• Aucun résultat trouvé

Approches thérapeutiques actuelles

Actuellement, la prise en charge thérapeutique de ces cancers se base sur les principes généraux de celle des CBNPC que ce soit sur le plan chirurgical ou médical. Les données de survie proviennent de séries chirurgicales rétrospectives. La survie globale à 5 ans, tous stades confondus se situe entre 21 et 54 % selon les séries (Martin et al., 2007 ; Ito et al., 2010b ; Chen et al., 2012 ; Yuki et al., 2007). Certaines séries ont tenté d’apparier pour l’âge, le sexe et le stade, les patients ayant un carcinome sarcomatoïde aux patients ayant un autre type de CBNPC sur la même période d’étude. Dans ces séries chirurgicales, le pronostic des carcinomes sarcomatoïdes est moins bon que celui des autres types de CBNPC (Figure 3). La survie globale et sans récidive est plus courte pour les patients ayant un carcinome

27 sarcomatoïde de stade localement avancé. Les données sont moins claires pour les stades I et II. La survie globale ne varie pas en fonction du contingent épithélial ou pseudosarcomateux. En revanche, elle dépend du stade comprenant la taille tumorale (limite 6-7cm) et de l’extension ganglionnaire. L’importance de la nécrose est aussi un facteur pronostic péjoratif. En ce qui concerne la prise en charge des stades métastatiques, ces tumeurs sont réputées être chimio-résistantes. Cependant les séries médicales dédiées jusqu’à present sont peu nombreuses, rétrospectives et comprennent peu de patients. Les essais thérapeutiques n’individualisent pas et n’excluent pas toujours ces patients. Le traitement standard de première ligne est un sel de platine associé à une molécule de troisième génération. Les taux de progression sous première ligne à base de platine décrits dans ces petites séries sont très élevés allant de 60 à 85 % (Bae et al., 2007 ; Ito et al., 2010b ; Kaira et al., 2010).

28

Figure 3 : survie globale des carcinomes sarcomatoides comparée à celle des CBNPC (Martin et al., 2007)

SARC : sarcomatoide, CBNPC : carcinome bronchique non à petites cellules

Cette série de Martin et al inclut des malades diagnostiqués entre 1984 à 2003. Soixante-trois carcinomes sarcomatoïdes et 1 133 CBNPC d’autres sous-types sont comparés en survie globale tous stades confondus

29 1.3.1 Facteurs associés à la chimiorésistance

1.3.1.1 La transition épithélio-mésenchymateuse

La transition épithélio-mésenchymateuse (TEM) est un processus biologique qui permet aux cellules polarisées de prendre un phénotype mésenchymateux. Il s’agit d’un processus normal au cours de l’embryogénèse et observé lors des phénomènes de réparation. La réactivation aberrante de ce programme embryonnaire au cours de la tumorigenèse a été très largement associée à la dissémination métastatique. Les étapes de la dissémination métastatique impliquant la TEM sont multiples et concernent l’invasion des tissus adjacents, l’intravasation, la survie dans les flux et l’extravasation. Seule l’étape de colonisation semble davantage requérir le retour à un phénotype épithélial. Le potentiel métastatique d’une cellule cancéreuse dépend donc vraisemblablement de sa plasticité et de sa capacité à transiter d’un phénotype à l’autre.

Les inducteurs de TEM tel que TWIST, ZEB ET SNAIL, C-JUN sont fréquemment exprimés dans les tumeurs humaines et plus particulièrement dans les carcinomes. Ces facteurs de transcriptions sont capables de réprimer l’expression de l’E-cadhérine, facteur clé des jonctions adhérentes. En plus de contribuer à la perte des contacts intercellulaires et de la polarité apicobasale, la TEM est également associée à un gain de marqueurs mésenchymateux tels que la N-cadhérine, la fibronectine ou la vimentine. L’exposition de cellules épithéliales humaines à des cytokines telles que le TGFβ ou l’expression forcée de TWIST1, de SNAIL, de SLUG, de ZEB1 ou de ZEB2 favorisent la survenue d’une TEM, accompagnée de l’acquisition de propriétés migratoires et invasives, et de l’augmentation de leur potentiel métastatique.

30 La coexistence au sein des carcinomes sarcomatoïdes d’une prolifération de cellules d’aspect épithéliale et d’aspect mésenchymateux suggère cette plasticité tumorale et l’hypothèse d’un processus de transition épithélio-mésenchymateuse (TEM). Dans une série de 22 cas de carcinomes sarcomatoïdes (Blaukovitsch et al., 2006), l’E-cadhérine était exprimée de façon plus marquée par le contingent épithélial que par le contingent sarcomatoïde. Cette expression était associée négativement à celle de la vimentine et à l’activation de la voie de C-JUN, mais pas de celles de NOTCH, SNAIL ou du TGFβ1(Blaukovitsch et al., 2006).

Plusieurs travaux ont montré une association entre TEM et résistance à la chimiothérapie dans les CBNPC. Ainsi, l’inhibition de SNAIL sur une lignée d’adénocarcinome bronchique résistante au cisplatine, induit une sensibilisation au cisplatine, parallèlement à l’inhibition de la TEM, de la migration et de l’invasion cellulaire (Wang et al., 2014). Des résultats similaires ont été obtenus in vitro et in vivo sur un modèle d’adénocarcinome bronchique résistant au docetaxel, via l’inhibition de ZEB1 (Ren et al., 2013).

Parmi les mécanismes de chimiorésistance, l’induction d’une TEM peut conduire à un gain d’expression de divers transporteurs de la famille ABC. Ces protéines transmembranaires sont capables d’éluer différents substrats endogènes du cytoplasme vers le milieu extracellulaire tel que les drogues de chimiothérapies (Saxena et al., 2011). Par ailleurs les facteurs de transcriptions de la TEM apparaissent comme des régulateurs majeurs des voies oncosuppressives dépendantes des protéines p53 et Rb, et ont un effet tant sur leur activation et leur stabilisation que sur leur activité transcriptionnelle. Il a également été démontré qu’ils

31 étaient capables d’activer des voies de survie (AKT et NF-κB) et de moduler l’expression ou l’activité des membres de la famille BCL-2 en faveur des protéines antiapoptotiques.

Un nouveau champ d’investigation s’est récemment ouvert avec l’implication des micro-ARN dans la régulation de la TEM (miR-200, miR-448, miR-Let7c) Différents études menées sur des lignées tumorales mais aussi des échantillons tumoraux de patients ont montré une perte d’expression de ces divers micro-ARN après traitement par des molécules telles que les taxanes, le 5-FU et le cyclophosphamide. En cela, ces résultats démontrent non seulement l’implication des micro-ARN dans l’induction d’une TEM mais également leur implication dans une probable baisse, voire une perte, de sensibilité des tumeurs à plusieurs molécules thérapeutiques.

1.3.1.2 Un modèle de cellule souche ?

Les cellules souches cancéreuses (CSC) sont des cellules tumorales initiatrices du cancer et interviendraient dès les premières étapes de la carcinogenèse. Elles représentent une très faible proportion des cellules tumorales. Elles sont très indifférenciées, avec un fort potentiel de prolifération et de différenciation. Ces CSC partagent de nombreuses similitudes avec les cellules souches normales, en termes d’autorenouvèlement, de production de lignées cellulaires « filles », de phénotype membranaire et de voies de signalisation intracellulaires. On ignore si les CSC dérivent des cellules souches normales de l’organisme. Les CSC peuvent être définies par 3 propriétés essentielles : l’auto-renouvèlement, la production de lignées « filles » différenciées, et la capacité oncogénique in vivo, mesurée par la formation de xénogreffes. L’activation de plusieurs gènes spécifiques a été mise en évidence au sein des CSC, comme SOX2, NANOG ou OCT4/POU5F1. En 1982, Carney et al. ont montré à partir de tissus issus de mise en culture CBNPC et de carcinome bronchique à petites cellules que

32 certaines cellules, représentant moins de 2% de l’ensemble des cellules tumorales, étaient capables de former de nouvelles colonies de cellules tumorales. Ces colonies étaient capables de former des tumeurs in vivo, similaires à la tumeur initiale, après injection intracrânienne dans des souris immunodéprimées (Carney et al., 1982).

De nombreux travaux ont soulevé le rôle des CSC dans la chimiorésistance des CBNPC. La sélection in vitro des cellules tumorales sous chimiothérapie a été utilisée comme moyen de sélection des CSC (Li et al., 2008). L’expression de CD133, marqueur de cellule souche, dans le CBNPC était corrélée aux marqueurs de chimiorésistance, comme la glutathione S-transferase (Salnikov et al., 2010). L’administration de cisplatine, d’etoposide et de paclitaxel sur des CSC de CBNPC cultivées en sphères n’a aucune activité cytotoxique sur ces CSC (Eramo et al., 2008). De même, les cellules CD44+ isolées par tri cellulaire à partir de lignées de CBNPC (H1650 et H1299) sont beaucoup plus résistantes au cisplatine que les cellules CD44- ou les cellules non triées des mêmes lignées (Leung et al., 2010).

La voie Sonic Hedgehog (Shh) peut être activée au sein des CSC. Plusieurs études ont suggéré une relation entre l’activation de la voie Shh et la chimiorésistance. Le récepteur membranaire de Shh est Patched (Ptch1 et Ptch2). En l’absence de ligand Ptch inhibe la migration à la membrane de la protéine Smoothened (Smo). Lorsque Shh se fixe à son récepteur Ptch, il y a levée de l’inhibition de Smo qui va alors migrer à la membrane. Les facteurs de transcription Gli (Gli1, Gli2 et Gli3) se dissocient ensuite de SUFU pour migrer dans le noyau et activer la transcription des gènes cibles. Aucune différence en terme de gènes cibles n’a été mise en évidence entre Gli1, Gli2 et Gli3. Certains auteurs ont soulevé la possibilité d’une activation de Gli indépendante de la fixation de Shh sur son récepteur Ptch (activation « non-canonique » de Gli) (Lauth et al., 2007 ; Mimeault, Batra, 2010). Ainsi,

33 l’activation de KRAS, du TGFβ ou d’EGFR pourrait également activer Gli1 et Gli2 et la transcription des gènes cibles.

Il a ainsi été montré une corrélation entre l’activation de la voie Shh dans les cellules cancéreuses et l’expression de transporteurs ABC impliqués dans la chimiorésistance comme MDR1 et ABCG2, évaluée en Western Blot (Sims-Mourtada et al., 2007). De plus, Tian et al. (Tian et al., 2012) ont montré que le vismodegib, inhibiteur de SMO, inhibait de façon significative la prolifération tumorale in vitro des lignées cellulaires de CBNPC et de CBPC résistantes au cisplatine. L’inhibition de la voie Shh par vismodegib ou par siARN sensibilise également au traitement par ITK de l’EGFR. Ahmad et al. ont ainsi utilisé la lignée A549 rendue résistante au cisplatine et à l’erlotinib via un traitement par TGFβ qui permet l’acquisition d’un phénotype mésenchymateux (A549M) (Ahmad et al., 2013). Les IC50 du cisplatine et de l’erlotinib étaient significativement plus basses avec un pré-traitement par vismodegib ou siARN anti-Shh. Par ailleurs, l’administration de vismodegib entraînait la diminution de l’expression de marqueurs de CSC, comme Sox2 ou NANOG. Ces résultats soutiennent l’hypothèse actuellement admise que, in vivo, les CSC sont sélectionnées lors de l’administration d’une chimiothérapie cytotoxique, du fait de leur capacité de chimiorésistance. Elles seraient ainsi responsables de la progression tumorale ou de la rechute, car capables de recréer un clone tumoral.

Documents relatifs