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Les arguments en faveur de l’enseignement du fait religieux

2. CADRE THEORIQUE

2.2 Le fait religieux

2.2.3 Les arguments en faveur de l’enseignement du fait religieux

A quoi servirait l’enseignement du fait religieux ? Les finalités sont multiples et selon les auteurs, elles répondraient à différents besoins et demandes. En plus de nombreuses finalités qui influencent automatiquement les contenus à transmettre, beaucoup de questions

25 se posent sur la manière dont il doit être amené aux élèves. En effet, l’enseignement du fait religieux doit être enseigné dans le respect de chacun et en toute objectivité. Dans cette partie, nous allons définir les avantages de cet enseignement sans s’attarder sur les dérives qui seront soulevées par la suite. Les arguments en faveur de l’enseignement du fait religieux sont nombreux selon Scheuer. Les avantages sont les suivants :

- Corriger un déficit ou du moins un décalage culturel croissant par rapport à la civilisation de notre continent. …

- Dans une société plurielle, proposer une connaissance minimale des diverses religions et conceptions du monde et des différences en matière de religion ou de philosophie. L’école peut être un lieu où cela se fera sur un pied d’égalité et dans le respect des identités et des différences. …

- En particulier, faire entendre des traditions minoritaires ou peu mises en valeur.

- Indépendamment des convictions personnelles, apprendre à reconnaître, apprendre et reconnaître le facteur religieux comme un des facteurs à prendre en compte dans l’analyse, la compréhension et la gestion de la vie en société.

- Lutter contre les stéréotypes et les préjugés, désamorcer les conflits, ouvrir en outre des perspectives de coopération au sein de la société. …

- Aider à percevoir la différence entre d’une part la nécessaire neutralité de l’information et des règles de savoir, et d’autre part la dimension de l’option personnelle libre : religieuse ou non, il y a toujours une option. ….

(2009, pp. 19-20)

Ces objectifs sont repris par un bon nombre d’auteurs afin d’inciter l’introduction d’un enseignement des religions dans une école laïque. En effet, cet enseignement permettrait de mieux comprendre la société dans laquelle nous vivons. Mais une autre question se pose : faut-il créer une nouvelle discipline pour introduire cet enseignement ? Les auteurs ne s’accordent pas tous mais la grande majorité opte pour un enseignement transdisciplinaire.

Pour eux, il ne s’agit pas de créer une nouvelle discipline mais de faire entrer les faits religieux dans celles déjà existantes telles que l’histoire, la géographie ou encore le français.

Car en effet certaines thématiques n’auraient donc pas beaucoup de sens si à chaque fois, les religions étaient mises à l’écart. Comment faut-il les aborder tout en respectant les principes de la laïcité ? Comme le souligne Scheuer, les faits religieux ne peuvent pas être traités de n’importe quelle manière. Afin d’atteindre les objectifs, l’enseignant se doit, dans sa démarche pédagogique et son attitude personnelle, de prendre de la distance par rapport aux

26 contenus qu’il enseigne afin de ne pas teinter son discours d’une préférence pour l’une ou l’autre des religions dont il parle.

Chez Estivalèzes (2005), les buts de l’enseignement du fait religieux sont aussi multiples. Certains sont donc communs à ceux énoncés par Scheuer. Quelles sont les finalités d’un tel enseignement? Elles semblent nombreuses mais toutes n’ont pas leur place à l’intérieur de cet enseignement. Il est important de toutes les citer afin de mieux comprendre à quels besoins et quels manques, l’enseignement du fait religieux pourrait répondre :

- « Permettre l’accès au patrimoine culturel et à sa dimension symbolique ». La dimension religieuse et symbolique de notre patrimoine culturel est devenue de plus en plus incompréhensible pour un bon nombre de personnes surtout chez les jeunes. Il faudrait donc rendre accessible aux élèves un certain nombre de traditions et de fêtes qui les aideraient dans la compréhension de notre patrimoine culturel et de notre histoire dans la perspective d’une meilleure compréhension du monde.

- «Développer l’éducation à la tolérance ». Il faut être conscient du pluralisme culturel et religieux présent au sein de notre société. L’enseignement du fait religieux permettrait une meilleure compréhension de l’autre à travers la connaissance réciproque afin de favoriser la rencontre et le dialogue dans le respect mutuel.

- « Favoriser l’intelligence du monde contemporain ». L’actualité aborde souvent les religions lors d’événements spectaculaires parfois violents tel que le 11 septembre. Il serait donc essentiel de posséder certaines connaissances sur les religions pour pouvoir interpréter diverses informations diffusées par les médias. Afin de mieux saisir l’actualité, il faudrait d’abord remettre les événements dans leur contexte historique et culturel. L’histoire des religions permettrait aux élèves de mieux comprendre le monde contemporain et saisir l’actualité.

- « Éveiller l’esprit critique ». Construire et développer l’esprit critique et l’autonomie de jugement permettraient de protéger les élèves contre un endoctrinement ainsi qu’aux dangers des communautés sectaires.

- « Une demande morale ». Certains acteurs du système éducatif souhaiteraient réintroduire des valeurs morales communes telles que l’honnêteté afin de compenser la perte de structure et l’ordre dans la société. Cette finalité n’est pas partagée par tous les partenaires de l’école.

Est-ce à l’enseignement du fait religieux de compenser cette perte ? Selon Estivalèzes, le rôle d’un enseignement du fait religieux ne doit pas être de réintroduire des valeurs morales

27 communes. En effet, il serait maladroit de retenir cet argument en faveur d’un enseignement du fait religieux car la moral peut amener avec elle son lot de préjugés et le fait religieux n’a pas non plus le monopole des valeurs.

- « Une demande existentielle et spirituelle ». Cette demande répondrait à un besoin existentiel et spirituel chez les élèves. Pour Coq, il semble nécessaire de « faire accéder les enfants à une culture humaine suffisamment complète, pour qu’au terme de cette éducation, la liberté existe chez chacun de poser des choix personnels devant les options ultimes, foi religieuse ou autre » (ibid, p.43). L’enseignant devrait prendre en compte les questions existentielles des élèves sur la vie, la mort dans l’enseignement des religions afin qu’ils puissent se situer.

Les premières finalités sont reconnues par la plupart des auteurs et des acteurs sociaux de l’éducation. En revanche, les deux dernières qui correspondent aux interrogations morales, existentielles et spirituelles ne sont pas partagées par tous. En effet, ces dernières suscitent

« des débats, voire des méfiances, vis-à-vis d’une éventuelle cléricalisation de cet enseignement » (Estivalèzes, 2005, p. 43). La source de ces débats peut être liée à la confusion qui existe entre ce qui relève des connaissances transmissent par une institution religieuse à l’intérieur de la catéchèse et celles qui s’inscrivent dans l’enseignement du fait religieux. Nous reviendrons plus tard sur cette confusion afin de mieux cibler quels contenus auraient leur place dans une école laïque.

On peut constater, chez Estivalèzes ainsi que chez Nouailhat, que les finalités générales de l’enseignement du fait religieux à l’école sont partagées. Même si de nombreux buts se rejoignent, les pratiques enseignantes restent hétérogènes. « Celles-ci varient profondément selon les traditions et les contextes, les enjeux culturels nationaux, les diverses manières de faire face aux problèmes de société et les groupes de pression issus des milieux confessionnels » (Nouailhat, 2003, p.71). Le Conseil de l’Europe, en janvier 1993, a donc estimé utile d’émettre quelques recommandations sur la prise en compte du fait religieux à l’école afin d’encourager certaines attitudes.

Le système éducatif devrait surtout transmettre des valeurs et susciter des pratiques et des comportements visant à développer l’aptitude :

- à la communication et à la relation interpersonnelle et intercommunautaire, à la découverte de l’altérité en tant que rapport et non en tant que barrière ;

28 - à l’esprit critique (maîtrise) de ses identités particulières (religieuses, nationales,

ethniques, etc), de leur rationalisation, c’est-à-dire de leur relativisation en référence à l’universel (l’homme, sa dignité, ses droits fondamentaux), de leur caractère historique, de leur évolution dans le temps et dans l’espace. Et cela, pour éviter tout intégrisme et maîtriser la dynamique particulier/universel ;

- à la lecture pratique de l’image et du discours de l’information médiatique.

(Nouailhat, 2003, p.71)

Ces recommandations visent à développer chez les élèves une autonomie à l’éducation civique et à l’éducation interculturelle.

Comme nous l’avons vu, les finalités de l’enseignement du fait religieux touchent différents domaines et ne seraient se limiter à un seul. En effet, il ne peut se réduire uniquement à l’étude et la compréhension de notre histoire ou à un moyen pour amener, à travers la connaissance, au respect et à la tolérance en classe ou encore à de la prévention contre des mouvements sectaires. « C’est dans l’articulation étroite des différents objectifs qui viennent d’être énoncés que l’enseignement du fait religieux trouve sens » (Estivalèzes, 2005, p. 44).