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Chapitre 1 : État des connaissances sur les submersions marines et leur signature

1.1. Les submersions marines

1.1.3. Risques liés aux submersions marines

1.1.3.4. Étudier l’aléa de submersion – apports des différentes approches

1.1.3.4.2. Les archives du passé

L’exploration des archives du passé permet de mieux comprendre les scénarios de submersion, en caractérisant les conditions extrêmes (de vent, de vagues, de dépression…) ou des configurations particulières de conditions météo-océaniques menant à des niveaux d’eau extrêmes (Breilh et al ., 2014). Les archives du passé permettent d’accéder au temps de retour des évènements de submersion marine en fonction de leur magnitude. Les informations tirées des archives permettent aussi d’alimenter les modèles avec des variables réalistes et ainsi de mieux caractériser les zones rétrolittorales concernées par le risque de submersion en fonction de différents scénarios d’aléa.

On peut distinguer trois grands types d’archives :

• Les séries de données instrumentales sont les données enregistrées essentiellement par les marégraphes (Pirazzoli et Tomasin, 2007 ; Bardet et al., 2011). Elles

Page 64 permettent d’accéder à l’historique des niveaux d’eau, et sont limitées aux 300 dernières années pour les séries les plus longues (Wöppelman et al., 2006 ; Prouveau, 2008), et plus généralement à quelques dizaines d’années. Les données instrumentales proviennent dans une moindre mesure des stations météos ou des bouées océanographiques. Ces données donnent accès à des informations potentiellement très précises. Cependant ces données instrumentales peuvent parfois être incomplètes, puisque ces instruments peuvent être soumis à des pannes d’enregistrement (coupures d’électricité, dégâts…), surtout en conditions très énergétiques de tempête, comme dans le cas de la tempête Martin en 1999 par exemple (e.g., Breilh et al., 2014 ; Chaumillon et al., 2017). Les lacunes dans les séries qui découlent de ces pannes, ou l’extension limitée dans le passé des séries de données peuvent mener à des sous-estimations des périodes de retour ou du maximum d’amplitude des évènements extrêmes (voire références dans Chaumillon et al., 2017).

• Les archives historiques fournissent généralement les conséquences d’évènements de submersion, la date de l’évènement, l’étendue submergée et parfois, les conditions météo-océaniques associées à l’évènement (Chaumillon et al., 2017). Le travail de Liu et al. (2001) sur les archives historique de la province de Guangdong en Chine (provenant de l’histoire officielle de chaque dynastie, ainsi que de gazettes locales, compilées par Lee and Hsu, 1989) a permis de réaliser une reconstruction exceptionnelle des évènements de typhons sur 1000 ans. Tsuchiya et Kawata (1986) ont également publié une reconstruction, basée sur 1200 ans d’archives historiques, des submersions liées à des tsunamis ou des tempêtes dans la région d’Osaka. Des archives remontant aussi loin dans le temps sont cependant exceptionnelles. En effet, en Europe et en Amérique du Nord, les archives ne permettent pas de remonter plus loin que quelques centaines d’années dans le temps. Dans le cas de l’Amérique du Nord, des submersions marines sont mentionnées dans les archives historiques depuis environ 400 ans, ce qui correspond à colonisation de la Nouvelle

Page 65 Angleterre par les européens (Boose et al., 2001 ; Ludlum et al., 1963 ; Neumann et al., 1993).

En France, les archives historiques relatant de submersions marines comprennent les archives publiques et de la marine française, les journaux locaux, des gravures, des récits personnels, les rapports universitaires et publications scientifiques. Avant le 20ème siècle, on ne retrouve en général que la chronologie des évènements de submersion (Dezileau et al., 2011 ; Sabatier et al., 2012 ; Breilh et al., 2014 ; Chaumillon et al., 2017). Avant le 19ème siècle, on retrouve de nombreux récits personnels d’évènements de submersion, généralement écrits par des individus concernées à titre personnel (l’évènement était alors décrit en termes généraux, et souvent, la tempête était ressentie comme une punition de Dieu), ou pour des questions d’argent (dans ce cas, l’évènement était en général décrit en détail dans le but d’obtenir une exemption de taxe ou autre forme de compensation). Depuis la fin du 18ème siècle, les données météorologiques (pression atmosphérique, température, vitesse et direction du vent) ont commencé à être mesurées ; et l’archivage de ces données par l’administration maritime française est devenu officiel au cours du 19ème siècle, offrant ainsi des données quantitatives et descriptives sur les submersions marines et conditions météorologiques responsables de ces évènements.

Cependant, de manière générale, on peut observer une augmentation des dommages résultant d’évènements de submersion dans les archives au cours du temps (e.g., Breilh et al., 2014). Cette tendance peut être expliquée par la colonisation progressive du domaine littoral au cours du temps et des usages moins développés qu’aujourd’hui des zones rétrolittorales, proches du trait de côte (Breilh et al., 2014 ; Guetté et al., 2016 ; Chaumillon et al., 2017), ainsi que par la disparition et l’altération des archives au cours du temps (incendies, insectes, moisissure, perte…).

Les archives historiques nous montrent en premier lieu que les submersions marines ne sont pas des évènements rares (e.g., Breilh et al., 2014). Quand des données météorologiques quantitatives sont disponibles, elles permettent des comparaisons plus fines avec les évènements récents, on peut ainsi définir les combinaisons de

Page 66 paramètres météorologiques menant à la submersion (Breilh et al., 2014). Cependant, il y a des limites à l’utilisation des archives historiques, puisque quand elles existent, elles sont généralement incomplètes et limitées dans le temps, limitant ainsi les possibilités d’explorer la variabilité de fréquence et d’intensité des évènements de submersion sur les derniers siècles (Chaumillon et al., 2017).

• Le dernier type d’archives des évènements de submersions passées est contenu dans les sédiments. Les archives sédimentaires récentes permettent potentiellement de reconstruire les évènements de submersions passées sur la fin de l’Holocène. Au-delà de l’Holocène, il est toujours possible de retrouver des témoins de submersions marines, mais les archives sédimentaires sont alors plus susceptibles d’avoir été détruites par les agents climatiques. L’identification et la datation de dépôts de submersion dans les séquences sédimentaires rétrolittorales permettent d’établir une chronologie des submersions passées sur parfois plusieurs milliers d’années (e.g., Liu et Fearn, 1993 ; Donnelly et al., 2001a, b ; Wallace et Anderson, 2010 ; Kiage et al., 2014 ; Lane et al., 2011 ; McCloskey et Liu, 2012a ; Brandon et al., 2013 ; Donnelly et al., 2015 ; Ercolani et al., 2015 ; Peros et al., 2015 ; Woodruff et al., 2015).

La longueur temporelle des archives sédimentaires permet notamment de s’intéresser aux temps de retour d’évènements de submersion de magnitude extrême (qui se caractérisent par des temps de retour très longs), qui n’ont pas forcément eu lieu dans la période couverte par les archives historiques ; et ainsi d’élargir la gamme des scénarios de submersion pour mieux évaluer ce type d’aléas dans un lieu donné.

Cependant, comme toutes archives, les archives sédimentaires sont incomplètes. Il est tout d’abord nécessaire de comprendre les modalités d’enregistrement des submersions marines dans les sédiments, ainsi que leur variabilité en fonction de l’environnement de dépôt, du type d’évènement à l’origine de la submersion marine, du mode de submersion, de la nature de la barrière. Cela peut être fait en étudiant des enregistrements sédimentaires récents liés à des submersions bien documentées.

Page 67 Les connaissances actuelles sur l’enregistrement des submersions marines dans les archives sédimentaires seront détaillées dans la partie 1.2.

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