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1.3 Généalogie des CB : Les arbres réels

1.3.2 Les arbres de Lévy, et les décompositions de Bismut et de Williams

Nous décrivons dans cette section une procédure pour donner un sens à la généalogie d’un CB(ψ) en terme d’arbre réel. Nous proposons ensuite une décomposition de cette généalogie par rapport à un pointx de l’arbre :

– choisi selon la mesure de masse m(dx) (Bismut).

– choisi de sorte qued(ρ, x) soit maximal (Williams).

Nous précisons enfin comment ces généalogies permettent de définir la généalogie duQ-processus.

Soit un processus de Lévy Y = (Yt, t≥0) d’exposant de Laplace ψ donné par (1.4), dont les trajectoires sont à variation infinie, et qui ne dérive pas vers +∞. Le Gall et Le Jan lui associent dans [94] un processus des hauteurs (Ht, t≥0) défini comme suit. On note

Yˆst=YtY(t−s)−, 0≤st, le processus retourné à l’instant tet

Sˆst = sup

r≤s

Yˆrt

le processus du supremum. Le processus des hauteurs à l’instant t,Ht, est alors défini comme le temps local au niveau 0 et à l’instant t du processus ˆStYˆt. Le processus des hauteurs, qui n’est pas une semi-martingale, admet cependant un temps local, dont il existe une version conjointement mesurable notée (Lts, t≥0, s≥0), continue et croissante ens.

On a la généralisation suivante du théorème de Ray-Knight, due à Duquesne et Le Gall [37].

Théorème (Théorème de Ray-Knight généralisé). Supposons que le CB(ψ) soit critique ou sous-critique, à trajectoires de variation infinie. Alors le processus (Ltτ−r, t≥0) est un CB(ψ) issu de r, avec τ−r=τ−r(Y).

Remarque1.3.1. Lorsqueψ(λ) = 2λ2, le processus des hauteurs a la loi d’un mouvement brownien standard réfléchi, et donc le théorème de Ray-Knight ci-dessus dit que la famille des temps locaux d’un mouvement brownien réfléchi stoppé lorsque le temps local en 0 excèder est un CB(ψ) issu de r, encore appelé diffusion de Feller. Ce résultat constitue le second théorème de Ray-Knight, dû indépendamment à Ray [109] et Knight [75].

Supposons que le CB(ψ) est critique ou sous-critique, à trajectoires de variation infinie, et vérifie la condition de Grey (1.6). Duquesne et Le Gall [37] prouvent alors que le processus des hauteurs

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est continu en la variable t. Dès lors, il est possible de considérer l’arbre réel associé Tg pour g(s) =Hs∧τ−r, où τ−r=τ−r(Y). L’arbre réelTg ainsi défini est alors compact. On noteraPr la loi de l’espace métrique Tg ainsi défini muni dedg.

On peut encore définir l’arbre Tg sous la mesure d’excursion ndu processusYI, oùI désigne l’infimum de Y :It = inf0≤s≤tYs pour t≥ 0. Soit g(s) = Hs une excursion du processus des hauteurs sousn. Nous noteronsNla "loi" de l’espace métrique égal àTg muni dedg. Le lien entre N et Ns’énonce alors comme suit : si T est distribué selon N, alors (Ltτ0, t≥0) est distribué selonN.

Pour t≥0 fixé, la famille des temps locaux (Lts, s≥0, t≥0) induit une mesure dsLts sur (0, τ0), et nous notons`t(du) la mesure image de la mesuredsLts par l’applicationp. Ainsi, `t est une mesure sur l’arbre Tg qui vérifie, pour toute fonctionϕmesurable bornée,

Z

On donne maintenant les décompositions de Bismut et de Williams sous la mesure d’excursion n de YI. Etant donné deux espaces métriques (T, d, ρ) et (T0, d0, ρ0) et un élémentx0 deT, on introduit une opération de greffe. Définissons

T˜ =T ~(T0, x0),

Soit h∈ [0,∞]. Considèrons l’espace métrique Th = [0, h], muni de sa distance naturelle. On pose maintenant :

définit encore un arbre réel. Noter que cette construction, dans laquelle nous greffons un nombre infini d’arbres, est bien licite. Nous renvoyons à Le Gall Le Jan [94] et Duquesne Le Gall [37]

pour la démonstration de la décomposition de Bismut suivante.

Théorème (Décomposition de Bismut). SupposonsT construit à partir d’un CB(ψ) critique ou sous-critique, à trajectoires de variation infinie, et qui satisfait la condition de Grey. Nous avons alors la relation :

Nous choisissons (T, x) distribué selon N(dT)m(dx) : cela signifie que T est distribué selon N(m(T), dT) puis, conditionnellement à T, quex est de loi m(dx)/m(T). Alorsd(ρ, x) a pour densité e−ψ0(0+)h par rapport à la mesure de Lebesgue dh sur R+, et conditionnellement à d(ρ, x) =h,T est distribué comme TB,h.

Remarque 1.3.2. Lorsque ψ(λ) = 2λ2, le processus des hauteurs est distribué selon la mesure d’excursion d’Itô, et on retrouve la décomposition originale de l’excursion brownienne due à Bismut [19].

Figure 1.1:A gauche : une excursion du processus des hauteurs sousnet un point uniforme sur celle-ci, associé au pointxdans l’arbre. A droite : l’arbre réel associé, de loiTB,h, décomposé le long du chemin deρàx, de longueurh.

Soith <∞, et soitA un ensemble qui ne dépend que de la restriction de l’arbre réel à l’ensemble {x∈ T, d(ρ, x)h}. On a par construction la propriété de compatibilité suivante :

P(TB,hA) =P(TB,∞A).

De plus, on peut déduire de (1.19) et du théorème précédent que : P(TB,hA) =N(eψ0(0+)hLhτ0,T ∈A).

On rappelle de plus que (Lhτ0, h ≥ 0) a la loi d’un CB(ψ) pris sous sa mesure d’excursion.

Maintenant, la martingale (Lhτ0eψ0(0+)h, h ≥ 0) est encore la dérivée de Radon-Nikodym du Q-processus par rapport au processus de branchement original dans sa filtration naturelle (Fh, h≥0), selon (1.15). Ainsi TB,∞ donne une généalogie auQ-processus. Ce même résultat vaut encore dans le cas discret : voir les preuves conceptuelles du théorème de Kesten et Stigum par Lyons, Pemantle et Peres [97].

On exprime maintenant la décomposition de Williams en terme d’arbre réel. On note Hmax= sup{Ht, t≥0}= sup{d(ρ, x), x∈ T }

la hauteur de l’arbre réel T associé à H. On définit : µW,h(dT) = 2αN(dT) +

Z

(0,∞)

ν(dr)re−rvhPr(dT).

Soit h ≥ 0 fixé. On considère à nouveau l’espace métrique Th = [0, h] muni de sa distance naturelle. Soit une mesure ponctuelle de Poisson Piδ(si,Ti)(ds, dT) sur le produit deT×T d’intensité

1[0,h)(s)ds µW,h−s(dT).

AlorsTW,h =Th ~

i∈Ih

(Ti, si), où Ih ={i∈ I;si+Hmax(Ti) ≤h}, définit encore un arbre réel.

Abraham et Delmas [1] prouvent alors le Théorème suivant.

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Figure 1.2: A gauche : l’arbre réelTB,h. A droite : l’arbre réel TB,∞. Les deux arbres coïncident à distance inférieure àhde la racine

Théorème (Décomposition de Williams). Supposons T construit à partir d’un CB(ψ) critique ou sous-critique, à trajectoires de variation infinie, et qui satisfait la condition de Grey. On a : N(Hmaxh) =vh pour tout h >0.

– Conditionnellement à {Hmax=h}, T a même loi que TW,h. Ainsi, on a la relation :

N(F(T)) = Z

h∈R+

dh|∂hvh|E(F(TW,h)).

Figure 1.3:A gauche : une excursion du processus des hauteurs sousndécomposée selon son supremum atteint enx. A droite : l’arbre réel associé, décomposé le long du chemin deρàx, de longueurh, de même loi queTW,h. On notera qu’aucun des sous-arbres greffés le long deThne dépasse la hauteurh.

Remarque 1.3.3. Lorsque ψ(λ) = 2λ2, le processus des hauteurs est distribué selon la mesure d’excursion d’Itô, et on retrouve la décomposition de l’excursion brownienne par rapport à son supremum due à Williams, voir Rogers et Williams [114], Théorème 55.11.

La décomposition de Williams fournit une seconde approche de la généalogie du Q-processus, puisqu’il est possible de montrer que les conditionnements par les évènements {Hmax> h} et {Hmax =h} donnent le même processus a la limite h→ ∞, voir le lemme 2.5.1. Ainsi, TW,∞

fournit à nouveau la généalogie du Q-processus. On notera enfin queTW,∞(L)= TB,∞.

En résumé, nous avons vu deux méthodes pour donner une généalogie au Q-processus des CB :

– ou bien commencer par prouver l’existence du Q-processus du CB en montrant que c’est une h-transformée puis représenter cette h-transformée en terme d’arbre réel : c’est la méthode explicitée dans la section 1.2.5 et poursuivie avec la décomposition de Bismut.

– ou bien obtenir une représentation en terme d’arbre réel du processus conditionné à{Hmax=h}

puis passer à la limite en h sur cette représentation, comme nous venons de le voir avec la décomposition de Williams.