, la peinture de paysage est décrite comme le genre préféré des artistes arméniens mais est très peu évoquée.

Les dossiers concernant les arts d’Arménie et de Bulgarie ne sont que deux exemples sur les années 1980, pourtant ils sont caractéristiques des méthodes et des points de vue projetés sur les arts de l’Est. Dans ce cadre, la revue reste dans son objectif d’un art officiel et montre une certaine pluralité en ne se concentrant pas uniquement sur les cas des arts russes.

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