• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : OBJECTIFS ET TRAVAUX DE THESE

III. Article 2 : L’inflammation du jéjunum observée chez la souris obèse et

production hypothalamique de NO

1) Introduction

La communication établie entre l’intestin et le cerveau dans le cadre de la détection de glucose au niveau intestinal est une étape importante de la régulation de l’homéostasie glucidique. En effet, la présence de glucose dans l’intestin entraîne l’activation de certaines voies hypothalamiques permettant notamment d’augmenter la sensibilité périphérique à l’insuline et de favoriser le stockage de ce glucose sous forme de glycogène au niveau musculaire, effet altéré en condition d’obésité et de diabète 373,393.

Un acteur hypothalamique majeur dans la mise en place de ces effets est le NO. Cet acteur central est très important dans la régulation centrale de l’homéostasie glucidique puisque le blocage de sa production à ce niveau entraîne l’établissement d’une hyperglycémie et d’une insulinorésistance 198. Ainsi, nous avons voulu savoir si l’altération de la détection intestinale du glucose chez les obèses pouvait être liée à une modification de la libération hypothalamique de NO dans de telles conditions. Pour cela, nous avons utilisé des souris normopondérales et des souris Db/Db, génétiquement obèses et diabétiques du fait de l’absence de récepteurs à la leptine fonctionnels. Dans ces 2 modèles, nous avons mesuré en temps réel directement dans l’hypothalamus la production de NO en réponse à une injection intra-gastrique d’une solution de glucose stimulant spécifiquement et uniquement les senseurs intestinaux, sans entraîner de variations de la glycémie373. De cette façon, nous avons observé que la détection de glucose au niveau intestinal entrainait une augmentation significative de la fréquence de production du NO au niveau hypothalamique uniquement chez les animaux sains, phénomène totalement altéré dans notre modèle d’obésité. Nous avons montré que ces animaux obèses présentaient également au niveau intestinal une augmentation du stress oxydant et du stress du réticulum endoplasmique. Nous proposons donc que,

du fait de ces altérations, l’intestin puisse participer également à l’établissement de pathologies métaboliques telles que le diabète de type II.

3) Discussion et perspectives

Ce travail présente pour la première fois l’observation in vivo de la modification de la production hypothalamique de NO en réponse à la détection intestinale de glucose chez des souris saines, ainsi que son altération chez des souris génétiquement obèses Db/Db. Ce modèle animal présente en effet plusieurs altérations pouvant modifier la détection du glucose, tant au niveau central 506 qu’au niveau intestinal464. Par ailleurs, l’article présenté ici renforce également l’importance de l’axe intestin/cerveau dans la régulation de l’homéostasie glucidique. Nos résultats suggèrent en effet une altération du fonctionnement de cet axe en condition d’obésité, phénomène qui a été proposé comme pouvant participer à l’apparition du diabète de type II 507. Toutefois, il reste encore à déterminer de façon claire si cette altération résulte d’un seul dysfonctionnement de la détection du glucose au niveau intestinal, si elle est le fruit d’une mauvaise intégration des signaux envoyés par l’intestin au niveau de l’hypothalamus ou si ces 2 dysfonctionnements coexistent.

Les données obtenues par la mesure de l’expression de marqueurs du stress du réticulum endoplasmique tels que CHOP et ATF4 et la mesure du niveau de peroxydation lipidique comme marqueur du stress oxydatif au niveau de l’intestin et de l’hypothalamus tendent à penser qu’il s’agirait plutôt d’une altération localisée au niveau intestinal. En effet, l’expression de ces marqueurs est augmentée de façon bien plus importante au niveau de l’intestin qu’au niveau de l’hypothalamus. De plus, l’expression de ces derniers est connue comme étant capable de perturber la régulation du métabolisme glucidique. En effet, Kaser et al 270 ont rapporté en 2008 que l’induction d’un stress du réticulum endoplasmique au niveau de l’intestin suffisait à déclencher une réponse inflammatoire, qui est corrélée à l’établissement de l’insulinorésistance chez la souris508. Concernant l’augmentation des marqueurs du stress oxydatif, bien que celle-ci puisse en partie résulter de l’inflammation déclenchée par la réponse UPR mise en place lors d’un stress du réticulum endoplasmique 509, certaines études ont montré au niveau intestinal qu’un stress oxydatif pouvait

récemment été montré qu’une augmentation de la peroxydation lipidique au niveau du jéjunum perturbait l’homéostasie glucidique en diminuant la tolérance au glucose511. Dans cette étude, les auteurs mettent notamment en évidence une diminution de l’activation afférente du nerf vague en réponse à une injection intra-gastrique de glucose lorsque la peroxydation est importante. Ces données confortent donc l’idée qu’un dysfonctionnement intestinal suffise à perturber l’axe intestin/cerveau et à induire de fait des altérations de la régulation de l’homéostasie glucidique.

Toutefois, nous avons également retrouvé une légère inflammation hypothalamique dans notre modèle animal génétiquement obèse. Bien que celle-ci soit beaucoup moins marquée qu’au niveau intestinal, nous ne pouvons donc pas exclure de façon certaine une participation de l’hypothalamus à la dérégulation de la détection intestinale du glucose mise en évidence dans ce travail. Plusieurs études ont d’ailleurs déjà rapporté qu’une inflammation uniquement localisée au niveau hypothalamique suffisait à perturber des paramètres importants tels que la prise alimentaire et la sensibilité hypothalamique à l’action de l’insuline et de la leptine 294,295. Notre travail montre également une altération de la production de NO hypothalamique dans notre modèle Db/Db. D’une part, la fréquence de production basale est augmentée chez les animaux obèses, et, d’autre part, n’est pas modifiée en réponse à la détection de glucose au niveau intestinal contrairement à ce qui est observé chez des animaux sains. Ce phénomène pourrait être lié à une activation constante de l’axe intestin/cerveau par l’intestin en raison des altérations moléculaires qui le touchent, menant alors à une production constante de NO au niveau hypothalamique. Toutefois, il est aussi possible d’imaginer que l’inflammation hypothalamique observée suffise à activer une réponse immunitaire impliquant la production de NO. Dans ce cadre, un candidat potentiel est l’enzyme iNOS. Cette synthase est présente au niveau central512 et est induite en réponse à différents facteurs tels que des cytokines inflammatoires 513. La production de NO conséquente à son activation hypothalamique pourrait alors expliquer la production basale plus élevée et masquer une augmentation physiologiquement induite par la détection de glucose intestinal.

Ainsi, la suite de ce travail devra s’attacher à déterminer plus finement l’importance de chacune de ces altérations. Dans ce but, l’inhibition du stress du réticulum endoplasmique via l’utilisation d’agents pharmacologiques tels que l’acide tauroursodeoxycholique514 chez notre modèle Db/Db et la mesure de la libération hypothalamique de NO en réponse à la stimulation des glucosenseurs intestinaux pourra être d’une aide précieuse pour mesurer l’implication de ce phénomène. De la même façon, l’administration de molécules antioxydantes

305,515

ou la surexpression d’enzymes antioxydantes 516,517,518 à l’aide de modèles transgéniques ou d’adénovirus dans le même modèle permettra de diminuer, voire de supprimer, le stress oxydatif et de conclure sur l’importance de son rôle. Toutefois, ces manipulations ne permettront pas de conclure sur l’origine principale de l’altération de ce mécanisme. Pour discriminer la part des altérations intestinales de celle des altérations hypothalamiques, il faudrait pouvoir déclencher in vivo et de manière tissu-spécifique une réponse UPR ou un stress oxydatif. A ce jour, aucune étude n’a encore utilisé un tel protocole et la mise au point de celui-ci permettrait une importante avancée dans la compréhension des mécanismes responsables des perturbations de l’axe intestin/cerveau. Une possibilité éventuelle serait de réaliser une perfusion intragastrique chronique de faible taux de tunicamycine, agent inducteur de stress du réticulum endoplasmique, à l’aide de minipompes osmotiques. L’évaluation et la validation de ce protocole seront très prochainement commencées au sein du laboratoire.