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2.2 Description de l’intervention de groupe destinée aux proches de victimes d’actes

2.2.2 Approches théoriques préconisées

2.2.2.1 L’approche systémique

L’approche théorique sur laquelle repose principalement ce projet est l’approche d’intervention systémique. L’un des principes à la base de cette approche est que tout élément d’un système est susceptible d’avoir une influence et d’être influencé par ceux qui l’entourent (Brabender, Fallon & Smolar, 2004). Ces influences s’expliquent par les interactions qui se

produisent entre les diverses parties d’un même système. Ainsi, lorsqu’un élément du système est ébranlé, il peut secouer les éléments qui l’entourent. Un changement peut être amené à une partie d’un système en agissant sur une autre de ses parties (Brabender, Fallon & Smolar, 2004).

Dans le cas d’un acte criminel, les individus faisant partie du réseau (ou système) de la victime peuvent être indirectement affectés par celui-ci. Ils sont en effet à risque de développer un état de stress post-traumatique secondaire (Ruback et Thompson, 2001; Zayfert et DeViva, 2011; American Psychiatric Association, 2015) ou de l’épuisement au contact de la victime (Figley, 1998; Zawieja, 2014).

En tant que membres de son système, les proches d’une victime peuvent également avoir une influence sur elle. La qualité du soutien offert par les proches aurait d’ailleurs, nous l’avons vu, un effet important sur le rétablissement des personnes victimes d’événements de nature traumatique (Guay, Marchand et Billette, 2006; Martin, Germain et Marchand, 2006; Brillon, 2010). Ainsi, en intervenant auprès de l’entourage des victimes, nous souhaitons pouvoir influencer la qualité du soutien qu’elles reçoivent et avoir un effet sur leur rétablissement. Constitué de personnes partageant une difficulté commune, le groupe de soutien peut en lui- même constituer un système ou réseau pour les proches de victimes d’actes criminels (Leclerc, 1999 cité dans Berteau, 2011; Turcotte et Lindsay, 2014). Les interactions entre ses membres les amèneront à travailler ensemble avec des objectifs communs, tout en leur permettant de trouver des solutions aux enjeux vécus au sein de leurs réseaux respectifs (Turcotte et Lindsay, 2014), sans compter qu’à titre d’individus indirectement ébranlés par les actes criminels, les proches pourront aussi tirer profit du soutien social leur étant prodigué par le groupe dans lequel ils s’insèrent. Ils auraient en effet accès, par son entremise, à un réseau de soutien leur permettant à leur tour de composer avec leurs difficultés (Tosedale et Rivas, 2012; Turcotte et Lindsay, 2014).

2.2.2.2 L’approche cognitivo-comportementale

La seconde approche sur laquelle s’appuiera l’intervention de groupe que nous envisageons est l’approche cognitivo-comportementale. Cette approche favorise l’identification de pensées déformées ou de distorsions cognitives susceptibles d’engendrer une souffrance à la personne (Silverman, 2008). La prise de conscience se fait par la communication d’information et par des exercices ou des devoirs recommandés par le professionnel aidant (Silverman, 2008). La personne est également encouragée à développer des stratégies de résolution de problèmes (Brabender, Fallon et Smolar, 2004).

Les participants prenant part à la démarche de groupe destinée aux proches proposée ici seront encouragés à tenir un journal de bord tout au long de la démarche, dont ils pourront partager le contenu lors des séances. Des exercices visant à identifier les conséquences de la victimisation sur la victime et sur eux-mêmes seront aussi proposés. Les interventions seront menées de manière à favoriser l’identification de pensées négatives relatives à la situation de victimisation susceptibles d’affecter leur bien-être et la qualité du soutien offert à la personne victime. Nous aurons recours à de la psychoéducation afin de communiquer des informations aux participants et de faciliter les prises de conscience et autres apprentissages des participants. Ces derniers seront également encouragés à développer des moyens et stratégies pour améliorer leurs situations respectives.

2.2.2.3 L’approche humaniste et sa notion de reprise de pouvoir

Plusieurs éléments de l’approche humaniste seront aussi mis à profit dans le cadre des interventions de groupe menées auprès des proches de victimes d’actes criminels. À travers les rencontres, les participants seront amenés à raconter leur histoire et à entendre celles des autres. Ils seront invités à faire preuve d’empathie et de considération par rapport aux récits et émotions exprimées par les autres membres du groupe (Turcotte et Lindsay, 2014). En plus de leur offrir un certain réconfort, ces acquis seront également transposables dans leurs interactions avec la personne victime (Berteau, 2011).

La notion d’autonomisation (ou d’empowerment) sera également mise de l’avant dans le cadre de l’intervention que nous envisageons. Ce principe commun à plusieurs approches est une technique visant à redonner le pouvoir aux individus vivant de l’impuissance ; sentiment souvent rencontré par les proches aidants (Silverman, 2008). Cette reprise de pouvoir leur permettra d’agir et d’améliorer leur situation au sein et à l’extérieur du groupe (Turcotte et Lindsay, 2014; Toseland et Rivas, 2012). Les participants seront encouragés à identifier les forces à leur disposition pour surmonter leurs difficultés et à y avoir recours pour soutenir les personnes victimes dans le respect de leurs propres limites et besoins (Toseland et Rivas, 2012).

2.2.2.4 Intervention de groupe : mobilisation des facteurs d’aide et de l’aide mutuelle

Nous sommes d’avis que les nombreux avantages associés à la modalité de groupe sauront contribuer au travail réalisé par les participants lors de la démarche. Au-delà des avantages découlant des facteurs d’aide ou de la dynamique d’aide mutuelle, ce sont avant tout les interactions entre les membres du groupe qui en feront « un catalyseur de changement »

(Turcotte et Lindsay, 2014 : 151). Par l’entremise de leurs échanges, les proches de victimes d’actes criminels participant aux rencontres prendront conscience qu’ils ne sont pas seuls à vivre des difficultés. Ils seront encouragés à mobiliser leurs forces et ressources afin de trouver des solutions aux difficultés communes soulevées au fil des séances. En identifiant des moyens concrets de s’entraider, les participants auront non seulement le sentiment d’aider les autres membres du groupe, mais pourront aussi reprendre du pouvoir sur leur situation respective. Ils pourront ensuite transposer ces acquis dans leurs interactions à l’extérieur du contexte de groupe et y avoir recours dans leurs interactions avec la personne victime (Turcotte et Lindsay, 2014). Le rôle des intervenants assurant l’animation des séances sera donc de favoriser l’émergence de l’aide mutuelle et de mobiliser les avantages liés aux facteurs d’aide que nous avons mentionnés précédemment en favorisant les échanges entre les membres du groupe et en les amenant à travailler ensemble (Turcotte et Lindsay, 2014). Les intervenants contribueront à la richesse des échanges en fournissant des informations susceptibles d’aider les participants (Berteau, 2011). Ainsi, ils aideront les proches de victimes d’actes criminels prenant part à la démarche de groupe à prendre conscience des impacts de la victimisation de leur proche sur le quotidien de celui-ci et sur le leur, de l’importance de leur soutien dans le cheminement vers le rétablissement de la personne victime brisée par l’acte criminel et des répercussions de la victimisation indirecte sur la qualité de ce soutien; quel que soit leur lien avec la personne victime.