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Architecture d’un centre de traitement, radioprotection

Les normes de radioprotection à respecter lors de la construction d’un centre d’hadronthérapie aussi bien que son équipement sont guidées par la production de neutrons secondaires. La pertinence clinique de la dose qu’ils apportent reste incertaine. Cette incertitude provient d’une part de la difficulté à mesurer la dose corps entier liées à ces neutrons (hétérogénéité des techniques de mesure utilisées entre les différents centres) et d’autre part de la difficulté à mesurer la dose de neutrons dans un champ de rayonnement mixte à l'intérieur d'un fantôme. Il en découle un large éventail d'estimations de la dose corps entier déposée par ces neutrons secondaires. Néanmoins, il est généralement convenu que cette dose quoiqu’indésirable participe de façon non significative à la toxicité de l’hadronthérapie.(128) La principale préoccupation est le risque de tumeur maligne secondaire. La meilleure estimation pour l’EBR des neutrons de faible énergie est d'environ 25 à 30. Les doses de rayonnement secondaire sont de l'ordre de 10-2 Gy (diffusion passive) et 10-3 Gy (balayage actif) par gray prescrit de protons. La dose de rayonnement secondaire ne peut être déterminée qu’au moyen d'expériences ou par des calculs basés sur un modèle. Les mesures expérimentales sont souvent difficiles et les résultats sont spécifiques pour le centre (la ligne de faisceau) et le champ d’intérêt. Par conséquent les données expérimentales ne sont pas

Des simulations Monte Carlo spécifiques modélisent la ligne de faisceau et la salle afin d'estimer la dose délivrée par les neutrons secondaires. Les neutrons générés se composent de neutrons isotropes de basse énergie et de neutrons de haute énergie qui sont produits lors des réactions nucléaires et propulsés surtout vers l'avant. Ce sont les plus pénétrants et les plus problématiques en terme de radioprotection. F. Martinetti a estimé au cours de sa thèse la dose apportée par ces neutrons dans les applications ophtalmiques à l’ICPO. Elle va dépendre de paramètres liés à la technologie (conformation de la ligne de faisceau, énergie des protons, mise en forme active/passive du faisceau, position du patient, angle par rapport à l’axe...) et au patient (position, corpulence, organes concernés...) Les expériences devaient acquérir la dose d’ambiance à l’aide des radiamètres disposés dans la salle, la cartographie du flux des neutrons, la courbe de fluence selon l’énergie, la dose absorbée dans un fantôme de patient constitué d’un empilement de détecteurs de trace. La dose aux organes est approchée en pondérant par les facteurs d’équivalence tissulaire et particulaire définis dans le préambule. On obtient ainsi la dose équivalente pour ces indications (60 GyE délivrés en 4 fractions et 4 jours). La dose équivalente totale est estimée ainsi à 8 mSv ; les organes antérieurs (cerveau, thyroïde, testicules) reçoivent un peu plus d’1 mSv alors que les organes postérieurs (oesophage, reins, ovaires) un peu moins de 0,5 mSv. Ces mesures ont été comparées aux modèles Monte-Carlo et aux données de la littérature.

En plus de la diffusion, les protons peuvent également subir des réactions nucléaires (collision frontale avec un noyau atomique), avec ou sans conservation de l’énergie. Les réactions nucléaires ne représentent qu'une minorité des interactions que les protons subissent en interagissant avec la matière (environ 20%). Près de la surface, où les protons ont la plus haute énergie, l'interaction nucléaire la plus probable est une collision élastique entre un proton et un noyau de la matière dans laquelle le proton est dispersé. Toutefois, l'interaction prédominante se fait encore avec les électrons atomiques et cette interaction provoque la majorité de la perte de l'énergie des protons incidents et représente le mécanisme dominant de perte d'énergie dans la région du pic de Bragg. Les collisions élastiques avec le noyau produisent des isotopes énergiques, des neutrons et parfois des fragments lourds chargés, comme les particules alpha. Toutefois, la fluence résultant de ces particules est assez faible et la majorité de la dose administrée est attribuée au faisceau de protons primaires. Un petit nombre d'isotopes émetteurs de positrons sont également produites, telles que l’16O, qui peut engendrer une réaction d'annihilation résultant en la production de photons gamma qui peuvent être détectées.

La principale caractéristique des faisceaux d’hadrons primaires réside comme nous venons de le voir dans la production de neutrons secondaires. Leur importance relative tient aux caractéristiques de la ligne de faisceau : maximale pour la diffusion passive et minimale pour le balayage actif. La façon dont l'énergie du faisceau de protons est modulée détermine également la quantité de neutrons secondaires produits. Les synchrotrons sont capables de produire des protons d'énergie diverse, alors que les cyclotrons exigent un modulateur de gamme, qui génère plus de neutrons car elle nécessite la pose de diffuseurs atténuants dans le trajet du faisceau.

photons 6 MV photons 15 MV photons 18 MV Protons Ions carbone

Photons X diffusés par le fantôme 20 mSv 30 mSv 30 mSv - -

Photons X diffusés par le

collimateur + fuites 20 mSv 30 mSv 30 mSv - -

Neutrons - 100 mSv 400 mSv 210 mSv 300 mSv

Tableau 15 : Dose secondaire equivalente par UM traitée et par fraction pour les photons pour

les protons et 12C (balayage actif).(9, 129)

Un autre danger potentiel pour le personnel et les patients est la radioactivité induite (activation) qui peut survenir dans n'importe quel matériel interposé dans le faisceau primaire ou le rayonnement secondaire. Celle-ci dépend de l'énergie du faisceau et du type de matériel irradié. Le personnel peut être exposé lors de la manipulation des collimateurs spécifiques au champ et au patient traité. La surveillance appropriée et l'élimination des matériaux activés est cruciale pour la sécurité du personnel et des patients. L'accélérateur et la ligne de faisceau sont également activés par le faisceau de protons primaires. En règle générale l'activité des composants radioactifs est relativement faible et la majorité des isotopes créés sont de courte durée.

Une installation d’hadronthérapie doit donc offrir à son personnel une radioprotection optimale à l’encontre de ces neutrons d’origines diverses. Le blindage tient compte de facteurs similaires aux installation de radiothérapie conventionnelle. L’intensité du faisceau, le matériel stocké dans la salle de traitement, son taux d’occupation, la fuite et le rayonnement diffusé, le facteur d'orientation du faisceau doivent tous être pris en compte dans le calcul de l’épaisseur du blindage.

Les matériaux de blindage les plus communément employés pour atténuer la production de neutrons secondaires sont la terre, le béton et l'acier. L'acier a l'avantage de sa forte densité : l’épaisseur de blindage est donc moindre mais ce métal crée davantage de neutrons de faible énergie. La densité et la teneur en eau du béton influe sur l'absorption des neutrons et doit être pris en compte. La teneur en eau du béton est généralement de 5% et de toute déviation de ce fait doit être pris en compte.

Mentionnons également, outre le blindage, la nécessité d’équiper l’installation d’avertisseurs lumineux témoignant de l’arrivée du faisceau, de caméras et microphones focalisés sur le patient dans la salle, d’interrupteurs d'arrêt d'urgence, de balises à neutrons et de détecteurs de photons. La dose (quantité et qualité) reçue par le personnel et le patient est monitorée par divers dosimètres (dosifilm photons, dosimètre à traces de neutrons, et dosimètre opérationnel).

Figure 79 : Représentation des différentes composantes technologiques d’un centre