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2.4 Résolution de l’équation maîtresse

2.4.2 Approximations des moments

À terme on souhaite exploiter des informations sur les moments d’ordre 1 et 2. Nous avons vu qu’il est théoriquement possible de déterminer ces moments dans la dynamique stochastique en résolvant l’équation maîtresse. Cependant cette résolution est impossible en pratique sauf pour des exemples très simples. Il est donc naturel de s’intéresser aux tech- niques de résolutions approximatives. Une possibilité est de tenter d’approximer directe- ment les moments, on présentera deux méthodes classiques de la littérature : la méthode des moments clos (CMM) [Hes08] et l’approximation de bruit linéaire (LNA) [VK92].

2.4.2.1 Méthodes des moments clos

La première méthode des moments clos a été introduite en 1957 par Whittle [Whi57] dans le cadre général de l’étude des moments d’une chaîne de Markov. Nous avons déjà dé- fini (Définition 2.2) le moment d’indice ¯m ainsi que son ordre. On note~µkle vecteur de tous

les moments (dans un ordre arbitrairement fixé) d’ordre au plus k. Il est possible de mon- trer [SH06] à partir de l’équation maîtresse, qu’on peut obtenir une équation différentielle de la forme

d~µk

d t = A~µk+ B~γ (2.32)

où A et B sont des matrices et~γ est un vecteur ne contenant que des moments d’ordre strictement supérieur à k. On dit alors que ce système d’équations différentielles estouvert et il ne peut être résolu car il contient plus d’inconnues que d’équations. Une méthode des moments clos consiste à résoudre le système

d~µk

d t = A~µk+ B~ϕ(~µk), (2.33)

~ϕ est une approximation des moments d’ordre supérieurs strictement à k décrits précé- demment en fonction des moments d’ordre k. On a doncclosl’équation (2.32) et la résolu- tion de ce nouveau système nous fourni une approximation des moments d’ordre k. Il y a donc autant de méthodes des moments clos que de manière de définir l’approximation~ϕ. On pourra se référer à [Hes08] pour une comparaison des différentes méthodes d’approxi- mation existantes (derivative matching, troncature des cumulants, quasi-déterminisme, etc). Dans la pratique, les méthodes des moments clos ne sont donc pas générales et difficiles à appliquer car il faut produire des développements analytiques compliqués (et parfois même des approximations) pour obtenir l’équation ouverte puis utiliser une bonne approximation des moments supérieurs de cette équation ouverte. Dans la littérature, on trouve surtout le traitement assez récent du modèle logistique de croissance de population [Nås03b, Nås03a] qui malgré sa simplicité entraîne déjà de nombreuses complications ou encore la résolution du cas des systèmes linéaires [GLO05] (qui sont directement sous forme close).

Dans le cadre de la question qui nous intéresse, la méthode des moments clos n’est donc pas assez générale, puisque chaque système doit bénéficier d’un traitement analytique par- ticulier. Il ne règle pas le problème de la nécessaire connaissance des lois et paramètres ciné- tiques. Enfin il ne fait pas clairement apparaître un vecteur analogue aux flux stationnaires ~f qui pourraient être contraints à partir de données sur les moments. L’approximation de bruit linéaire n’apporte pas de progrès dans ce domaine car elle peut être vue comme un cas particulier de la méthode des moments clos à l’ordre 2.

2.4.2.2 L’approximation de bruit linéaire

L’approximation de bruit linéaire, également appeléeΩ-expansion, peut être considérée comme une forme de méthode des moments clos à l’ordre 2 puisqu’elle consiste aussi à

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clore l’équation des moments

d~µ2

d t = A~µ2+ B~γ (2.34)

en utilisant cette fois une approximation des moments supérieurs qui dépend d’une autre fonction ~φ, elle même déterminée par une équation différentielle propre :

d ~φ

d t = ψ(~φ), (2.35)

d~µ2

d t = A~µ2+ B~ϕ(~φ,~µ2). (2.36)

L’approximation de bruit linéaire utilise pour ~φ la solution des équations de loi d’action de masse, c’est-à-dire qu’on suppose dans cette approximation que l’influence des fluc- tuations sur l’espérance est négligeable (tout comme dans la limite thermodynamique). L’équationd ~d tφ= ψ(~φ) représente donc ici l’équation d’action de masse. L’équation close est ensuite calculée en estimant les fluctuationsχ(t) autour de la solution ~φ à la limite thermo- dynamique. On pose alors~x(t) = Ω~φ(t)+Ω1/2~χ(t) et on peut obtenir (après des approxima- tions complexes) une expression close pour les moments des fluctuations~χ(t) à o(Ω−1) près

lorsqueΩ → +∞. Cette équation close permet ensuite d’obtenir des équations closes pour les moments d’ordre 1 et 2. Bien que le LNA ait été décrit dans des cas particuliers [VK92] il n’existe pas dans la littérature selon [EE03] de présentation générale de la méthode au cas multivarié. Les détails techniques ont donc été décrits dans les suppléments de [EE03] et pourra trouver une présentation générale et une implémentation logicielle sous forme de boîte à outilsMatlabdans [Hes08]. Ainsi, le LNA fournit une approximation gaussienne des trajectoires où l’espérance est la solution de la loi d’action de masse ~φ et la matrice variance- covariance est déterminée par un système d’équations différentielles non homogène faisant intervenir ~φ. La qualité de l’approximation obtenue par le LNA fait l’objet de recherches ré- centes [WGSP12].

2.4.2.3 Conclusion

Les méthodes d’approximations des moments de la loi de probabilité des trajectoires en sémantique stochastique, c’est-à-dire d’estimation des moments de la loi solution de l’équation maîtresse, reposent sur l’obtention d’un système d’équations différentielles clos décrivant la dynamique des moments jusqu’à un certain ordre fixé. La résolution de ce sys- tème permet alors d’avoir une expression en fonction du temps de chacun de ces moments. L’avantage de ces méthodes est qu’elles évitent l’explosion du nombre d’équations (liée à l’explosion du nombre des états accessibles) en conduisant à des systèmes différentiels où le nombre d’équations est réduit aux nombres de moments auxquels on s’intéresse. Ces méthodes de moments clos sont donc actuellement utilisées lorsqu’on souhaite détermi- ner facilement les moments des trajectoires, par exemple dans le cadre de la vérification probabiliste de réseaux de réactions [CKL15].

Une difficulté importante est qu’il est difficile de choisir a priori quelle méthode d’ap- proximation doit être utilisée pour obtenir les équations différentielles closes des moments.

Dans [Hes08] on constate que la qualité des approximations des moments obtenues dif- fèrent selon les cas. Les recherches récentes (par exemple [BHP+15]) s’intéressent au pro- blème de la détermination de la meilleure approximation pour résoudre un problème donné.

Ces méthodes s’appliquent difficilement dans le cadre de cette thèse, qui est la confron- tation d’un réseau avec des données expérimentales. En effet, elles nécessitent de connaître les valeurs des paramètres cinétiques afin d’obtenir des moments approximés qu’on puisse comparer aux estimations expérimentales des moments. Or l’inférence des paramètres est un problème difficile.

Une méthode par contraintes dans laquelle des mesures expérimentales sur les mo- ments fournissent des contraintes sur les paramètres cinétiques est envisageable mais on se heurte alors aux mêmes difficultés que pour la résolution exacte de l’équation maîtresse. En effet, l’expression des moments obtenue n’est pas générale, elle dépend à la fois de la topologie du réseau mais aussi de la méthode d’approximation utilisée pour obtenir le sys- tème différentiel clos des moments. Il est donc difficile d’exhiber un vecteur analogue au vecteur de flux stationnaire qu’on pourrait relier analytiquement aux moments asympto- tiques et ceci d’une manière générale et indépendante des lois et paramètres cinétiques.