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L'argument du nombre est le premier élément qui caractérise la philosophie du rapport. Si dans les sociétés occidentales les handicapés existent, les inadaptés

Dans le document Les handicapés au travail (Page 28-32)

1. Lévy (Michel), « La politique sociale française et les personnes handicapées, acquis et

perspectives (à propos du projet de loi d'orientation pour les personnes handicapées).

Analyse et prévision », Futuribles, juillet août, n° 12, 1974, p. 245.

sont bien plus nombreux et leur nombre croît. Il y a urgence à traiter leurs diffi- cultés et, pour répondre à leurs attentes, il convient d'avoir « un surcroît de zèle » (F. Bloch-Lainé, 1969, p. IV). D'emblée l'auteur valorise l'insertion en milieu ordinaire, chaque fois qu'elle est possible.

Pour définir sa philosophie générale et comme pour se situer dans une tradi- tion, le rapporteur se place sous les auspices d'un droit restitutif : ce concept fait référence à l'œuvre de Durkheim, l'un de ceux qui, sous la I I I République, ont pensé la notion de solidarité comme l'un des termes clés participant ensuite à la constitution de la notion d'État-providence. Selon cette conception, la collectivité, par principe, a des devoirs à l'égard de certains de ses membres. Face aux criti- collectif, s'imposer des droits nouveaux et faire admettre aux populations concer- nées qu'en retour la collectivité attend d'elles des devoirs nouveaux : « Tout se

La puissance publique se trouve légitimée dans son intervention, puisqu'elle seule relie les droits que la collectivité assume pour tous ses membres et les devoirs qu'ils ont vis-à-vis d'elle. Et le rapporteur de conclure qu'ayant la charge

du placement èt de la formation des handicapés, le service public peut imposer sa décision aux acteurs concernés, les employeurs notamment. La collectivité accep- tant le principe de la gestion des inadaptations, les décisions qui s'ensuivront pourront avoir un caractère contraignant. Pour partie, la loi de 1975 traduira dans le droit cette réflexion éthique : ce sera la Commission technique d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep).

L e s m o y e n s p r o p o s é s

Quoique ses formulations soient parfois nuancées, le rapporteur privilégie l'intégration. Ses positions sont fondées par le principe de réciprocité des droits et devoirs qu'handicapés et collectivité doivent construire. Pour lui, et sous certaines conditions, l'utilisation de la main-d'œuvre infirme est acceptable car l'intégration des handicapés peut s'effectuer grâce au travail. Mais il convient qu'existe un choix et que celui-ci « ne soit pas forcé, imposé par des contingences matérielles, que les spécialistes puissent adopter, pour chaque sujet et en toute circonstance, le moyen qui leur paraît le plus adéquat, non celui qui résulte de l'absence de choix » (ibid., p. 27). L'insertion des handicapés ne doit pas être définie en fonction des capacités offertes par le milieu. Le rapport Bloch-Lainé a une vision médicale, professionnelle et sociale des solutions à mettre en œuvre pour maîtriser les pro- blèmes de handicap. Ainsi met-il l'accent sur un ensemble de propositions, notam- ment le dépistage, l'orientation, le traitement médical, l'éducation en milieu protégé pour les mineurs et, pour les adultes, l'hébergement et l'insertion professionnelle.

Aux yeux du rapporteur, les mesures relatives à l'hébergement doivent enrayer une ségrégation désormais bannie. Si la cohabitation de différents types de handi- caps en un même lieu n'est pas souhaitable, il convient néanmoins de se méfier des établissements dont la population serait trop homogène. Trop fermés sur eux- mêmes, ils pourraient aller à l'encontre des objectifs d'ouverture recommandés.

Si la loi du 23 novembre 1957 reconnaît aux handicapés un droit à l'emploi, les mesures destinées à rendre ce droit effectif ont tardé. Pour le rapporteur, l'inser- tion professionnelle des handicapés peut s'organiser selon deux modalités : le tra- vail dans les entreprises et au sein d'ateliers protégés. Il entérine donc une altérité.

S'il rappelle la loi du 23 novembre 1957 et celle, votée en 1960, qui confirme la précédente, il précise que le quota de 10 % de travailleurs handicapés que les entreprises devaient embaucher n ' a jamais été respecté. Il s'interroge donc sur la validité d ' i m p o s e r aux employeurs une taxe de solidarité similaire à la taxe d'apprentissage : « Le coût de la mise au travail doit-il ou non être supporté par les utilisateurs de main-d'œuvre, plutôt que par l'ensemble des contribuables ? » (Ibid., p. 48.) Vingt ans plus tard, la loi du 10 juillet 1987 signifiera que l'État souhaite faire participer les employeurs à une plus grande partie du coût de l'insertion professionnelle des handicapés. En outre, et dans la mesure où les

entreprises soumises à la législation signeraient des contrats de sous-traitance avec les établissements du secteur protégé, le rapport propose des exonérations possibles de cette taxe. Enfin, novateur aussi en ce point, il mentionne les incitations financières dont pourraient bénéficier les entreprises embauchant des travailleurs handicapés ; par exemple une prime à l'équipement - adaptation de poste par exemple - versée à l'employeur. Le rapport anticipe sur les modalités de mise en œuvre d'une politique de l'emploi qui sera actualisée vingt ans après par le dispo- sitif ressortissant de la loi de 1987.

Si l'emploi en milieu de travail protégé est une des options proposées aux tra- vailleurs handicapés, le rapporteur voit peu de différence entre centre d'aide par le travail et atelier protégé. Certes, ces deux types d'établissements sont nécessaires et il convient d ' e n augmenter le nombre pour couvrir le besoin d'emploi des adultes handicapés. Malgré leur caractère d'établissements adaptés, le rapport met l'accent sur le fait que, dans l'intérêt des handicapés, le travail productif doit y être développé. Cette mise au travail des handicapés et les gains que l'établisse- ment peut en espérer se justifient : ce choix traduit les principes de solidarité réci- proque entre handicapés et collectivité. Par leur travail, les personnes handicapées insérées en milieu de travail protégé participent à l'effort que la collectivité consent à leur égard.

En milieu ordinaire ou protégé, l'insertion professionnelle des travailleurs han- dicapés ne sera possible que s'il existe en amont une liaison, nouvelle et organisée, entre l'orientation, la rééducation et le placement : il convient d'assurer la « conti- nuité dans la protection » (ibid., p. 45). Depuis 1945, c'est l'État qui, théorique- ment, dispose du monopole du placement des travailleurs. Mais le rapporteur constate que de multiples acteurs chargés des handicapés ont fort opportunément créé leurs propres filières de placement. Palliant les manques de l'État, ces cir- conduite » (ibid., p. 46) nécessaire au placement, le rapporteur indique que les tra- vailleurs handicapés devraient trouver une « tutelle personnalisée » (ibid., p. 36) au lieu de la multitude d'interlocuteurs qu'ils rencontrent et dont le nombre fait l'inefficacité. Cette idée de référent s'est concrétisée dans les dispositifs départe- mentaux mis en place ces dernières années. L'inventaire des dispositifs existants autorise le rapporteur à constater que l'insertion professionnelle des travailleurs handicapés s'est davantage réalisée au sein d'établissements de travail protégé que dans le milieu ordinaire de travail. En termes diplomatiques, le rapporteur signale que l'ouverture de ces établissements vers le milieu de travail ordinaire est moins développée qu'il ne conviendrait. Cette alerte prémonitoire aura cependant peu d'effets.

Dans le document Les handicapés au travail (Page 28-32)

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