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Les archives du département d’éducation permanente de l’université Paris-Diderot :

pour une politique d’accès et de diffusion

du savoir auprès des populations étudiantes

non conventionnelles

par Charlotte Maday Responsable du bureau des archives et de la gestion documentaire Université Paris-Diderot

L

’université Paris-Diderot Paris VII a été fondée à la fin de l’an- née 1970222autour d’une équipe d’enseignants chercheurs et de scientifiques partageant un même idéal d’ouverture culturelle et de décloisonnement des savoirs et une volonté de faire « inter-agir » toutes les disciplines. Ouverture et interaction sont effectivement les prin- cipes fondateurs de l’université Paris VII qui apparaissent à la fois dans l’offre de formation, dans les perspectives de recherche fondamentale et appliquée, et dans la participation à la vie de la Cité, toutes choses qui sont totalement originales dans le paysage universitaire francilien des années 1970. C’est à partir de ces principes que sont créées plusieurs structures administratives venant conforter des actions d’enseignement et de recherche, qui apparaissent tout d’abord comme des « électrons libres » puis se développent dans le cadre de la formation continue.

Le département d’éducation permanente et d’accès à l’enseigne- ment supérieur (DEPAES) est ainsi constitué comme service commun de l’université en 1979. Son rôle est d’abord « d’assurer la liaison avec les unités d’enseignement et de recherche (UER), départements et ser- vices communs de l’université ou autres établissements d’enseignement et avec les interlocuteurs sociaux concernés [pour] l’élaboration, la mise en place, l’information, la programmation et la responsabilité des stages

222 Pour les statuts de l’université, consulter le site Internet : http://www.univ-paris- diderot.fr/sc/site.php?bc=gene_univ&np=StatutsRI

d’enseignement en faveur des personnels d’organismes publics ou privés, et des personnels de l’État, et des personnes non solvables et l’accueil des non bacheliers dans l’université. En outre, le département d’Éducation permanente effectue, sur proposition du conseil scientifique, l’étude des besoins en formation, des possibilités pour l’université de répondre à ces besoins ; il organise la recherche sur les méthodes et les contenus des formations, leurs relations avec la formation initiale [et] leurs incidences socio-économiques»223

. Nous nous attacherons plus particulièrement à l’étude de deux des structures qui composent ce département : la section des étudiants empêchés (SEE) et l’université ouverte.

Lasectiondesétudiantsempêchés

La section des étudiants empêchés est créée en 1974 sous l’impulsion d’un groupe d’enseignants-chercheurs de l’ancienne unité d’enseignement et de recherche en sciences et techniques du document (UER STD) deve- nue unité de formation et de recherche lettres, arts et cinéma (UFR LAC). Depuis sa création, cette section remplit une triple mission. Elle pilote la formation des détenus, aussi bien en formation initiale que pour une remise à niveau, par la préparation au diplôme d’accès aux études uni- versitaires (DAEU) et en formation continue par des stages. Elle assure le suivi des étudiants, depuis la procédure d’inscription jusqu’à la gestion des examens, et assure également une aide à l’orientation et à l’insertion pro- fessionnelle en fin de détention. Enfin, elle propose un accompagnement pour les chercheurs travaillant sur le milieu carcéral.

En interaction avec les structures officielles de l’État et certaines des associations d’aide à l’insertion professionnelle, la section des étudiants empêchés est l’unique structure universitaire en France qui propose un enseignement « en présentiel » dans les maisons d’arrêt de la région pari- sienne (prison de la Santé, prison centrale de Poissy, prison des femmes de Fresnes), conduisant jusqu’à la licence de lettres modernes. Depuis sa création, la section coordonne le travail d’une trentaine d’enseignants, dont certains assurent également un suivi des étudiants par corres- pondance. Elle suit également la scolarité de 80 à 100 détenus, ce qui représente une partie importante des détenus susceptibles de s’inscrire

223 Voir le compte rendu de la réunion de la section d’éducation permanente (SEP) du 31 décembre 1975 et les statuts de cette section, cote P7-PRG 362-273.

dans l’enseignement supérieur. Nous rappellerons ici que 15 % de la population carcérale est illettrée224

, 70 % environ ont un niveau pri- maire, et près de 15 % sont de niveau secondaire (brevet des collèges ou terminale).

L’universitéouverte

L’université ouverte trouve son origine dans la mise en place par la ville de Paris, au début des années soixante-dix, d’une politique culturelle en di- rection des personnes âgées. D’abord animé par deux associations, l’Union française des universités du troisième âge (UFUTA) et l’Association inter- nationale des universités du troisième âge (AIUTA), ce mouvement pour le développement d’une offre de formation pour le troisième âge ne trouve guère d’écho auprès des universités parisiennes. Seules les universités Paris III, Paris V et Paris VII acceptent de participer à ce projet. Comme le souligne un des responsables de la mise en œuvre de ces formations à Paris VII : « Je vois une raison très importante qui milite en faveur de cette ouverture, c’est qu’elle répond à un besoin « gratuit ». Il ne s’agit plus d’aider, comme l’a toujours fait la formation continue, la main d’œuvre à s’adapter au marché du travail, certains à y améliorer leur position, il s’agit de mettre l’université au service de ceux qui ont définitivement quitté la formation professionnelle, et on doit y voir la reconnaissance d’un droit à l’instruction d’un type nouveau»225

.

En 1979, le programme d’enseignement soutenu par les instances de l’université Paris VII obtient un financement des caisses de retraite et prend alors le nom de programme universitaire pour un certain âge (PUPCA). À l’origine, seuls des cycles de conférences estivales étaient envisagés pour ne pas empiéter sur le temps de la recherche. À comp- ter de 1981, des cycles de formation sont mis en place tout au long de l’année par le PUPCA qui se désolidarise ainsi des programmes de la mairie de Paris. Le contexte ne se prête cependant pas à la conti- nuité de tels programmes au sein de l’université. Celle-ci doit en effet faire face, dès 1982, à des restrictions budgétaires telles, qu’elle se voit

224 http://www.justice.gouv.fr/prison-et-reinsertion-10036/la-vie-en- detention-10039/la-formation-et-lenseignement-12000.html

225 Note rédigée par une des spécialistes consultées dans le cadre du projet, 26 octobre 1978, p. 2. Ce document est conservé dans le fonds DEPAES-Université ouverte en cours de classement.

dans l’obligation de se recentrer sur les « missions directes de l’univer- sité ». La formation permanente ne fait pas partie de ces missions, le PUPCA n’est toutefois pas directement menacé, le financement de ces cycles de conférences étant assuré par les caisses de retraite. En 1983, les responsables du PUPCA, souhaitant faire évoluer l’offre de forma- tion en direction des publics non allocataires des caisses de retraite, tels que les chômeurs, les étudiants en échec et, plus largement, les classes sociales défavorisées, élaborent de nouveaux programmes, en col- laboration étroite avec certains des enseignants-chercheurs pour qui la formation continue s’inscrit dans la continuité des missions de l’univer- sité.Le PUPCA, d’école d’été pour les personnes âgées, devient ainsi une « université ouverte », qui met en place, avec l’aide des enseignants forte- ment impliqués dans son action, des programmes originaux et innovants, s’adressant à un public de plus en plus large, comme en témoignent les différents bilans statistiques établis tout au long des dix premières années d’existence du service226

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coLLecteetcLassement

Les documents issus des activités du DPAES représentent environ 80 mètres linéaires et couvrent une période s’étendant du début des années 1970 à 2006. Ces dossiers sont parvenus au service des archives en 2008, lors du déménagement de l’université, du site de Jussieu vers celui des Grands Moulins de Paris. Certains de ces dossiers sont entrés par la pro- cédure régulière de versement, d’autres sont arrivés en désordre et sans bordereau, lors des opérations de déménagement. L’ensemble de ces dos- siers a été regroupé de façon à constituer deux fonds dont le classement est en cours.

Le fonds de la section des étudiants empêchés comporte ainsi les versements provenant du DEPAES pour ce qui concerne les archives ad- ministratives de gestion depuis la création du service (budget, gestion des enseignants, suivi des cursus, correspondance du service) ; les verse- ments de la structure SEE qui comprennent les dossiers d’étudiants et ceux ayant trait à la pédagogie et aux enseignements dispensés ; et en dernier lieu, les versements de l’UERSTD et les fonds d’enseignants-

226 Projet pour une contractualisation, 1992, cote du service des archives P7-PRG 362-273.

chercheurs qui ont dispensé ces cours.

Le fonds de l’université ouverte est composé de documents de diffé- rentes provenances. Les archives de la fondatrice de l’université ouverte regroupent ainsi des documents provenant de l’association PUPCA, de l’Association internationale des universités du troisième âge, de l’UFU- TA et de l’AIEA, et notamment les procès-verbaux des conseils de ces associations. On y trouvera également les dossiers propres de la fon- datrice, des années 1980 aux années 1990, relatifs à l’organisation des cursus et des enseignements et au suivi des affaires, ainsi que des dossiers portant sur les relations entre les différents partenaires de ces forma- tions, tels que le Comité inter-universitaire parisien pour l’éducation permanente (CIUPEP), la mairie de Paris, les universités franciliennes et les différents responsables des programmes d’éducation permanente au niveau international. Le fonds comprend également les archives de la structure administrative. Il peut s’agir de listes des stagiaires ou de documents à caractère pédagogique donnant par exemple le détail des programmes des universités d’été, des voyages organisés ou des cycles de conférences et faisant intervenir des personnalités de tous horizons227. On y trouvera également les différents statuts de l’université ouverte et les différents organigrammes du service, les dossiers individuels des en- seignants, ainsi que des projets, des notes, des rapports et des comptes rendus rédigés pour les instances de tutelle. Figurent également dans ce fonds les bilans statistiques portant sur l’activité du service (nombre de stagiaires par cursus, nombre de diplômés). Enfin, signalons la présence d’un ensemble de documents relatifs aux manifestations organisées dans le cadre du vingtième anniversaire de l’université ouverte et, en particu- lier, un dossier retraçant l’histoire de cette structure.

desperspectivesd’études

Ces fonds constituent une source précieuse pour une étude de la mise en place et du développement d’une politique d’éducation perma- nente au sein de l’université Paris VII. L’étude de ces documents devrait permettre l’analyse de l’évolution des structures administratives et péda-

227 On peut citer pour exemple le ou les cycles de conférences avec F. Dolto « Psychanalyse et psychothérapie », Hubert Reeves « L’univers et le cosmos » et Théodore Monod « La vie dans les déserts ».

gogiques créées dans ce but. Ces dossiers pourront également être utilisés pour une meilleure connaissance des contenus des enseignements ainsi dispensés et des moyens mis en œuvre. Au-delà de l’université, on ver- ra également les liens qui unissent ces services avec d’autres structures du même type et, notamment, avec celles mises en place par la ville de Paris. Enfin, on pourra examiner le rôle qu’ont pu jouer ces structures dans la politique culturelle de l’université et dans son rayonnement. Ces archives, qui font état, en particulier, de l’utilisation de différentes tech- niques d’enseignement en faveur de personnes n’ayant pas accès à une culture à caractère universitaire, peuvent conduire à reconsidérer le lien enseignant-enseigné, jusqu’à définir ou redéfinir la notion d’éduqué, ap- portant ainsi des éléments de réponse à la question fondamentale du rôle social que doit jouer l’université.

La reconfiguration institutionnelle après 1968