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Arguments en faveur d’une influence des apports énergétiques et protéiques de l’alimentation sur le sommeil

énergétique et protéique sur la régulation du sommeil et de ses différents stades

2.1 Influence de l’apport de substrats métaboliques sur la régulation du sommeil : état de l’art

2.1.2 Arguments en faveur d’une influence des apports énergétiques et protéiques de l’alimentation sur le sommeil

Des expériences réalisées chez le rat mais également des observations faites chez l’homme montrent que le volume et la nature des repas influencent la durée et la répartition des différentes phases de sommeil.

2.1.2.1 Le sommeil postprandial

Nous sommes portés à penser a priori que la propension à s’endormir est accrue après le repas. Cette intuition est appuyée par des études sur l’homme montrant sa perception subjective d’un endormissement et d’une baisse de la vigilance après l’ingestion de nourriture, en particulier après un repas riche en glucides (107, 155). Chez le rat, une corrélation plus élevée est observée entre le repas et la durée du sommeil survenant une à deux heures après l’ingestion, c’est à dire au moment où l’essentiel des nutriments ingérés au cours du repas passe la barrière intestinale pour être métabolisés au niveau cellulaire. Cependant, des études ont montré dans des conditions d’hyperinsulinémie expérimentale (perfusion continue d’insuline) que la réponse était plus rapide, comme si les aliments ingérés n’influaient positivement sur l’endormissement que dans la mesure de leur utilisation métabolique (18). La plupart des données sur l’animal montrent que les repas et leurs constituants jouent un rôle dans la survenue d’un sommeil postprandial. Les données chez les humains, bien que moins claires, viennent également à l’appui de cette hypothèse même s’il semble bien que le facteur influencé soit moins la latence de l’arrivée du sommeil que la durée des épisodes de sommeil en phase postprandiale (159).

2.1.2.2 Apports énergétiques ou protéiques en excès ou déséquilibrés et sommeil

Une façon d’augmenter significativement les apports alimentaires (énergétiques) et le gain de poids est d’offrir à des rats de laboratoire un accès sans restriction à un assortiment de nourritures riches en énergie et à forte palatabilité, régime dit « cafétéria ». On peut également rendre des rats hyperphagiques par la lésion de l’hypothalamus ventromédian. Dans ces situations où la disponibilité des nutriments est augmentée, on observe une augmentation de la

durée totale de sommeil, tant celle du SOL que celle du SP. Il semble que le SOL soit plus affecté que le SP. En effet, tous les paramètres étudiés (durée totale, variations circadiennes, durée moyenne des épisodes de sommeil) sont augmentés, ce qui n’est pas le cas pour le SP. De plus, lorsque les rats sont à nouveau nourris normalement, le SOL met plus de temps à revenir aux niveaux habituels (17, 22).

Le rôle de la composition des repas est bien illustré par une expérimentation réalisé sur des sportifs d’endurance soumis au régime dissocié scandinave (passage d’une alimentation hypoglucidique à une alimentation hyperglucidique pour augmenter les réserves de glycogène avant une compétition). Dans cette étude, il a été montré que le passage à une alimentation presque exclusivement lipido-protéique augmentait le SP alors que le passage à une alimentation hyperglucidique favorisait le SOL (45).

2.1.2.3 Expériences de privation de nourriture et de réalimentation

La dénutrition expérimentale réduit la durée de sommeil. Il a été montré que toute privation alimentaire à plus ou moins brève échéance (échéance qui dépend du niveau des réserves énergétiques disponibles dans l’organisme) conduit à une diminution importante du sommeil (10, 18, 26, 70). En effet, la privation totale de nourriture chez des rats pendant 4 jours consécutifs entraîne une diminution progressive du SOL comme du SP. Il est intéressant de noter que cette diminution du sommeil est observée chez des rats de 240-250 g alors que la même privation n’entraîne pratiquement aucune modification du sommeil dans le cas des rats initialement plus gros (380g). Lorsque l’on prolonge la privation de nourriture chez les rats, on peut arriver à une disparition virtuelle totale du sommeil au bout de 6 à 11 jours, le SP disparaissant plus tôt que le SOL (70). Ces résultats montrent qu’en l’absence d’apports externes, l’évolution du sommeil au cours de la privation alimentaire dépend de l’importance des réserves énergétiques endogènes (18).

Cependant, des études chez l’homme ont montré qu’au bout de quatre jours de jeûne total, on observait plutôt une augmentation du sommeil lent profond (89). De même, chez l’oie, dans un contexte de restriction énergétique de longue durée où les réserves lipidiques finissent par participer à hauteur de 90% de la dépense énergétique, le sommeil (et en particulier le SOL) augmente (25). On pourrait croire que ces résultats vont à l’encontre de ceux observés chez le rat, mais en réalité ils traduisent surtout des réponses métaboliques différentes chez des

espèces disposant de réserves énergétiques importantes leur permettant de soutenir un jeûne prolongé, et qui trouvent dans le sommeil un moyen de réduire leur dépense énergétique pour limiter l’utilisation des réserves graisseuses, en réduisant leurs besoins. Lorsque les réserves énergétiques sont suffisantes (comme chez l’oie ou bien chez les rats rendus obèses par lésion du VMH (18)), le sommeil semble donc pouvoir être aussi utilisé comme un outil de conservation d’énergie, au même titre que les phénomènes d’hibernation et de torpeur.

L’importance de l’apport protéino-énergétique pour le sommeil peut également être corroborée par les effets de la réalimentation orale ou intraveineuse chez les sujets privés de nourriture. En effet, la restitution de la nourriture chez l’homme ou chez le rat s’accompagne d’un rebond du SOL et du SP au-delà des durées normales simultanément à une reprise de poids, puis d’un retour à la norme. En phase de fort besoin du métabolisme comme après une privation de nourriture, on observe chez le rat une augmentation parallèle des phases de sommeil et des phases de prise alimentaire (10). De même, chez les patients anorexiques et insomniaques en traitement, la durée de sommeil augmente au cours de la réalimentation, en parallèle avec la reprise de poids, avant de retomber aux niveaux précédents lorsque le poids normal est atteint (77).

2.1.2.4 Nutrition parentérale et sommeil

L’idée d’une modulation du sommeil par les évènements métaboliques associés à la prise alimentaire est renforcée par les expériences d’alimentation parentérale exclusive. Les résultats montrent en particulier que le sommeil est intimement lié non seulement à la quantité, mais aussi à la nature et au degré d’utilisation cellulaire des métabolites circulants (21).

Des rats privés de nourriture ont reçu leurs apports caloriques journaliers par des perfusions continues ou discontinues de substances nutritives spécifiques. La mise à disposition de l’organisme d’un apport exclusif intraveineux d’acides aminés augmente considérablement et d’une façon spécifique le nombre d’épisodes et par là même la durée totale de SP, bien que la perfusion ne fournisse que 60% des besoins caloriques (à cause d’une tolérance limitée) et qu’elle entraîne une perte de poids. Ceci apporte un argument majeur à l’hypothèse d’une relation privilégiée entre SP et métabolisme protéique. Une étude chez l’homme a montré qu’une injection supplémentaire d’acides aminés au cours de la nuit conduisait à une

diminution du SP (78). Il est cependant possible que dans ce dernier cas, l’injection a fait diminuer le rapport tryptophane/acides aminés circulants donc l’accès du tryptophane au cerveau et ainsi l’activation sérotoninergique du sommeil (voir 2.1.3.3).

Une simple perfusion de glucose seul n’affecte pas les quantités de sommeil. Cependant, la même quantité de glucose, injectée lorsqu’on laisse les animaux avoir accès à la nourriture, ou bien perfusée soit en parallèle avec de l’insuline exogène, soit de façon discontinue (plus insulinosécrétrice) entraîne bien une augmentation significative de la durée du sommeil. Ces résultats semblent indiquer que la durée du sommeil n’est augmentée que dans la mesure où les substrats métaboliques circulants sont susceptibles d’être effectivement utilisés, grâce à la sécrétion adéquate d’hormones métaboliques telles que l’insuline ou encore la GH. (qui jouent sur le sommeil par le biais de mécanismes centraux) (18, 106).

L’ensemble de ces résultats conduit à proposer une hypothèse de potentialisation du sommeil par un facteur proportionnel au degré d’utilisation des métabolites au niveau tissulaire, appelée théorie ischymétrique du sommeil (20, 21).

2.1.2.5 Influence de l’état nutritionnel et métabolique à long terme sur le sommeil : troubles du comportement alimentaire et métaboliques et régulation du sommeil.

Nous avons déjà montré que des troubles du sommeil pouvaient être impliqués dans des dysfonctionnements de la régulation du métabolisme à long terme (voir 1.2.4.2). A l’inverse, on a pu constater que des troubles du sommeil étaient au moins partiellement imputables à des perturbations du métabolisme déjà installées (80).

L’anorexie correspond à une impossibilité de manger par dégoût ou par absence d’appétit. En réalité, il s’agit avant tout d’une restriction alimentaire volontaire et délibérée. Les enregistrements EEG indiquent une diminution du temps de sommeil total et une augmentation du temps d’éveil nocturne. Dans certaines études, une diminution du pourcentage de SOL est rapportée (105). Ce sommeil court et interrompu étant aussi observé chez des patients obèses en phase de perte de poids, ces résultats indiquent que des problèmes de sommeil sont liés à des conditions de déplétions énergétiques chez l’homme. Souvent la reprise de poids s’accompagne d’une amélioration de la qualité du sommeil et d’un rebond du

SOL. Ainsi, les insomnies constatées chez des patients atteints d’anorexie mentale peuvent être partiellement renversées par une alimentation forcée et un gain de poids (77).

A l’inverse, l’hyperphagie caractéristique du syndrome de Kleine-Levin et souvent de l’obésité accompagne généralement une hypersomnie et en particulier une augmentation du SOL chez les individus atteints (18). Il est maintenant clairement établi qu’il y a une relation directe entre l’apport alimentaire journalier, le statut nutritionnel et l’organisation du sommeil chez les patients atteints d’anorexie et d’obésité (151).

La malnutrition hypoprotéique, phénomène d’origine essentiellement socio-économique, implique un important déséquilibre dans l’apport protéino-énergétique et dans le métabolisme, qui s’accompagne de dermatoses, d’anémies, d’hypoalbuminémies et surtout de déficiences du système immunitaire. Elle est particulièrement néfaste chez l’enfant, la synthèse protéique ayant une importance particulière dans le développement cérébral. On lui associe une perturbation des cycles de sommeil (23, 42).

Enfin, le diabète de type 1 s’accompagne également de troubles du sommeil. Chez les rats, on lui associe une diminution du SP (19).

2.1.3 Hypothèses sur les voies d’action potentielles de l’apport de substrats