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Une articulation à trouver avec le secteur de la santé, l’administration pénitentiaire,

4. M AIS DES FREINS ET DES RETICENCES PERSISTENT

4.5. Une articulation à trouver avec le secteur de la santé, l’administration pénitentiaire,

4.5.1. Santé, administration pénitentiaire, aide sociale à l’enfance : des liens encore ténus à renforcer

[209] Les contacts sont encore peu formalisés entre les SIAO et les établissements hospitaliers pour organiser les sorties d’hôpital. Bien que 52 % des SIAO déclarent avoir mis en place des liens de coopération avec le secteur de la santé, les situations sur le terrain sont très diverses. Des demandes d’hébergement proviennent d’établissements hospitaliers mais la mise en place du SIAO n’a pas été l’occasion de redéfinir et d’améliorer le lien avec ce secteur, notamment avec les hôpitaux psychiatriques.

[210] Dans certaines régions toutefois, des contacts ont été initiés avec les agences régionales de santé, souvent en raison d’une implication forte des services de l’Etat. Ainsi par exemple, le SIAO Paris travaille, en lien avec la DRIHL, avec l’ARS Ile-de-France à la rédaction d'une convention qui sera signée par le préfet de région. Cette convention a d'ores et déjà identifié des champs de compétence et notamment l’observation sanitaire et sociale, la prise en compte des publics vulnérables dans la gestion des alertes et des crises sanitaires, le besoin en formation initiale et continue des professions sanitaires, sociales et médico-sociales, la définition et la mise en place de programmes expérimentaux communs visant notamment à l’hébergement des publics confrontées à des difficultés spécifiques, à l’accès au logement accompagné des personnes handicapées. Par ailleurs, à l’occasion d’un groupe de travail mené pendant l’été 2011, l’ARS a également été sensibilisée aux liens que les établissements de santé doivent construire avec les SIAO pour la prise en charge adaptée des publics sortants d’une structure de soins.

[211] Il existe encore des ruptures dans la prise en charge entre l’aide sociale à l’enfance et l’hébergement de droit commun pour les publics jeunes, faute d’échanges d’informations et de coordination suffisante entre le conseil général et le SIAO. Ces ruptures ne sont pas acceptables car elles peuvent facilement être solutionnées sans moyens supplémentaires. Il suffirait que les conseils généraux anticipent et préparent la sortie du dispositif de leurs bénéficiaires en lien avec le SIAO.

[212] La situation est globalement identique pour la coopération entre le SIAO et les services pénitentiaires d’insertion et de probation concernant l’hébergement des sortants de prison.

Historiquement l’administration pénitentiaire a signé des conventions avec des structures dans lesquelles elle réserve des places pour les anciens détenus et a donc toujours fonctionné en direct avec les gestionnaires d’hébergement. Le système actuel devra s’intégrer dans le processus global de régulation des places, les SIAO devant prendre en compte, bien entendu, les contraintes particulières liées à ce public spécifique.

Les sortants de prisons dans les Bouches-du-Rhône

Il existe quatre CHRS labélisés « sortants de prison » hors Marseille et un CHRS à Marseille dans les Bouches-du-Rhône. Les demandes pour les personnes placées sous main de justice (PPSMJ) passent par deux postes AVDL spécifiques, un à Marseille et un pour Aix/Salon/Arles. Ces référents ne travaillent qu’à la demande du SPIP pour les PPSMJ qui ont un problème d’hébergement ou de logement. Les fiches de signalisation sont transmises aux AVDL par le SPIP. L’entretien avec la personne s’effectue en milieu ouvert ou fermé. Pour le territoire d’Aix, elle vaut évaluation en pôle entretien. Le diagnostic s’effectue en collaboration avec le conseiller d’insertion et de probation. Pour les aménagements de peine, il existe des conventions entre le SPIP et certaines structures d’hébergement pour réserver des places aux sortants de prison. Pour les sorties définitives, il n’existe pas de places réservées. Les demandes ne passent donc pas formellement par le SIAO mais comme les AVDL travaillent en coordination avec le SIAO 13, leur intégration sera facilitée.

Recommandation n°35 : Renforcer la coordination du SIAO avec le secteur de la santé, notamment impliquer les ARS, et avec le conseil général pour éviter les ruptures de prises en charge des publics jeunes. Cela implique des démarches d’informations du SIAO et de l’Etat (Préfecture dans le cadre de l’inter ministérialité) vers ces autres acteurs institutionnels.

4.5.2. L’augmentation du nombre des demandeurs et déboutés du droit d’asile pèse de plus en plus sur le dispositif de droit commun : des instructions nationales claires sont nécessaires.

[213] L’ensemble des acteurs, SIAO, DDCS, collectivités locales et associations, ont fortement attiré l’attention de la mission sur la problématique non résolue des personnes en situation irrégulière hébergées dans le dispositif de droit commun régulé par les SIAO. Il s’agit pour certains d’entre eux d’une difficulté majeure aujourd’hui pour ce qui concerne l’hébergement d’urgence et la fluidité vers le logement.

[214] En effet, la présence dans le dispositif d’hébergement de droit commun d’une population étrangère en situation irrégulière, voire même de demandeurs du droit d’asile dont le dossier est encore en cours d’instruction, pèse de manière importante sur certains territoires comme l’Île-de-France ou le Rhône. Certains départements jusqu’alors plus ou moins épargnés sont aujourd'hui touchés par cette problématique, comme l’Ille-et-Vilaine.

[215] Le nombre de personnes étrangères, demandeurs du droit d’asile ou en situation irrégulière, hébergées dans le dispositif de droit commun peut être estimé à partir de différentes sources. Pour autant, il n’existe pas de données objectives et fiables sur ce sujet.

[216] Tout d’abord le flux des demandeurs d’asile est en forte croissance (+ 36 % entre 2008 et 2010). Les places de CADA (21 410 au niveau national), bien qu’en augmentation, ne suffisent pas à héberger les 43 051 personnes ayant déposé une demande d’asile au 31 octobre 2011. Elles sont donc de plus en plus nombreuses à faire appel au dispositif de droit commun.

Tableau 11 : Evolution de la première demande d’asile (mineurs accompagnants inclus) Flux de la

Source : Ministère de l’intérieur - Service de l’Asile

[217] Si le flux des demandeurs d’asile a progressé de +36 % au niveau national entre 2008 et 2011, on constate en particulier la très forte augmentation de ces flux dans les départements des Bouches-du-Rhône (+73 %) et de l’Ille-et-Vilaine (+89 %). Ces deux départements visités par la mission ont exprimé leur inquiétude quant à un risque de saturation du dispositif et leur difficulté à créer de la fluidité entre l’urgence et l’insertion dans ces conditions.

Tableau 12 : Capacités d’hébergement des demandeurs d’asile en 2011 Places de

Source : Ministère de l’intérieur - Service de l’Asile

[218] La DGCS estime que 20 % des personnes accueillies dans les centres d’hébergement d’urgence sont des demandeurs d’asile18. Certes, il y a également un certain nombre de déboutés en présence dite indue dans les CADA (dans la limite d’un mois cependant) mais il semble que la proportion des déboutés en CADA soit bien moindre que celle des demandeurs en hébergement de droit commun. Cette situation pose des difficultés de gestion puisque la prise en charge indue des demandeurs d’asile hébergés en centres d’hébergement est alors financée sur le BOP 177 des affaires sociales et non sur le BOP 303 du ministère de l’intérieur. Il serait souhaitable de régulariser au moins financièrement cette charge supplémentaire pour le ministère des affaires sociales.

18 Audition DGCS par la commission des affaires sociales du Sénat lors de l’examen du PLF 2012

[219] Par ailleurs, les déboutés du droit d’asile ou en situation irrégulière, dépourvus de statut juridique mais non de droits (scolarisation des enfants, aide sociale à l’enfance, aide médicale...) sont également hébergés dans le dispositif de droit commun. La DREES19 estime que 73 % des déboutés du droit d’asile deviennent sans-abri ou sont orientés vers l’hébergement d’urgence. Sans que cela puisse être mesuré précisément, certaines DDCS comme celle de Lyon estiment que près de 50 % des places d’hébergement d’urgence sont occupées actuellement par des déboutés du droit d’asile et des sans papiers. L’audit de modernisation conduit en 2006 par l’IGAS20 estimait lui à 7 000 le nombre de familles déboutées ou sans papier et accueillies dans le dispositif d’hébergement d’urgence. L’accueil de ces publics explique en grande partie le recours aux nuitées d’hôtel, jugé excessif tant par cet audit que par la Cour des comptes, ainsi que le nombre croissant d’absence de solution à une demande d’hébergement au 115, faute de place.

[220] La réduction du nombre de places d’urgence posera automatiquement des difficultés de régulation de ces publics. En effet d’une part, en application des principes d’inconditionnalité et de continuité ils doivent être hébergés mais d’autre part, ils ne peuvent être hébergés dans d’autres structures que l’urgence, faute de pouvoir juridiquement accéder au logement.

[221] Une telle situation ne peut qu’engorger de façon progressive mais inéluctable le dispositif de droit commun d’urgence au détriment de l’amélioration de la fluidité.

[222] Sans se prononcer sur ce qui relève de la décision politique, la mission constate simplement l’effet produit sur l’hébergement par des décisions relevant d’autres politiques. Les DDCS et les SIAO sont aujourd’hui dépourvus de tout levier et subissent ces décisions. Ils demandent une prise de position des pouvoirs publics sur cette question, ou a minima les moyens de prendre en charge ces situations.

[223] Par ailleurs, il y a encore très peu de lien formalisé entre les SIAO et les plateformes d’accueil des demandeurs d’asile (PFA). Seuls 26 % des SIAO déclarent une coopération débutante avec ces plateformes (cf. § 2.2.2). La gestion se fait au cas par cas avec les travailleurs sociaux. La mission estime qu’il est urgent de remédier à cette question, notamment pour les demandeurs d’asile n’ayant pas de places en CADA et surtout pour les déboutés du droit d’asile.

[224] Enfin, le ministère de l’intérieur a diffusé en décembre 2011 un référentiel à destination des PFA précisant que, dans l’hypothèse d’un manque de place, elles ne devaient plus rechercher des solutions d’hébergement pour des publics qui relèvent pourtant de leur compétence et de leur budget mais devaient les renvoyer directement sur le SIAO. Cela apparaît très contestable à la mission, car ce référentiel officialise des pratiques qui certes existaient mais restaient encore marginales en raison de leur manque de base juridique. Ce type d’instructions incitant les PFA à orienter les demandeurs d’asile vers le SIAO pour la recherche d’un hébergement pourrait « ouvrir les vannes » et entraîner une charge indue intolérable pour les SIAO qui sont encore en montée en charge et déjà embolisés par le nombre croissant de demandes d’hébergement dans le dispositif de droit commun.

Recommandation n°36 : L’Etat, et plus particulièrement la DGCS et le service de l’asile, doivent prendre une position commune sur les modalités d’hébergement des demandeurs du droit d’asile, des déboutés et des sans papiers, clarifier les financements et donner des instructions nationales claires aux SIAO par le biais d’une circulaire commune.

19Etudes et résultats, L’hébergement social (hors urgence) : 70 000 personnes sans logement accueillies en établissements, DREES, n° 766, juin 2011.

20 La procédure de prévision et de gestion des crédits d’hébergement d’urgence, Gilles Sanson (IGA), Christine d’Autume (IGAS) et Maryse Fourcade (IGAS), avril 2006.